search-form-close
Bouteflika, une fin de règne chaotique

Bouteflika, une fin de règne chaotique

Il rêvait de De-Gaulle, il a fini presque comme Mugabe. Abdelaziz Bouteflika a achevé officiellement depuis lundi son quatrième mandat et ses vingt ans de règne à la tête du pays. Il aurait, bien entendu, souhaité poursuivre sa présidence jusqu’à l’élection d’un nouveau président comme il l’avait décliné dans sa lettre qui lui a été attribuée le 11 mars. Mais la pression de la mobilisation inédite des Algériens a fini par avoir raison de ses ambitions. Contraint, il finit, après une ultime manœuvre, par renoncer début avril suite aux sommations de l’institution militaire.

Il part en laissant derrière lui un pays plongé dans une grave crise politique, un pays exposé à un naufrage économique. Et nul ne peut prédire, au regard de l’évolution de la situation, de quoi sera fait demain.

Même s’il faut mettre à son actif quelques réalisations, dont certaines relevant des folies de grandeur comme la Grande mosquée, il reste que globalement son bilan est sujet à critiques, à plus forte raison lorsqu’on entend la manière dont ont été transformées les institutions de la République et l’image hideuse laissée de leur fonctionnement.

Avec effarement et stupéfaction, les Algériens découvrent, depuis quelques semaines, après que les langues se soient déliées, que finalement son frère faisait la pluie et le beau temps pendant de longues années.

Après les révélations du désormais ex-bras droit d’Ouyahia, Seddik Chihab, c’est un ancien poids lourd de l’establishment, l’ex-ministre de la Défense Khaled Nezzar, de faire de « croustillantes » révélations.

« Jusqu’à la dernière minute, le porte-parole du président – son frère Saïd – s’est accroché au pouvoir, multipliant les tentatives de diversion, les manœuvres, les manigances désespérées pour garder la haute main sur les affaires du pays », écrivait-il ce lundi sur le site Algérie Patriotique.

Il a révélé que Saïd Bouteflika n’excluait pas de recourir à l’Etat d’urgence pour garder le pouvoir ou à écarter Gaid Salah. Plus grave encore, à avoir toutes ces personnalités qui défilent devant l’institution judiciaire, on mesure toute l’ampleur de la corruption qui a gangrené de nombreuses institutions de l’Etat.

Même si, au regard de l’état de la justice, dont l’indépendance est réclamée y compris par des juges et des avocats, il ne faut pas exclure l’existence de règlements de comptes, il reste que le rang de certaines personnalités prouve que la corruption ne concernait pas seulement les petites gens. Ce mardi, Gaid Salah évoquait l’existence de « dossiers lourds » de corruption.

Au plan politique, Bouteflika part en laissant une scène politique presque désertifiée et dévitalisée. A coup de harcèlements administratifs, d’entraves, d’oppressions, de mouvements de redressements créés et de caporalisations pour le cas du FLN et du RND et autres organisations à l’image de l’UGTA, il a fini par grenouiller toutes les structures de médiation en empêchant l’organisation de la société.

Signe du résultat de cette entreprise : l’incapacité des partis et autres associations à canaliser et à orienter aujourd’hui la formidable dynamique populaire qui s’exprime depuis plus de deux mois.

Parallèlement, faute de perspectives et de libertés, des milliers de cadres ont été contraints à aller monnayer leur talent sous d’autres cieux, comme au Canada où de nombreux Algériens s’y sont établis durant le règne de Bouteflika.

Au chapitre économique, malgré une aisance financière et une manne tombée inespérée à la faveur d’une hausse vertigineuse des prix des hydrocarbures, Abdelaziz Bouteflika a préféré plutôt une gestion rentière et populiste à la mise en place d’une économie basée sur la croissance et la performance.

Après deux décennies, le pays qui a englouti mille milliards de dollars, est toujours à l’évocation de la nécessité d’une… économie diversifiée. Le récent recourt à la planche à billets témoigne de façon éclatante du lamentable échec de la gouvernance économique.

Et qu’en est-il de la diplomatie ? Si au début de son règne, il s’était employé à sortir l’Algérie de l’isolement dans lequel elle était plongée, avec plus ou moins de succès, aidé il est vrai par la disponibilité d’une grande cagnotte, force est d’admettre que depuis au moins six ans la voix de l’Algérie est devenue presque inaudible sur la scène internationale.

Flamboyant à son arrivée, en n’hésitant pas à se référer à Jefferson, suscitant de nombreux espoirs, Abdelaziz Bouteflika a fini par dévoiler son addiction au pouvoir, au fil des années, à travers la « trituration » de la Constitution, à telle enseigne qu’elle est devenue aujourd’hui, aux yeux des juristes, comme un véritable « boulet », pour une sortie de crise.

Mais aussi, par l’intrigue et la manigance parvenant à neutraliser de nombreuses institutions et contre-pouvoirs. Il part en laissant en l’état, malgré de timides réformettes, de nombreux chantiers, comme celui de l’école, de la réforme des structures de l’Etat ou encore de la justice.

Autant de défis pour ceux qui sont appelés à hériter du pouvoir. A l’examen de son bilan, nul doute que l’entreprise de redressement du pays s’annonce laborieuse. On raconte qu’il aurait confié que les Algériens se souviendraient de ses réalisations plusieurs décennies après son départ, paraphrasant ainsi le défunt Houari Boumediene. Mais s’il est déjà oublié, il restera peut-être, à son corps défendant, comme celui qui aura permis le démantèlement du système, mis en place à l’indépendance et auquel il a activement participé. Encore faut-il que le combat du peuple aboutisse…

  • Les derniers articles

close