
Au premier semestre 2025, la baisse des ventes de blé à l’Algérie pèse dans les échanges avec la France. Cette baisse est considérable et devient préoccupante pour la filière française dans un contexte de grave crise entre les deux pays. Sur le port céréalier de Rouen, les silos sont pleins à ras bord, mais les acheteurs sont rares.
BFMTV a recueilli à Rouen le témoignage de Jean-François Lepy, le directeur général de Soufflet Négoce, une entreprise privée récemment rachetée par la coopérative In Vivo.
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« Des pertes abyssales »
Aujourd’hui, celle-ci est devenue l’une des plus importantes coopératives d’Europe. Ce responsable explique que ce sont près de « 2.000 tonnes de céréales qui sont quotidiennement exportées dans le monde, dont 15 % vers l’Algérie. »
Il détaille avoir vu les commandes venant d’Algérie se tarir et estime les répercussions à dix euros la tonne la baisse des prix. Aussi, pour une production de 33 millions de quintaux de blé en 2025, il estime à 300 millions d’euros les pertes pour la filière française des céréales. Des pertes qu’il qualifie « d’abyssales ».
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Il s’agit également d’un « coup dur » pour le port de Rouen, privé de son principal client. Une situation qui rappelle celle du port de Sète qui pâtit de l’arrêt des expéditions de génisses et de broutards à destination de l’Algérie pour des raisons sanitaires.
À Rouen, le directeur de Soufflet Négoce désigne à BFM TV les quais et une péniche en cours de déchargement et explique : « [La cargaison de] cette péniche-là va repartir vraisemblablement vers le Maroc » et il lâche : « Malheureusement plus d’Algérie ».
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Quant au marché du blé à Rouen, il indique : « Aujourd’hui, ce n’est plus du tout linéaire, c’est que des à-coups, c’est plus difficile à gérer. »
Cette situation intervient dans un contexte d’une récolte de blé en 2025 qui a augmenté de « plus de 40 % en un an et des silos pleins à ras bord », précise BFMTV.
Aussi, la coopérative In Vivo recherche des acheteurs vers le Maroc, l’Égypte ou la Chine et affirme désormais « naviguer à vue ».
L’Algérie n’achète plus de blé français
Les chiffres des douanes françaises sont parlants. Ils montrent que les échanges commerciaux entre la France et l’Algérie ont reculé de -12,3 % durant le premier semestre 2025 par rapport à la même période de 2024, s’établissant à 4,8 milliards d’euros.
Une situation qui s’explique par le fait que « les importations en provenance d’Algérie ont baissé de -11,8 %, s’établissant à 2,7 milliards d’euros », quant aux exportations françaises vers l’Algérie, elles « ont baissé de -12,9 %, s’établissant à 2,1 milliards d’euros. »
Cette baisse des importations françaises est expliquée par la baisse des cours mondiaux des hydrocarbures.
Quant à la baisse des exportations françaises vers l’Algérie, selon la même source, elle s’explique par « le quasi-arrêt des ventes de produits issus de la culture et de l’élevage vers l’Algérie, qui sont passées de 300,1 millions d’euros au 1ᵉʳ semestre 2024 à 4,2 millions d’euros au 1ᵉʳ semestre 2025, enregistrant une chute de -98,6 %. » Ce qui confirme le constat de Jean-François Lepy sur le port de Rouen.
Concernant les exportations françaises de produits laitiers et glaces vers l’Algérie, elles affichent « une trajectoire similaire, passant de 62,5 millions d’euros à 2,6 millions d’euros (-95,8 %). »
Une diminution confirmée le 9 septembre dernier, à l’occasion de la conférence de rentrée de l’interprofession laitière, par Pascal Le Brun, président du Cniel.
Celui-ci a indiqué qu’au cours des 10 dernières années, la France a exporté annuellement vers l’Algérie en moyenne 200 millions d’euros de produits laitiers.
Des exportations qui ont fait de l’Algérie « le dixième débouché de la France en 2023 pour 3 % des exportations ».
Selon le Cniel, « le lait infantile pèse pour la moitié de nos envois en valeur, devant la poudre de lait écrémé, un peu plus d’un tiers », mais a-t-il ajouté, « depuis le mois d’août 2024, les exportations françaises vers l’Algérie ont fortement diminué et sont même nulles depuis les poudres grasses et depuis septembre pour la poudre de lait écrémé. »
Entre céréales et produits laitiers, les douanes françaises estiment qu’au total, les exportations en produits alimentaires divers « ont été divisées par 2,5 en un an, passant de 90 millions d’euros à 36,4 millions d’euros. »
Intensification de la culture de céréales
Cette réduction des importations de céréales survient dans un contexte d’intensification de la production en Algérie, notamment au Sud avec le projet d’irriguer un million d’hectares.
Les besoins en céréales sont de l’ordre de 9 millions de tonnes et l’autosuffisance en blé dur est atteinte depuis cette année. Concernant les besoins en blé tendre, la demande est loin d’être couverte.
Un programme de construction d’infrastructures de stockage a été lancé. L’organisation de la moisson dans le grand Sud a également fait l’objet de la mobilisation de moyens logistiques considérables.
L’actuel ministre de l’Agriculture, Yacine Oualid, pourrait bénéficier de l’apport de nouvelles compétences du fait de son statut d’ex-ministre délégué des start-ups. Ce 17 septembre, à l’occasion d’une réunion avec les cadres centraux du ministère, il a déclaré vouloir asseoir une agriculture intelligente. Un moyen pour progresser vers plus de réduction des importations.