
Blé russe, veaux brésiliens, lait en poudre ougandais, l’Algérie diversifie ses pays fournisseurs de produits agricoles et investit massivement dans la production afin de garantir sa sécurité alimentaire.
Une situation qui interpelle les producteurs français comme en témoigne la visite d’un Algérien au salon d’élevage de Rennes le Space qui s’est tenu du 16 au 18 septembre à Rennes. Il raconte à TSA.
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Il y a foule ce mercredi 17 septembre devant l’arrêt de bus de la gare de Rennes. Une navette spéciale emmène les visiteurs vers le parc des expositions où se tient le Space.
« Si nous leur montrons, ils ne vont plus nous acheter »
Avant l’arrivée du bus nous discutons avec un petit groupe de visiteurs. À l’annonce que nous venons d’Algérie, ils évoquent la « brouille » entre les deux pays.
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L’un des visiteurs semble pessimiste et même l’évocation que Danone, Lactalis ou Bel poursuivent leurs activités en Algérie ne semble pas le convaincre. Il évoque les « difficultés de transfert de dividendes vers la France ».
Nous nous dirigeons vers un groupe de jeunes agriculteurs. Nouvelle présentation et discussion sur l’intérêt de partenariats avec transfert de savoir-faire aux agriculteurs algériens.
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« Mais si nous leur montrons, ils ne vont plus nous acheter », déclare l’un d’entre eux. Nous précisons que nul pays ne peut-être autosuffisant et qu’il y aura toujours des échanges entre pays voisins.
La navette arrive enfin et nous arrivons au Space. Nous nous dirigeons immédiatement vers le Hall 5 qui regroupe le plus grand nombre d’entreprises.
« Macron nous a mis dans de sales draps »
Devant le stand d’une coopérative laitière, de nombreux visiteurs discutent un verre à la main. Nous nous approchons d’un petit groupe et entamons la discussion en précisant être un visiteur originaire d’Algérie.
Immédiatement la discussion s’engage autour de la réduction des achats algériens de céréales et de jeunes bovins français.
Un des interlocuteurs est assez véhément et a du mal à admettre que l’Algérie ne peut-être qu’un simple marché pour écouler les excédents des producteurs français. Son voisin plus modéré lâche : « Macron nous a mis dans de sales draps ».
Sur un autre stand, un vétérinaire nous explique être spécialisé dans la mise aux normes des abattoirs concernant le bien-être animal.
« Ce n’est pas parce que l’animal va être abattu qu’il s’agit de le maltraiter », explique-t-il. La discussion s’engage sur l’abattage hallal en France puis sur la consommation des viandes. Surprise. Ce vétérinaire nous indique qu’en France « les personnes d’origine maghrébine consomment plus de viande rouge que la moyenne de la population française ».
« Mon papa n’est jamais revenu d’Algérie »
L’affiche d’un stand brésilien attire notre attention. Il est question de nutrition animale à base de produits issus des océans. À l’aide d’une interprète franco-portugaise, le directeur de l’entreprise nous vante l’intérêt du lithothamne, une algue calcaire réduite en poudre.
Sa structure alvéolée fait que le calcium de l’algue est particulièrement bien utilisé par les poules pondeuses en renforcement de la coquille. Un avantage particulièrement apprécié par les propriétaires de couvoirs.
Il indique avoir vendu quatre conteneurs à un client algérien, puis ajoute que les formalités administratives pour l’Algérie sont particulières, mais ne semblent pas le décourager.
Arrêt devant un organisme d’élevage particulièrement riche en documentation. Apprenant que nous venons d’Algérie, une animatrice du stand nous apprend que son père a été enseignant de 1967 à 1969 à Djelfa. Et indique « mon papa n’est jamais revenu d’Algérie » sous-entendant qu’il a été très bien accueilli et a toujours eu l’esprit tourné vers Djelfa. Elle ajoute : « D’autant plus que ses anciens élèves venaient le saluer à chaque fois qu’ils venaient en France ».
Elle ajoute : « Cela m’a beaucoup marqué et je garde un attachement pour ce pays ».
Au niveau du stand de la Coopérative laitière Sodiaal, un de ses représentants nous vante le partenariat avec un franchisé situé en Algérie : l’enseigne Tchin Lait qui commercialise la marque Candia.
Perte d’un marché de 2.000 tonnes de poudre de lait infantile
L’enseigne du Centre national interprofessionnel de l’économie laitière (Cniel) attire notre curiosité d’autant plus que son directeur a récemment évoqué des « incertitudes sur les marchés d’export » et regretté la baisse des exportations de produits laitiers vers l’Algérie.
Nous nous dirigeons vers deux personnes dont une arbore un badge flanqué du sigle FNPL pour Fédération nationale des producteurs de lait.
Il est immédiatement intéressé lorsque nous évoquons l’Algérie. D’emblée le ton est donné : « Nous avons perdu un marché de 2 000 tonnes de poudre de lait infantile avec l’Algérie ».
Il semble particulièrement remonté et accuse : « C’est la douane algérienne qui n’a pas donné son accord pour l’entrée en Algérie de nos produits ». Puis il évoque pêle-mêle les termes de « brouille, Maroc…».
Nous lui rappelons le programme Alban démarré en 2014 et signé entre Bretagne International – un consortium d’entreprises bretonnes – et le ministère algérien de l’Agriculture.
Un programme cofinancé par les deux pays et qui a permis un transfert de savoir-faire à destination des éleveurs algériens à travers la mise sur place de groupes d’appui technique dans les wilayas d’Alger, Souk Ahras et Relizane ainsi que l’achat par l’Algérie de génisses ainsi que de matériel de traite.
Nous ajoutons qu’en Algérie, les partenariats gagnant-gagnant sont privilégiés et expliquons à nouveau que ce pays ne peut être considéré seulement comme un marché pour y écouler des excédents agricoles.
Revues agricoles, 7 euros de droit de douane par exemplaire
Parmi les rencontres marquantes, figure celle avec la responsable abonnements de revues agricoles dont des exemplaires sont mis à disposition gratuitement. Nous manifestons un vif intérêt pour ces publications, notamment pour celles concernant les élevages laitiers et avicoles.
La question des abonnements pour les lecteurs algériens est évoquée et semble poser un problème insurmontable. « Nous sommes une petite entreprise et nous ne pouvons pas ouvrir un bureau à Alger », explique une représentante d’un magazine.
Notre interlocutrice nous indique être une habituée des Salons agricoles en Algérie. Pour ses revues, elle ajoute s’être vue imposer un droit de douane de 7 euros par exemplaire pour des exemplaires destinés à être mis gratuitement à la disposition du public.
« Je n’ai pu faire passer que trois exemplaires », déplore-t-elle, sans conviction. Par contre, elle indique que la veille deux lecteurs algériens de passage sur le stand se sont abonnés.
Passage au niveau du stand du groupe Réussir spécialisé dans les revues techniques. À nouveau, sont évoquées les difficultés de présence pour les lecteurs algériens. Il est question d’un futur site Internet qui pourrait satisfaire le lectorat étranger.
Rencontre avec une journaliste du site Agri-Web qui nous confirme que des bovins vivants de race Zébu croisé peuvent être importés par l’Algérie depuis le Brésil à un tarif concurrentiel. Selon un négociant français, du fait d’un coût de production parmi les plus bas du monde, le coût revient à 3,15 €/kg pour un animal venant du Brésil et arrivant dans un port du sud de la Méditerranée contre 3,60 €/kg pour un animal venant de France.
L’Algérie vue comme moyen d’écouler les excédents français
Il ressort de ces quelques échanges au Space de Rennes, qu’à chaque fois qu’il est question d’échanges agricoles avec l’Algérie, la réponse est que : « Ce n’est pas évident surtout actuellement ».
Nombreux sont les interlocuteurs rencontrés qui considèrent l’Algérie comme un marché où écouler les surplus agricoles français. Une conception qui vire à un droit comme c’est le cas des dirigeants de la coopérative normande d’Isigny.
En février dernier, ils ont pris l’argument de l’Accord d’association entre l’Union européenne et l’Algérie pour exiger la liberté d’exporter leurs surplus vers l’Algérie.
La notion de partenariats gagnant-gagnant à l’image des entreprises Danone, Lactalis, Bel ou Avril qui investissent en Algérie sont absentes pour de nombreuses firmes françaises.
Des projets agricoles gigantesques
La décision de l’Algérie de diversifier ses partenaires agricoles et d’investir massivement dans la production de céréales, de lait, de viandes commence à faire mal à l’agriculture française.
Parmi les projets lancés ces dernières années figure la mégaferme de 270.000 vaches lancé en partenariat avec le groupe qatari Baladna à Adrar, un investissement de 3,5 milliards de dollars dont la première phase a été lancée en 2025.
Cette ferme, la plus grande au monde, est destinée à produire du lait en poudre, des viandes et de l’aliment de bétail et du blé dur. Il y a aussi le projet du grand italien Bonifiche Ferraresi (BF) pour produire du blé dur à Timimoune, dans le sud algérien. Une ferme qui s’étend sur 36.000 hectares pour un investissement de plus de 400 millions de dollars.
Ce même groupe a obtenu l’autorisation du gouvernement algérien pour produire de la viande rouge dans cette même région.