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Ciment : les effets de la saturation sont déjà là

Ciment : les effets de la saturation sont déjà là

La filière ciment revient au-devant de la scène à la faveur de deux annonces quasi simultanées, aux antipodes l’une de l’autre, faites par deux grands groupes privés : le prochain lancement d’une immense cimenterie par le groupe ETRHB, puis la réévaluation par LafargeHolcim de la valeur réelle de ses activités en Algérie et d’autres pays.

« La rentabilité en Algérie a diminué au second semestre (2017), en raison d’une demande de ciment plus faible et du passage d’un marché en rupture de stock à un environnement où l’offre est excédentaire », explique le groupe franco-suisse, l’un des acteurs majeurs de la production de ciment en Algérie aux côtés du groupe public GICA. La part de Lafarge devrait être portée à 11,1 millions de tonnes/an en 2020.

Pourtant, la saturation de la filière fut décrétée dès mars 2017. Abdelmalek Sellal, alors Premier ministre, avait indiqué que l’État n’encouragera plus la création de cimenteries, de minoteries et de briqueteries du fait de la saturation de ces filières, au même titre que les transports.

Ses successeurs, Abdelmadjid Tebboune puis Ahmed Ouyahia, n’ont pas fait d’objection. Du moins pas publiquement. On ne peut pas parler d’incohérence dans la stratégie du gouvernement, puisque le projet d’Ali Haddad, qui devrait être implanté dans la wilaya de Relizane, fut validé par le Conseil national des investissements bien avant le constat de Sellal, soit en mars 2016. Néanmoins, il est légitime de s’interroger sur l’avenir des différents acteurs de la filière après l’entrée en production de nombreuses unités dans un marché où l’offre est déjà excédentaire.

La filière est en effet saturée et le sera encore davantage dans un proche avenir. La production actuelle, 25 millions de tonnes en 2017, couvre presque tous les besoins nationaux (26 millions de tonnes environ). 17 cimenteries sont en activité et plusieurs projets sont en cours de réalisation.

Pour ne citer que les plus importants projets, une grande unité à Chlef d’une capacité de production annuelle de 2 millions de tonnes, une autre de même taille à Segus, tandis que celles de Béchar et Zahana auront une capacité de 1.5 et 1 millions de tonnes respectivement.

Les privés ne sont pas en reste. À Biskra, la capacité de l’unité de la SPA Biskria devrait être portée à 4.5 millions de tonnes et celle de la SARL Sidi Moussa à Adrar à 3 millions de tonnes. Beaucoup d’autres usines sont en cours de réalisation mais celle de l’ETRHB à Relizane sera la plus importante avec une capacité de six millions de tonnes. Le prix de son acquisition est de 100 millions d’euros.

La production nationale devrait être portée à plus de 40 millions de tonnes d’ici à 2020. Soit presque le double de la demande nationale (si les investissements dans le logement et les infrastructures maintiennent la cadence actuelle).

Que fera-t-on donc du surplus de production attendu dans les prochaines années, voire dans les prochains mois, sachant que le ciment est un produit difficilement exportable, à cause notamment de ses frais de transport (coût de surestarie des navires approvisionnés par camions) et de la forte concurrence sur le marché international ? Si pour le groupe ETRHB la question pourrait ne pas se poser, puisqu’étant engagé dans les travaux publics, il pourra destiner une bonne partie ou la totalité de sa future production à ses chantiers, ce ne sera pas le cas pour les autres gros producteurs, notamment les cimenterie publiques et le groupe LafargeHolcim.

Ce dernier vient de faire part officiellement de difficultés sur le marché algérien. Et quand un des leaders mondiaux de la filière, qui dispose de surcroît d’un vaste réseau de distribution à travers le monde à même de lui permettre d’écouler facilement le surplus de sa production, ressent déjà les effets néfastes de la forte concurrence, qu’en sera-t-il des cimenteries publiques lorsque toutes les unités citées plus hauts déverseront des millions de tonnes supplémentaires sur le marché ?

Il est à redouter, vu leur équilibre financier déjà précaire, leurs sureffectifs et leur mode de gestion, qu’elles seront les premières à faire les frais d’une situation que les autorités n’ont vu venir que tardivement.

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