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Comment la « menace iranienne » a relégué la cause palestinienne au second plan

Comment la « menace iranienne » a relégué la cause palestinienne au second plan

Si l’on savait que le sentiment d’encerclement croissant par son rival iranien avait poussé le jeune prince héritier saoudien Mohammed Ben Salmane à revoir sa stratégie en matière d’alliances, son interview accordée au magazine américain The Atlantic il y a quelques jours vient officialiser le rapprochement du Royaume  avec Israël et le désintérêt croissant pour la question palestinienne.

« Je pense que les Palestiniens et les Israéliens ont droit à leur propre terre », a déclaré le jeune prince héritier au cours de cet entretien. S’il rappelle au cours de cette interview la nécessité d’obtenir « un accord de paix pour garantir la stabilité de chacun et entretenir des relations normales », il place au même niveau les aspirations israéliennes et palestiniennes.

Le royaume sunnite semble se rapprocher de plus en plus d’Israël, notamment face à l’ennemi commun dans la région, l’Iran chiite. « Israël est une grande économie » en « pleine croissance », « et bien sûr il y a beaucoup d’intérêts que nous partageons avec Isräel », explique Mohammed ben Salmane tout en réitérant ses attaques contre le numéro un iranien, le guide suprême Ali Khamenei, dont il compare les ambitions territoriales à celles d’Adolf Hitler au temps du nazisme.

De son côté, le Premier ministre israélien Benjamin Netanyahu a présenté récemment son pays comme l’ « indispensable allié » des pays arabes opposés à Téhéran.

La Maison Blanche compte notamment sur un rapprochement entre Israéliens et Saoudiens pour redessiner les équilibres régionaux, au moment où les dirigeants palestiniens ne veulent plus des Américains comme médiateurs de paix après la reconnaissance par Donald Trump de Jérusalem comme capitale d’Israël.

Pour rappel, l’initiative de paix de la Ligue arabe présentée en 2002 par l’Arabie saoudite prévoyait la restitution aux Palestiniens des territoires occupés depuis 1967 pour qu’ils y installent leur État, et promettait en échange une normalisation totale des relations israélo-arabes avec la reconnaissance d’Israël.

Certes, dans la foulée, son père, le roi Salmane a tenté de calmer le jeu. Sans faire allusion aux déclarations de son fils MBS, il réaffirme dans un communiqué  « la position constante du royaume à l’égard de la question palestinienne et des droits légitimes du peuple palestinien à avoir un État indépendant avec Jérusalem comme capitale ». Il faut dire qu’au sein du Royaume, la normalisation des rapports avec Tel Aviv est un sujet sensible, pas vraiment bien perçu par une la population.

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Nouvelle carte des alliances 

Mais dans les faits, la crainte d’une montée en puissance de l’Iran chiite dans la région a engendré de nouvelles alliances de circonstances entre Washington, Riyad et Tel Aviv, et relégué la cause palestinienne au second plan. La mort de 19 manifestants palestiniens tués par des soldats israéliens la semaine dernière lors de la commémoration du 30 mars de la « journée de la Terre » a suscité peu de réactions dans le monde arabe.

Il y a quatre mois, les annonces américaines de la reconnaissance de Jérusalem comme capitale de l’état hébreu et du transfert de l’ambassade américaine à Jérusalem mi-mai 2018 avaient également peu mobilisé le monde arabe : pas de grandes manifestations, ni de réactions diplomatiques.

« Outre une certaine forme de lassitude, les pays de la région sont surtout préoccupés par leurs transitions difficiles, suite aux printemps arabes, et les risques de tension sociale dans un environnement marqué par une forte menace djihadiste. À cela s’ajoutent les profondes divisions et crises entre les pays arabes, qui fragilisent profondément la région », expliquait alors à TSA François-Aïssa Touazi, ancien diplomate et cofondateur du think-tank CapMena.

La Ligue arabe s’était, elle, contentée d’une simple condamnation verbale montrant à cette occasion son décalage avec les revendications des Palestiniens, et son incapacité à adopter une position ferme.

Il faut également noter que peu de réactions avaient émané suite aux informations du New York Times début décembre sur un possible plan de paix israélo-palestinien, élaboré par Jared Kushner (gendre de Donald Trump) et soutenu par son ami le prince héritier Mohammed Ben Salmane.

« Selon plusieurs sources gouvernementales et diplomatiques palestiniennes, libanaises, saoudiennes, européennes, le prince héritier saoudien Mohammed Ben Salmane (MBS) réputé particulièrement proche de M. Kushner, aurait proposé au président de l’Autorité palestinienne Mahmoud Abbas, en visite à Riyad en novembre, un plan de paix particulièrement favorable aux Israéliens. Il consisterait en la création d’un État palestinien autonome, sans continuité territoriale avec la Cisjordanie, ayant comme capitale Abou Dis, un village palestinien dans les environs de Jérusalem-Est annexé, mais qui en est coupé par le mur de séparation encore en pleine construction », écrivait le journal libanais L’Orient Le Jour début décembre.

Des informations rapidement démenties par l’Arabie saoudite mais qui sont pourtant lourdes de sens, et de facto de conséquences puisque cela signifie que Riyad renonce à la question palestinienne. Pour l’heure, on ne connait pas encore les détails de ce plan qui pourrait être présenté par le locataire de la Maison Blanche lors de l’inauguration de l’ambassade américaine à Jérusalem le 14 mai.

Erdogan nouveau défenseur de la cause palestinienne 

Dans ce contexte, le désir d’asseoir son influence dans la région et de s’imposer comme le leader du monde musulman sunnite pousse la Turquie à devenir le grand défenseur de la cause palestinienne.

Après la mort des manifestants palestiniens le 30 mars, le président Erdogan a accusé le Premier ministre israélien Benyamin Netanyahu d’être un « terroriste ». « Tu es un colonisateur, un terroriste », a-t-il lâché dimanche devant ses partisans réunis à Adana dans le sud du pays, selon RFI.

En décembre, le président Erdogan avait reproché aux pays arabes d’avoir réagi de manière trop timorée à la décision de Washington. Après avoir appelé les dirigeants du monde entier à reconnaître la partie orientale de la ville sainte comme capitale de la Palestine, il avait aussi annoncé que la Turquie ouvrirait une ambassade à Jérusalem-Est.

L’ayatollah Ali Khamenei a quant à lui adressé, mercredi 4 avril, une missive au chef du Hamas palestinien pour réaffirmer le soutien historique de Téhéran à la cause palestinienne. « Nous nous considérons comme tenus de vous soutenir sous quelque forme que ce soit », a-t-il dit.

Lors de son voyage officiel en Iran puis en en Israël en mai 2017,  Donald Trump avait trouvé une oreille attentive du côté de Tel Aviv en désignant l’Iran comme l’ennemi numéro un. Mieux, en assimilant le Hamas palestinien et le Hezbollah libanais à des organisations terroristes similaires à Daesh, il ne pouvait pas mieux satisfaire et rassurer le Premier ministre israélien Benjamin Netanyahu.

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