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Canicule en Algérie : des effets dévastateurs sur l’agriculture

Canicule en Algérie : des effets dévastateurs sur l’agriculture

Le Nord de l’Algérie fait face, depuis début juillet, à des vagues de chaleur successives sans précédent par leur durée et précocité. À la faveur du réchauffement climatique, les températures atteignent 48°C sous abri. Ces températures ne sont pas sans conséquence sur les activités agricoles qui doivent se ré-inventer.

Dans les habitations surchauffées, seule la climatisation rend l’atmosphère respirable. Des habitations où, depuis longtemps, on a oublié les matériaux traditionnels tels « et-toub », ces briques d’argile séchées au soleil. Un isolant thermique naturel aujourd’hui connu jusqu’en Europe.

L’usage de la climatisation est tel qu’en juillet, la Sonelgaz a enregistré des pics de consommation électrique record en Algérie. Déjà, à Béchar, les ménages s’inquiètent des factures d’électricité à venir. « Je suis angoissé à l’idée de payer dans une semaine une facture d’électricité de 15.000 DA, cela représente la moitié de ma pension de retraite alors que je me suis déjà endetté pour l’achat d’un mouton de l’Aïd trop cher, il y a 20 jours », confie un père de famille au quotidien El Watan.

Dans les villes, l’ombre des arbres est recherchée pour trouver un répit hors des logements surchauffés ou simplement garer sa voiture. Mais nombreuses sont les artères et places publiques où il n’y a pas d’arbres. Parfois, les services municipaux ont planté des palmiers exotiques. Des arbres décriés pour le peu d’ombre qu’ils offrent.

La canicule n’en finit pas. Les bulletins météorologiques spéciaux (BMS) émis par Météo Algérie se succèdent avec des températures caniculaires pouvant atteindre 48°C. Jusqu’à 26 wilayas sont affectées ces jours-ci.

Canicule : l’Algérie peu préparée aux vagues de chaleur

Les animaux d’élevage souffrent autant que les hommes de la canicule. Depuis longtemps, les éleveurs de volailles anticipent la fournaise estivale qui touche leurs poulaillers. Dans les bâtiments en tôle, jour et nuit, d’énormes ventilateurs doivent rafraîchir l’atmosphère et l’ammoniac qui se dégage des litières. Pour les petits aviculteurs dont les bandes de poulets sont élevés sur terre battue dans de simples serres, la stratégie consiste à cesser l’activité durant les mois d’été.

Depuis des années, à Debila, dans la région d’Oued Souf, un aviculteur a trouvé la parade pour poursuivre son activité même au plus chaud de l’été. Les murs de ses 3 bâtiments d’élevage sont en pierre et peints en blanc.

Sur le toit de tôle, il a installé une couche de palmes de palmiers dattiers. Un espace d’une vingtaine de centimètres entre le toit permet le passage de l’air. Au plus chaud de la journée, des asperseurs permettent d’humidifier l’ensemble. En fin d’après-midi, des ouvertures permettent aux 3.000 volatiles de chaque bâtiment de sortir à l’air libre. Au bout de 56 jours, comme plus au Nord, les poulets atteignent un poids de 2,6 kg.

Élevage en Algérie : la souffrance des animaux

Dans les étables modernes, pour faire face à la canicule, des ventilateurs sont installés, mais dans les plus modestes, les animaux suffoquent et la production de lait chute de façon drastique. Avec la chaleur, les animaux consomment moins de fourrage.

À Djelfa dans un paysage minéral, Aami Kouani, un vieil éleveur, surveille son troupeau près d’une bergerie aux murs de pierre. À peine une quarantaine de têtes, dont un tiers de chèvres.

Appuyé sur sa canne, il dit avoir du mal à supporter la canicule : « Elle nous tue », confie-t-il à Echourok TV.

Autour de la bergerie où ne subsistent que quelques buissons rachitiques, les bêtes se regroupent près de l’abreuvoir. « On manque d’eau », ajoute le patriarche : « Elle se situe à 140, voire 150 mètres de profondeur, mais nous n’avons pas les moyens de procéder à un forage ». Tout en désignant un âne attelé à une charrette sur laquelle est arrimée une citerne en tôle, il poursuit : « Ce sont des voisins charitables qui nous dépannent. Ils sont à 4 km d’ici ».

Sécheresse printanière dans les champs

Dans les zones céréalières de l’intérieur du pays, les effets du dérèglement climatique sont catastrophiques. Durant les mois de mars et avril, il n’a quasiment pas plu et l’Algérie devrait enregistrer une de ses plus faibles récoltes de ces dernières années.

En l’absence de modernisation des techniques de « dry-farming » ou arido-culture, de nombreux agriculteurs n’ont rien récolté et la campagne de moissons a été réduite à sa plus simple expression.

Plus au Nord, les pluies du mois de mai ont été salvatrices pour les blés et les quelques centaines d’hectares de tournesol. L’eau qui n’était pas tombée les mois précédents s’est déversée en mai et en juin et les épis ont été la proie de moisissures. Des grains ont même germé sur pied avant récolte.

Le développement de ces moisissures peut s’accompagner de mycotoxines cancérigènes. Aussi, la semaine passée, devant la Coopérative de Céréales et de Légumes Secs (CCLS) d’El Hadjar (Annaba) jusqu’à 200 camions de tout tonnage, la CCLS attendait le résultat d’analyses pour décharger leur cargaison de blé. C’est l’Office national du Bétail (ONAB) qui s’est chargé des analyses afin de déterminer si ce blé impropre à la consommation humaine pouvait être dirigé vers l’alimentation du bétail.

Peu habitués aux phénomènes des pluies tardives, ces agriculteurs n’ont pas pris la précaution de choisir des variétés peu sensibles à la germination et aux maladies sur épis.

Boumerdès : grappes de raisin desséchées avant récolte

Grosse affluence cette semaine au local de l’Union Nationale des Paysans Algériens (UNPA) de Boumerdés. Autour du secrétaire de section, Sadek Sabaoui, une quinzaine d’agriculteurs. Objet de la réunion, les dégâts de la canicule sur la production de raisin. « Des dégâts causés par des températures de 50°C, surtout sur les parcelles non irriguées », confie-t-il à Ennahar TV.

Depuis plusieurs années, la wilaya s’est spécialisée dans la production de raisin de table sous pergola. Une technique révolutionnaire qui permet de bons rendements. Les agriculteurs ont consenti de gros investissements. Mais cette année, les grappes de raisin font triste mine : les grains sont ridés et d’autres sont flétris. Invendables.

Loin de s’imaginer un jour l’arrivée au Nord de l’Algérie de températures sahariennes, les agriculteurs de Boumerdès ont planté des centaines d’hectares de raisin sans s’assurer des moyens de protection contre la chaleur. Depuis longtemps, dans les oasis, les agriculteurs ne plantent vigne et arbres fruitiers que sous l’ombrage des palmiers dattiers.

Du sorgho à la place du maïs

À El Kseur (Béjaïa) en cette mi-juillet, Yahia Salah est satisfait de sa récolte de fourrage. Contrairement à ses voisins, il n’a pas semé du maïs, mais du sorgho. Bien que ce fourrage résiste mieux à la chaleur et demande moins d’eau, il reste peu connu en Algérie.

Dans la parcelle, les tiges font près de 2 mètres de haut et rappellent les roseaux qui bordent les routes. Un tracteur de marque Cirta sans âge tire une faucheuse. Le sorgho a été semé l’année précédente et comme pour la luzerne, l’agriculteur a déjà réalisé plusieurs coupes. Les dernières pluies et de copieux apports d’engrais ont été bénéfiques. Pour l’observateur Amzal Akli, il s’agit « d’une plante d’avenir ».

Figuier de Barbarie à Relizane

À Relizane, Hamid, la trentaine, gandoura blanche et collier de barbe fourni, mise sur les figues de Barbarie. Une culture qui demande beaucoup moins d’eau que celle de la pastèque.

Il vend ces fruits en bordure de route. Point d’étal avec balance, il dispose des lots de fruits dans de simples bidons de 5 litres à même le sol. Tôt le matin, muni d’une longue perche, il récolte les fruits accrochés aux raquettes d’opuntia.

La perche en roseau est terminée par un trident qui permet de saisir délicatement les fruits à distance. Le geste est précis, une simple torsion de la perche permet de les détacher. Avant la vente, à l’aide d’une balayette, Hamid remue délicatement les figues à même le sol. Un moyen d’ôter le maximum de leurs fines épines. Il confie à Ennahar TV qu’en cette saison cette activité constitue sa seule source de revenus.

L’agriculture contrainte de se ré-inventer

Paradoxe de la canicule au Nord, l’Algérie fait le pari de cultiver un million d’hectares de blé dans le grand Sud où malgré l’aridité du climat, l’eau du sous-sol reste abondante. Une technique qui s’est avérée payante cette année.

L’Office Algérien des Céréales (OAIC) a réussi un véritable exploit. Sur des centaines de kilomètres, une noria de camions a assuré l’approvisionnement du Nord du pays en semences locales. À l’automne, les agriculteurs du Nord auront les centaines de milliers de quintaux de grains nécessaires aux semis.

Nombre d’investisseurs se pressent auprès de l’Office de Développement de l’Agriculture Saharienne (ODAS) pour tenter l’aventure de produire du blé dans le Sud algérien. Plus pragmatique, à Relizane, Hamid continue de récolter les figues de Barbarie. Jusqu’à présent, la plante résiste à la canicule.

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