Économie

Colza : premiers litres d’huile produits en Algérie

Contribution. C’est au siège de son ministère, que jeudi 24 juin Abdelhamid Hamdani, ministre de l’Agriculture, a accordé un entretien à la chaîne TV de l’Institut national de la vulgarisation agricole (INVA).

Cela a été l’occasion d’un premier bilan concernant la relance de la culture du colza en Algérie. Il a fait part de résultats encourageants et a exprimé un souhait : la poursuite de ce programme pour les années à venir.

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Une opération menée tambour battant

Sans conteste, M. Hamdani peut mettre à son actif le succès de l’opération colza. Ce programme fait suite à la demande du président Abdelmadjid Tebboune de trouver des substitutions aux importations. Sur le terrain, on a assisté à une réelle mobilisation des services agricoles, agriculteurs et transformateurs.

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Très tôt, l’ensemble des membres de la filière oléagineux a été étroitement associé à l’opération : semer 3.000 hectares de colza. Que ce soit au siège du ministère ou de l’Institut technique des grandes cultures (ITGC), la concertation a été la règle.

Sakhri Mohamed Lehadi, DG de l’ITGC et directeur du comité national de pilotage, a multiplié les contacts entre les opérateurs de la filière. Trois transformateurs ont répondu présent dont Cevital et le groupe Semoulerie Industrielle de la Mitidja (SIM). Du côté des agriculteurs, ceux de la région de Constantine ont été particulièrement intéressés. C’est le cas de Haroun Mohamed, agriculteur à Aïn El Bey et co-gestionnaire d’Agro-enrubannage, une société de prestation de services en matière de fourrages.

Nous avons les semences !

Prenant la parole pour les agriculteurs de l’Est du pays, Mohamed Haroun déclarait en début de campagne à l’adresse du ministère : « Nous avons déjà avancé sur l’organisation du premier pôle à l’est pour l’identification des agriculteurs qui vont démarrer cette saison la culture du colza : Constantine, Mila, Annaba et Guelma en attendant les autres wilayas Sétif, Skikda, Tarf. Nous vous tenons au courant de l’évolution du programme« .

Mi-novembre M.L. Sakhri relayait un message de Maghreb Oléagineux : « Vous êtes-vous demandé quel était l’intérêt d’introduire des oléagineux dans une rotation céréalière ? En climat méditerranéen, le rendement d’un blé en rotation semé notamment après un colza est de 14 quintaux supérieur à celui d’un blé semé en monoculture. »

Face aux critiques, le ministre confirmera que la culture du colza ne vient pas concurrencer les céréales. Les superficies ont été semées sur « les terres laissées en jachère, c’est-à-dire les terres mises en repos« .

Fin octobre, à l’occasion d’une réunion de suivi tenue au siège de l’ITGC, la direction de cet Institut pouvait annoncer aux agriculteurs partenaires de l’opération : « La semence d’importation est déjà en Algérie et elle leur parviendra dans les délais. »

Les semaines suivantes, les semences arrivent chez les agriculteurs souhaitant faire l’expérience du colza. Sur les réseaux sociaux, photos à l’appui, Amine Bencharif agriculteur à Aïn N’hass indique avoir semé 12 hectares de colza de la variété « Invigor« . Tout au long du printemps les semis se poursuivent. Bien qu’il existe des variétés à semer en automne, dans un premier temps, les services agricoles ont préféré des variétés de printemps.

Réduire les pertes à la récolte

Début mai, à Souk-Ahras, les colzas sont en fleurs. Nabil Athmania, cadre de l’ITGC est à Tiffach. À la ferme pilote Youssef El Tayeb, il anime une séance de vulgarisation sur le réglage de la moissonneuse-batteuse. Ses conseils n’auront pas été inutiles car les siliques (gousses) de colza présentent la particularité de s’ouvrir en cas de surmaturité ; ce qui occasionne des pertes à la récolte. Les moissonneuses-batteuses utilisées pour les céréales ont besoin de réglages spécifiques lorsqu’il s’agit de colza. Abdelhamid Hamdani rappellera que des formations ont été dispensées sur le terrain « et non pas des formations académiques« .

Outre l’importation de semences de colza et d’herbicides, les services agricoles ont tenu à ce que le groupe public PMAT importe 200 kits colza. Il s’agit de barres de coupe verticales permettent de réduire les pertes à la récolte, c’est dire le soin apporté à l’opération. Le matériel sera livré à temps et immédiatement installé.

Fin avril, Mohamed Lehadi Sakhri est en déplacement à Adrar puis à Ouargla. Il visite plusieurs parcelles de colza sous pivot d’irrigation. Les plantes présentent un bel aspect avec de très nombreuses siliques particulièrement bien développées. À l’issue de la visite, il conclut : « Pronostic de récolte hautement favorable« . Il entrevoit déjà pour la prochaine campagne la possibilité de semer 50.000 hectares.

À la mi-mai à El Oued, le colza est déjà mûr. Commune de Ben Quacha, le wali a effectué le déplacement pour le lancement officiel de la récolte. L’ensemble des représentants des services agricoles sont présents. Sous une tente, des posters permettent de rappeler les objectifs de l’opération colza. Près d’une parcelle de neuf hectares, une moissonneuse-batteuse n’attend que le signal de départ. Sur l’engin est fixé l’emblème national. Le wali donne enfin le signal de la moisson.

Mi-mai, Mohamed Haroun arpente ses parcelles de colza. Là aussi les siliques sont nombreuses et bien remplies. Il estime le rendement à 20 quintaux par hectare. Trois semaines plus tard, les parcelles sont prêtes à être récoltées. Déjà les siliques les plus mûres perdent leurs graines. Il est inquiet. La moissonneuse-batteuse a deux jours de retard. Finalement, elle arrive.

Le ministre n’a pas manqué de rappeler que « la sécurité alimentaire passait par la capacité à produire des semences » et que concernant les surfaces de colza récoltées, si une partie allait à la production d’huile de table, l’autre était réservée à la production de semences. Pour Mohamed Lehadi Sakhri, la mise de côté de 2 500 quintaux de semences sécurise les semis de la prochaine campagne. À nouveau, BASF proposera les semences de type Clearfield particulièrement adaptées à la lutte contre les mauvaises herbes.

Il indique que les contrats signés par les agriculteurs comporteront plusieurs avantages : accès au crédit, semences, engrais et herbicides. Par ailleurs, le prix d’achat des récoltes sera communiqué dès le début de campagne et les agriculteurs s’engageant dans de tels contrats recevront le soutien des instituts techniques.

Durant l’entretien à la chaîne TV de l’Institut national de la vulgarisation agricole (INVA), le ministre ne cache pas sa crainte de voir des baisses de rendement chez les agriculteurs n’ayant pas assez pris en compte le risque d’égrenage.

Tout au long de la campagne, les parcelles de colza ont présenté un bel aspect, mais l’égrenage peut être à l’origine de mauvaises surprises et de désaffections des agriculteurs. Dans les années 1970, ce sont les attaques de moineaux qui ont sonné le glas de la culture du tournesol en Algérie.

Des transformateurs très présents

Guelma, 26 mai. Au siège de la chambre d’agriculture, des services agricoles de wilayas de l’Est sont présents pour un regroupement régional : Guelma, Annaba, Tarf, Souk-Ahras et Skikda.

Le DG de l’ITGC est présent de même que les transformateurs. Le représentant du groupe SIM rassure les agriculteurs présents. Tout le colza sera collecté et transféré sans exception dans les ateliers de trituration du groupe. À l’issue de la rencontre, des accords entre producteurs et transformateurs devant la presse sont signés.

À travers sa filiale AGC SIM, le groupe SIM dispose d’une nouvelle raffinerie s’étendant sur un site de 15 hectares à El-Hamoul (Oran). Cette unité devrait permettre de triturer 3 000 tonnes de graines oléagineuses par jour. En plus de la trituration et de l’extraction, le groupe dispose d’une unité de raffinage, ce qui lui a permis de lancer dès juillet 2019 l’huile de table « Sim, Bahia« .

Lors de la récolte, on a pu voir des camions arborant le signe SIM prendre livraison des big-bag contenant les précieuses graines.

Selon le ministre, un des transformateurs lui aurait confié « qu’il préférait les graines produites localement, car celles qu’il importait n’avait pas cette qualité« . Un ingénieur travaillant chez un triturateur a tenu à rappeler que les quantités produites localement étaient minimes et qu’elles ne couvraient qu’un à deux jours de fonctionnement de l’usine de trituration.

Le colza permet d’obtenir de l’huile mais aussi un résidu (tourteaux) qui peut être utilisé comme aliment du bétail. L’ITGC confirme que l’Office des aliments du bétail (ONAB) s’engage à les acheter.

Une fierté non dissimulée

Fin juin, dans les locaux de l’ITGC, Salah Chaouki le secrétaire général du ministère de l’Agriculture réunit les principaux acteurs de la filière. Sur une table, des échantillons de graines et d’huile de colza sont étalés. Tout au long de cette campagne, Nabil Athmania n’a pas ménagé sa peine. C’est une fierté non dissimulée qu’il aime montrer ce type d’échantillons issus du terroir local.

Durant la réunion, les premiers chiffres tombent, ce sont près de 14 000 quintaux de colza qui ont été collectés. À l’occasion le représentant du groupe SIM renouvelle son engagement à acquérir toute la production.

Pour cette année, les services agricoles auront réussi à intéresser à la fois des agriculteurs et des transformateurs à la culture du colza. L’enjeu est de réduire les importations d’huile brute et de tourteaux dont la facture annuelle avoisine 1,2 milliards de dollars.

Pour l’agriculteur, à raison d’un rendement moyen se situant entre 15 et 20 quintaux et d’un prix de 7 000 DA le quintal, la marge financière par hectare est intéressante. À condition que les agriculteurs sachent réduire les risques d’égrenage.

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