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« Chez nos voisins tunisiens et marocains, plus de 60% des exportations se font grâce aux IDE »

« Chez nos voisins tunisiens et marocains, plus de 60% des exportations se font grâce aux IDE »

Smail Lalmas est expert en commerce extérieur et président de l’association Algérie Conseil Export. Dans un cet entretien, il revient sur la politique adoptée par le gouvernement pour faire baisser la facture d’importation, les mesures à prendre pour encourager les exportations et les raisons du peu d’attrait de l’Algérie en termes d’Investissement direct à l’étranger (IDE).

Selon les derniers chiffres des Douanes algériennes, on voit très bien que la facture des importations n’a baissé que légèrement malgré les différentes mesures prises par le gouvernement. Comme expliquez-vous cela ?

Si on traite le dossier importation en prenant en compte le volet déficit commercial, il ressort qu’il y a effectivement une baisse de ce déficit. Cette baisse est due à l’augmentation des recettes pétrolières grâce à la hausse du baril et à la stagnation des importations qui sont restées au même niveau que l’année passée.

En revanche, si on se concentre uniquement sur le volet facture d’importation, ces mêmes chiffres nous montrent qu’il n’y a pas eu une véritable réduction de cette facture. Il y a une petite baisse, mais elle est insignifiante.

Il ne faut pas oublier que les licences d’importation des véhicules et de certains autres produits (pour l’année 2017) n’ont pas été libérées jusqu’à présent. Quand elles le seront, la facture d’importation dépassera les 40 milliards de dollars à la fin de l’année (en 2016 la facture d’importation s’est élevée à 46,72 milliards de dollars). Or, l’objectif du gouvernement est de réduire cette facture d’au moins 10 milliards de dollars (pour la ramener à 35-36 milliards, NDLR). Je ne pense pas que cet objectif sera atteint.

De manière générale, les chiffres du Cnis prouvent que les mécanismes mis en place par le gouvernement n’ont pas atteint les objectifs souhaités. Avec l’instauration des licences d’importation, le problème n’a pas été réglé. Donc, l’efficacité des licences d’importation est sérieusement mise en cause.

Autre chose : les conséquences de l’instauration de ces licences commencent à se faire ressentir. Il y a des augmentations (de prix) de différents produits. Il va y avoir également des problèmes en termes d’emploi.

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Vous dites des problèmes d’emploi. Comment ?

Beaucoup d’entreprises qui activent dans l’importation vont réduire le personnel. Elles pourraient même fermer. Il ne faut pas oublier qu’on parle de 43 000 importateurs dans ce pays. Donc, il faut trouver une solution. C’est bien de fermer, de réduire, de bloquer ou d’interdire une activité. En parallèle, il faut penser à mettre en place des solutions alternatives.

Quelles sont, selon vous, ces solutions que le gouvernement peut apporter ?

Il faut avant tout apprendre à discuter. Il y a un problème causé par les importations. Il faudrait réunir ces gens (les importateurs) et discuter avec eux. Ils sont, très souvent, spécialisés dans une branche précise. Il faut juste les repérer et les inviter à discuter de la meilleure manière pour réguler cette activité. En outre, il existe un autre aspect important, en l’occurrence le phénomène des surfacturations. L’on parle de 20 milliards de surfacturation par an qu’on pourrait réduire.

De plus, il existe d’autres techniques comme l’autolimitation et barrières douanières non tarifaires via les normes. On pourrait mettre en place une série de normes algériennes qui pourraient filtrer les importations.

Pour l’autolimitation, je prendrai l’exemple des échanges commerciaux entre l’Algérie et la Chine. Notre pays importe annuellement pour près de 8 milliards de dollars de la Chine, tandis que les Chinois n’importent rien d’Algérie, ce qui n’est pas normal. S’ils existaient des personnes qui géraient ces aspects du commerce extérieur, le responsable de cette structure serait parti en Chine pour discuter avec les autorités chinoise, soit une baisse de la facture, soit une exportation de produits algériens sur le marché chinois. C’est ce que les autres pays font.

Vous parlez des normes, mais la norme algérienne tarde à voir le jour…

À mon sens, il faut carrément créer un secrétariat d’État à la qualité. Ce secrétariat regroupera des structures qui agissent en termes de qualité et de nomes dans ce pays, mais aussi avec pour mission de mettre en place une nomenclature de normes algériennes. Bien sûr, il y a tout un travail d’accréditation qui doit se faire avec la mise en place de laboratoires reconnus à l’international. Car s’il n’y a pas une reconnaissance internationale, c’est comme on avait rien fait.

On parle de réduire la facture des importations, mais qu’en est-il de l’augmentation de celle de l’exportation hors-hydrocarbures ?

Le problème des exportations n’est pas un problème opérationnel, mais stratégique. Il faut sortir de l’idée que les blocages administratifs sont les principaux obstacles à l’exportation. Le problème est stratégique. Quand on n’a pas de vision, quand on n’a pas de stratégie, on ne peut développer aucune activité.

Et comment construire cette stratégie ?

Cette stratégie repose sur 4 axes. Le premier axe porte sur l’indentification de l’offre exportable. Pour ce faire, il faudrait que les secteurs productifs en Algérie donnent ce qu’ils ont comme offre : leurs points forts, leurs points faibles…

Deuxièmement, il faut savoir où exporter. Autrement dit, savoir pénétrer les marchés. À titre d’exemple, le gouvernement précédent parlait du marché africain qu’on devait pénétrer. Mais si on part sur le marché africain, on ne sera pas compétitif parce que les autres pays concurrents sont, soit des pays de l’OMC (Organisation mondiale du commerce), soit des pays qui font partie d’une intégration régionale. Donc, ces pays concurrents bénéficient des droits de libre-échange. Il ne suffit pas donc de dire qu’il faut aller vers l’Afrique. Mais, il faut mettre en place une politique qui va permettre l’accès à ces marchés.

Quant au troisième axe, il porte sur le transport et la logistique. Il faut savoir que la facture de la logistique en Algérie est l’une des plus élevée au monde. On ne peut pas être compétitif de la sorte.

Enfin, le quatrième axe porte sur l’accompagnement. Il s’agit de la formation, des banques, de la réglementation des changes, du conseil…Et ce, tout fait défaut à l’Algérie.

Pourquoi l’Algérie peine à attirer les IDE ?

Pour qu’un investisseur étranger vienne dans le pays, il faudrait qu’il fasse toute une étude. Il doit également chercher des informations. Dans ces informations, il y a aussi le comportement de l’investisseur local. Cet investisseur local réussit-il ou pas ?

Il y a également l’indice Doing Business. En Algérie, quand on parle de cet indice, on en fait une petite lecture et on passe. Pourtant, les investisseurs étrangers accordent une importance à cet indice car il prend en considération plusieurs paramètres comme la stabilité économique, la stabilité politique, la stabilité des lois, le système bancaire, les transferts d’agent… Du coup, l’investisseur compare ce qui se fait ici et ailleurs dans le monde.

J’ajoute que dans tous les pays, il existe des structures qui gèrent ce volet stratégique qu’est l’attrait des IDE. Les pays ont toute une politique pour attirer les IDE sachant qu’il y a une forte concurrence pour amener ces capitaux. Il faut savoir quand un investisseur étranger choisit un pays, ce dernier va profiter de son expérience, de ses relais à l’international, de son savoir-faire… C’est une approche qui a profité à plusieurs pays comme ceux de l’Asie où il y a eu un boom grâce à l’apport des IDE. Chez nos voisins tunisiens et marocains, plus de 60% des exportations se font grâce aux IDE.

En Algérie, nous voulons développer les exportations, mais nous avons négligé les IDE. Pour attirer les investisseurs étrangers, il faut un effort considérable de notre part pour essayer d’être compétitif et d’attirer les investissements qui répandent aux besoins de notre économie. Ces besoins sont d’ailleurs nombreux.

Il y a également la règle 51/49 qui bloque énormément les investisseurs étrangers. L’application de cette règle à certains secteurs stratégiques est compréhensible, mais l’appliquer à des secteurs où on est défaillants, comme dans le tourisme, est inadapté. Il faut réadapter cette règle selon les besoins de notre économie.

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