Politique

Ce que les Algériens attendent du discours de Bensalah

Le pouvoir semble ne pas vouloir perdre davantage de temps dans le traitement de la crise qui secoue le pays depuis bientôt quatre mois et c’est à priori une excellente nouvelle.

À peine le ramadhan terminé sans que ne se réalisent les prophéties des piètres conseillers du régime sur l’essoufflement de la mobilisation, les autorités reprennent l’initiative avec l’annonce d’un discours à la Nation du chef de l’État par intérim.

Abdelkader Bensalah s’adressera directement aux Algériens ce jeudi 6 juin à 20h, à la veille des marches du seizième vendredi qui s’annoncent au moins aussi imposantes que celles d’avant le mois sacré.

Notons d’abord que c’est la première fois qu’un personnage clé du pouvoir s’exprime à la veille d’une journée de grande mobilisation, le chef d’état-major de l’armée et le chef de l’État provisoire ayant pris le pli de prendre la parole après la rue, soit en début ou en milieu de semaine. Est-ce à dire qu’il faudra s’attendre à des annonces fortes de Bensalah, comme la convocation du corps électoral, donc la fixation d’une nouvelle date pour l’élection présidentielle, un autre appel au dialogue, la démission du gouvernement Bedoui ou carrément la sienne ?

D’expérience, on sait combien est hasardeuse la spéculation sur les intentions du pouvoir qui, depuis le début du mouvement populaire, a plus d’une fois déçu en allant à contre-courant des exigences de la situation et du bon sens, proposant des solutions superficielles pour une crise profonde.

On sait aussi quelles sont les attentes des Algériens de cet autre discours de celui qui assure l’intérim de la plus haute fonction de l’État. Les évoquer est en revanche un exercice bien moins périlleux. Pour résumer, le peuple espère voir le pouvoir rompre avec le seul exercice auquel il s’est livré jusque-là : la manœuvre et la diversion. Une feuille de route acceptable avec de sérieuses garanties de faire déboucher le processus sur le changement rêvé pourrait constituer un énorme pas en avant, à défaut d’obtenir dans l’immédiat le départ de toutes les figures du système.

Car c’est sur cet aspect que le pouvoir a le plus péché : depuis le début de la crise, il n’a pas montré la moindre volonté de céder sur l’essentiel. Les belles professions de foi du chef d’état-major sont aussitôt démenties par une réalité pas très rassurante faite de rétrécissement du champ des libertés, de tentatives répétées de tordre le cou à la contestation, une entreprise malsaine de division, le retour en force des comportements méprisables des laudateurs…

Plus que la présence des ‘B’ indésirables, ce sont ces pratiques qui ont fait capoter l’élection du 4 juillet sur laquelle le pouvoir avait tout misé. En fait, il s’agit d’un gros problème de confiance qui ne peut être dissipé que par des mesures d’apaisement.

Dimanche passé, le Conseil constitutionnel avait annoncé l’impossibilité d’organiser le scrutin à sa date initiale et ordonné presque au chef de l’État de convoquer de nouveau le corps électoral. On se risquerait à dire qu’engager un autre processus sans l’accompagner de mesures concrètes et rassurantes et d’une volonté claire de passer la main, c’est le condamner au même sort que celui qui vient d’être enterré.

Aux mêmes causes les mêmes effets, c’est valable aussi en politique. Le pays a assez tourné en rond jusque-là.

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