
Dans sa dernière mise à jour, le Département américain de l’Agriculture (USDA) a publié son analyse de la situation céréalière en Algérie. Cette année, la production de céréales est estimée à trois millions de tonnes de blé et 1,35 million de tonnes d’orge et proche des résultats de l’année passée. Quant aux importations de blé, elles devraient atteindre 9,2 millions de tonnes, et les stocks s’établir à un volume de cinq millions de tonnes suite à la baisse des arrivages de blé russes et du quasi arrêt du blé français.
La production céréalière stable mais dépendante de la météo
Pour son analyse, l’USDA s’appuie sur une compilation des données publiées par les services agricoles algériens, de statistiques des maisons de courtage et de données satellitaires sur la végétation tout au long du cycle de croissance des céréales.
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Pour arriver à ses estimations de la production de céréales, l’USDA s’appuie également sur un niveau de surfaces emblavées de l’ordre de « deux millions d’hectares pour le blé et un million pour l’orge ».
Concernant la production de céréales au sud de l’Algérie, l’USDA prend en compte les données du ministère de l’Agriculture du Développement rural, c’est-à-dire près de 150 000 hectares destinés aux céréales. Une surface en hausse de 40 000 hectares par rapport à l’année dernière.
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À partir de ce constat, l’USDA pronostique que pour cette campagne « la production de blé de l’Algérie restera probablement inférieure à la moyenne » à un niveau de « trois millions de tonnes ». La production d’orge est revue légèrement à la hausse pour un volume prévisionnel de 1,35 million de tonnes. Cette prévision s’appuie sur des pluies printanières particulièrement favorables dans les zones consacrées à la culture d’orge.
L’utilisation de données satellitaires permet au Département américain de l’Agriculture de faire remarquer que la production céréalière au nord de l’Algérie reste particulièrement dépendante du niveau des précipitations.
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Outre les capteurs satellitaires qui permettent de quantifier l’importance de l’état végétatif des cultures, l’USDA bénéficie de renseignements concernant l’humidité des sols. Ce qui lui permet de diagnostiquer une campagne de semis démarrée dans des conditions sèches en octobre 2024. Les sols se sont humidifiés en janvier 2025, sans toutefois atteindre la moyenne des vingt dernières années.
Suite à l’analyse du régime des pluies hivernales et printanières, le rapport fait état de précipitations irrégulières en début de saison mais avec un rattrapage au printemps qui « devrait soutenir les rendements dans les régions les plus fertiles et préserver les cultures dans les zones marginales ».
Concernant le sud, l’USDA n’utilise pas de données satellitaires bien que celles-ci soient utilisées par des chercheurs algériens (1) pour quantifier l’extension de la culture de blé sous pivots, voire de sa régression au niveau de certains périmètres.
Aussi, le rapport se base sur des données locales et arrive à un niveau de « plus de trois millions de quintaux ». Lors d’une réunion préparatoire aux moissons, les services agricoles ont en effet communiqué à la presse les ordres de grandeur suivants : 1 000 000 de quintaux pour chacune des wilayas d’El Menia et d’Adrar ainsi qu’entre 210 000 à 350 000 quintaux pour les wilayas de Ouargla, Biskra et El Oued. L’USDA note la progression de la production du sud qui représente aujourd’hui 10 % du total de la récolte de l’Algérie.
La Russie principal fournisseur de blé de l’Algérie
Pour la campagne commerciale 2024/25 (juillet 2024 à juin 2025), l’USDA revoit à la baisse les estimations d’importations de blé de l’Algérie. Aux 9,2 MMT initialement prévues, elles passent à 8 MMT du fait du ralentissement des expéditions au cours des derniers mois.
Le décompte s’établissant comme suit : 6 millions de tonnes au cours des dix premiers mois de la campagne 2024/25 et 1 million de tonnes en mars et avril. Or, pour ces deux mois, auparavant les importations « s’élevaient en moyenne à 1,8 million de tonnes ».
L’USDA note que ce recul provient essentiellement « des expéditions en provenance de Russie et de France » et rappelle que la Russie dispose « d’un quota d’exportation de 7,9 millions de tonnes, fixé le 15 février et valable jusqu’au 30 juin ».
Il est ainsi rappelé la position nouvelle de la Russie sur le marché algérien : « au cours des deux dernières saisons, la Russie s’est imposée comme l’un des principaux fournisseurs de blé de l’Algérie ».
Au cours de la campagne 2023/24, la Russie a expédié 2,4 millions de tonnes de blé vers l’Algérie, dont 1,9 million au cours des dix premiers mois de la saison. L’USDA note qu’au cours des dix premiers mois de la saison actuelle, « les exportations russes de blé vers l’Algérie se sont élevées à 1,7 million de tonnes ».
Le département américain de l’agriculture indique que selon la presse algérienne la percée des céréales russes sur le marché algérien est due à l’exclusion des « entreprises françaises des appels d’offres de l’OAIC pour l’achat de blé » mais que dans le même temps « l’OAIC a publié une déclaration soulignant qu’elle avait restreint les appels d’offres pour des raisons techniques liées aux besoins industriels et a précisé qu’elle traitait tous les fournisseurs de manière équitable ». Il est ainsi rappelé qu’il y a 5 ans « la France fournissait jusqu’à six millions de tonnes à l’Algérie » et que pour cette saison « les livraisons ont été complètement réduites à néant ».
Des réserves de productivité
L’analyse de l’USDA s’arrête aux volumes de céréales produits et importés, elle ne mentionne pas les progrès récents notamment en matière de logistique et de stockage.
Au sud, la récolte de céréales a mobilisé des moyens considérables sous la forme d’engins de récolte et de camions pour le transport de grains. Ces moyens ont été concentrés sous forme de convois dirigés vers les nouveaux pôles céréaliers au sud.
À cela s’ajoute le renforcement des capacités de stockage notamment sous la forme de silos et de centres de collecte locaux qui remplacent progressivement le stockage provisoire en plein air.
Ces moyens sont loin d’être négligeables pour la sécurisation des investissements réalisés par les agriculteurs privés et les entreprises publiques. Ces nouvelles structures les rassurent quant aux moyens mis à leur disposition par l’Office algérien des céréales (OAIC) pour collecter leur production et ainsi la mettre au plus vite hors d’atteinte d’éventuels aléas climatiques (tempêtes, dégâts d’animaux).
Si le rapport de l’USDA fait état de la montée en puissance de la céréaliculture saharienne, il ne fait pas mention du profil des investisseurs. Ces dernières années, on assiste à un infléchissement avec l’arrivée de sociétés publiques (Sonatrach, Madar, Cosider) et étrangères (Bonifiche Feraressi, Dunaysır, Baladna).
Augmentation des moyens matériels
Le rapport de l’USDA insiste longuement sur la dépendance de la céréaliculture du nord de l’Algérie aux pluies. Celles de l’automne 2024 ont été tardives et ont retardé les semis. À l’ouest du pays, elles ont été insuffisantes et irrégulières et des parcelles ont été totalement sinistrées. Les observations fines de parcelles au sud de Tiaret montrent que toutes n’ont pas été atteintes de la même façon par la sécheresse ce qui met en évidence des différences de pratiques de la part des agriculteurs. Il existe donc des pratiques qui permettent d’atténuer les effets du manque de pluies et des pertes occasionnées.
Actuellement, des moyens matériels considérables sont mis à la disposition de la filière céréales mais, que ce soit au sud ou au nord du pays, il n’existe aucune analyse du niveau de charges et de marge par hectare des exploitations. À l’étranger leur collecte et numérisation permet de mettre en évidence des différences entre exploitations, d’identifier les pratiques les plus efficientes et donc de dégager des voies de progrès.
Le récent regard porté par l’USDA sur le niveau des performances de la filière céréales pourrait être l’occasion de bilans d’étapes par les acteurs locaux.
Notes : (1) Bilan spatialisé de la mise en valeur agricole au Sahara algérien (disponible en ligne).