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Céréales : l’Algérie fonde de grands espoirs sur le sud

Céréales : l’Algérie fonde de grands espoirs sur le sud

Un nouveau schéma stratégique de développement de la production céréalière en Algérie a été présenté lundi 11 septembre à Alger.

Il a été élaboré par une commission composée de chercheurs, d’experts et de responsables de divers secteurs : agriculture, enseignement supérieur, industrie, énergie, hydraulique et transports. Il s’agit d’une première en Algérie.

Ce schéma vise à réunir les conditions nécessaires pour atteindre l’autosuffisance en matière de céréales, avec l’objectif de produire massivement du blé dur notamment dans le sud pour dégager un excédent à l’exportation.

C’est à l’École nationale supérieure d’agronomie (Ensa) d’El Harrach et en présence du ministre de l’Agriculture et du Développement rural, Mohamed Abdelhafid Henni, du ministre de l’Enseignement supérieur et de la Recherche scientifique, Kamel Baddari, et du ministre de l’Industrie et de la Production pharmaceutique, Ali Aoun qu’a eu lieu la présentation officielle des travaux de la commission.

Dans le grand amphithéâtre de l’Ensa où s’est tenue la remise du rapport de la commission la presse nationale était présente et a abondamment couvert l’événement.

Lors de sa prise de parole, Abdelhafid Henni a remercié le ministre de l’Enseignement supérieur pour l’implication de l’université dans la recherche de la sécurité alimentaire et a tenu à rappeler les opérations réalisées au niveau de son département ministériel.

Il a ainsi longuement énuméré, l’augmentation de 30 % des prix d’achat des céréales auprès des agriculteurs, le soutien de 50 % accordé aux engrais, la réalisation de 6.500 forages durant la campagne agricole écoulée avec une aide de 60 % de leur coût, la création d’une banque de semences, l’emploi de moyens modernes dont les drones et les images de satellites, le développement des cultures stratégiques avec la ré-introduction prochaine de plans de culture par wilaya, l’effort de collecte des céréales.

Il a aussi cité le développement des capacités de stockage, le programme d’attribution d’un million d’hectares de terre au sud, dont 460.000 déjà attribués à des investisseurs algériens ou étrangers, le programme d’irrigation portant sur l’irrigation de 500.000 hectares dont 350.000 déjà réalisés et les prochaines caravanes de vulgarisation des instituts techniques agricoles.

Céréales en Algérie : priorité à l’agriculture saharienne

Il n’a pas manqué d’évoquer le changement climatique et ses effets sur l’Algérie, notamment la réduction de la pluviométrie ces 5 dernières années, ajoutant qu’en moyenne les régions céréalières du pays ne disposent que de 65 jours de pluie contre 265 pour les plus grands pays producteurs de céréales.

Abdelhafid Henni a insisté sur la production de céréales dans le sud algérien rappelant l’importance des superficies existantes, les moyens matériels et techniques disponibles, la législation, le rôle de l’Office de développement de l’agriculture saharienne (Odas) et l’implication d’entreprises publiques comme Cosider, Sonatrach, Madar et Agrodiv dans la culture des céréales.

Quant aux ressources en eau du sud, il a rappelé que le volume des nappes souterraines est estimé entre 30.000 et 60.000 milliards de m3, nappes qu’il s’agit d’exploiter de façon raisonnée, a précisé Abdelhafid Henni.

Le ministre a rappelé l’objectif d’attribution d’un million d’hectares. Il a évoqué l’intérêt de l’irrigation continue par rampes-pivots au sud et les rendements obtenus : 60 à 70 quintaux avec des pointes à 110 et 115 quintaux à Timimoune et de plus de 100 quintaux au sud de la wilaya de Khenchela ainsi qu’à Adrar estimant qu’avec un million d’hectares, l’Algérie pourrait obtenir son autosuffisance en blé tendre.

Il a cependant rappelé les dangers d’une consommation excessive de farine blanche tels que l’obésité et le diabète qui sont en augmentation en Algérie.

Après la remise du rapport aux différents ministres présents, le directeur de l’Ensa, Tarik Hartani, a présenté les grandes lignes du travail de la commission.

Les propositions du groupe de travail ne se focalisent pas seulement sur l’irrigation et l’agriculture saharienne. Elles portent également sur les moyens d’améliorer la production de céréales en condition pluviale, c’est-à-dire non irriguée. Un type de culture qui couvre 7 millions d’hectares au nord et qui concerne la plus grande partie des agriculteurs algériens.

Tarik Hartani a insisté sur la nécessité d’une cartographie permettant de situer les meilleures terres à blé dur, blé tendre ou orge ainsi que l’indispensable recours aux rotations des cultures en privilégiant légumes secs et cultures stratégiques dont les oléagineux.

De même qu’il a été proposé une association adaptée de l’élevage à la culture des céréales de manière à favoriser le maintien de la fertilité des sols.

Il a également été proposé de donner plus de moyens à la recherche agronomique en convertissant l’une des fermes pilotes en un centre de recherche dédié à l’agriculture pluviale et en développant la coopération scientifique avec des pays possédant une expertise en matière de céréales.

Il est à rappeler qu’en 2016, l’Algérie ne disposait que de 17 chercheurs pour 100.000 personnes engagées dans l’agriculture.

Outre l’augmentation de la production, il est suggéré le développement d’une politique de qualité en encourageant « les bonnes pratiques dans la filière céréalière ».

Suite à la présentation des travaux de la commission, un débat a suivi. Le ministre de l’Agriculture et Du développement rural a rappelé le travail accompli en collaboration avec d’autres ministères que le sien : « En une année, la Sonelgaz a raccordé 30.000 exploitations agricoles au réseau électrique ce qui représente 17,40 km de lignes électriques ».

Abdelhafid Henni a expliqué que l’utilisation des énergies renouvelables est envisagée précisant que jusque-là l’intensité et le voltage nécessaires restaient insuffisants pour faire fonctionner les pompes immergées.

Des pompes qui consomment jusqu’à 90 % des besoins en électricité, le reste étant utilisé pour mouvoir les gigantesques rampes pivots. Les contacts pris avec de jeunes chercheurs, des start-up ainsi que des entreprises privées permettent d’envisager à l’avenir des alternatives à la mise en place d’un réseau électrifié de plusieurs milliers de kilomètres.

Le ministre a également indiqué que des études étaient en cours au niveau de l’entreprise publique de matériel agricole (PMAT) afin de porter la largeur des barres de coupe des moissonneuses-batteuses produites localement à 8 ou 10 mètres de large, voire à 14 m alors qu’elles ne sont actuellement que de 2,85 m en moyenne. Il a précisé qu’étant données les températures de 40 à 50°C dans le grand sud, il était nécessaire de récolter dans les délais.

Abdelhafid Henni a pronostiqué qu’avec une couverture des besoins de l’ordre de 90 %, l’autosuffisance en blé dur était à portée de main, ajoutant que l’exportation était même envisageable. Des exportations qui pourraient financer une partie des importations de blé tendre dans la mesure où la valeur du blé dur est plus importante.

Céréales : l’Algérie mise sur le sud pour assurer sa sécurité alimentaire

Le ministre de l’Industrie et de la Production pharmaceutique a assuré de la production de tracteurs et matériel adaptés aux grandes surfaces. Il a indiqué qu’il ne suffisait pas d’augmenter les rendements car la multiplication des surfaces emblavées pouvait également contribuer à l’autosuffisance en blé.

Rappelons que sur les 7 millions d’hectares de terres céréalières au nord de l’Algérie, un récent recensement a montré que seul 1,8 million d’hectares était emblavé. Pour augmenter les surfaces emblavées, une meilleure disponibilité représente une option intéressante.

Au cours du débat, Abdelhafid Henni a indiqué qu’après la sécheresse de la campagne écoulée, des indemnisations étaient prévues sous forme de dotations en semences et engrais ainsi que par des rééchelonnements des crédits de type Rfig sur une durée pouvant aller jusqu’à 5 ans.

Il a encouragé le monde agricole à se protéger en assurant les productions et a rappelé que le recours à l’assurance restait obligatoire dans le cas des exploitations recourant aux aides publiques comme dans celui des concessions agricoles attribuées par l’Odas.

Concernant les tarifs d’assurance pratiqués, il a évoqué les discussions quant à la possibilité de réduire leur montant dans le cas spécifique des grandes surfaces.

Il ajouté que « les agriculteurs pouvaient être sereins quant au déroulement de la prochaine campagne de semis » et rappelé le montant de l’aide de l’État : 60 % pour la réalisation de forages et de l’acquisition de matériel agricole.

Quant au ministre de l’Enseignement supérieur et de la Recherche scientifique, il a évoqué l’ouverture de deux écoles d’agronomie saharienne dans le sud du pays dès cette rentrée universitaire.

Le ministre de l’Industrie et de la Production pharmaceutique, Ali Aoun, a rappelé l’importance qu’accorde son département à la production de tracteurs et de matériel agricole et a déploré la part importante prises par les importations ces dernières années plaidant pour que le secteur public reprenne la place qui était la sienne. « J’ai visité les usines, on dispose des moyens nécessaires pour produire et même exporter » a-t-il ajouté.

Le travail de cette commission intersectorielle avec la participation d’universitaires est une première en Algérie. Cette réflexion intervient après le forum de la sécurité alimentaire sur le blé dur organisé en mars dernier.

Ces initiatives témoignent de la volonté des pouvoirs publics de réduire la forte dépendance de l’Algérie vis-à-vis de l’étranger en matière de céréales. Dépendance qui se traduit par des importations croissantes et la diversification des partenaires à l’image de la récente percée du blé russe en Algérie.

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