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Conférence sur le climat à Bonn : entre résignation et espoir

Conférence sur le climat à Bonn : entre résignation et espoir

NEWPRESS

Dans le monde d’aujourd’hui, ils sont de plus en plus nombreux dans l’opinion publique, ceux qui considèrent que la dégradation du climat est potentiellement irréversible si la communauté internationale persiste dans son immobilisme de ces dernières années et ce, en dépit des engagements des conférences successives sur le climat.

Ce constat a été conforté depuis une décennie par un climat marqué par une baisse des rendements agricoles, des sécheresses récurrentes, des baisses de précipitations et des phénomènes climatiques extrêmes, sans oublier les crises économiques, financières et migratoires.

L’enjeu d’aujourd’hui est d’éviter que la nouvelle séquence sur le climat à Bonn soit une réédition des précédentes.

L’objectif de stabilisation du réchauffement de 1,5°C est-il toujours réaliste ?

A l’évidence, l’objectif arrêté à Paris est de contenir les changements climatiques en dessous de 2°C et de poursuivre l’effort, mais de manière solidaire et différenciée pour limiter l’élévation à 1,5°C par rapport à la période préindustrielle pour les trois catégories de pays :

  1. Les pays développés sont appelés à montrer la voie des objectifs en chiffres absolus à l’échelle de leur économie.
  2. Les pays en voie de développement devraient continuer à accroître leurs efforts d’atténuation sous forme de contributions déterminées au niveau national.
  3. Quant aux pays insulaires et les pays les moins avancés, ils peuvent établir des mesures correspondant à leur situation particulière.

Mais, beaucoup d’experts doutent de plus en plus de la faisabilité de l’objectif de 1,5°C.

Le scepticisme est de retour ?

Or, aujourd’hui, on est loin des paroles et des engagements aux actes et les écarts entre besoins et actions se sont aggravés. Des pays et des groupes sont ainsi gagnés par le scepticisme.

    • Les îles menacées de submersion et les pays les moins avancés qui risquent d’être aspirés par la trappe de la pauvreté, sont plus sceptiques, voire résignés…
    • Le Japon traumatisé par l’accident de Fukushima dont le coût se chiffre à plusieurs dizaines de milliards de dollars, fait face à une opinion majoritairement antinucléaire. Son opinion s’interroge sur un recours plus grand aux énergies nucléaires.
    • L’Australie alterne toujours des positions,selon une droite soutenue par le lobby du charbon attiré par la position du Président Trump, ou une gauche plus écologique et donc encline à s’engager plus dans l’Accord.
    • La Nouvelle-Zélande, région agricole, peine toujours à maîtriser la question des rejets de méthane générés par l’élevage intensif.
    • La Chine, confortée par l’élection du Président Xi Jinping, portée par son dynamisme dans les énergies nouvelles et ses progrès dans la lutte contre la pollution, est en pôle position dans ce combat planétaire.
    • L’Inde, bien que son économie soit liée au charbon, a une position aujourd’hui plus  favorable à un accord global sur le climat, qu’atteste son objectif de convertir son parc automobile en énergie propre à hauteur de 40% en 2040.
    • La Russie, pays pétrolier et gazier, intensifie l’afforestation des régions boréales et espère tirer des dividendes de la fonte des glaces et récupérer des terres vierges.

 

  • L’Europe, fondamentalement favorable à un accord sur le climat, reste toujours tiraillée entre ses trois composantes : nordique, orientale et méditerranéenne. Au sein de l’Europe, les deux poids lourds que sont l’Allemagne et la France s’interrogent sur le poids du charbon pour le premier, et celui du nucléaire pour le second.
  • Le Canada, drivé par le jeune Premier Ministre Trudeau, a une position plus favorable quant à la question climatique même si les régions divergent sur la question : Le Québec et le nord culturellement plus écologistes et l’ouest pétrolier plus réticent.
  • Les pays arabes, producteurs d’hydrocarbures, déstabilisés par des guerres fratricides, peinent à reconstruire un front commun sur de nombreuse questions, mais se trouvent sur une ligne commune sur le climat, confortés par l’acceptation de l’Accord sur le climat par la Syrie et le choix stratégique récent de l’Arabie Saoudite en faveur des énergies nouvelles.
  • L’Afrique, se trouve sur la ligne de front du changement climatique mais attend toujours des engagements financiers plus concrets et des transferts technologiques réels qui tardent à venir.

 

Le retrait américain : les Etats-Unis absents et omniprésents

Loin de l’euphorie de l’Accord de Paris, le climat à Bonn est à la résignation voir au découragement pour les 20.000 participants.

A l’origine, cette conférence devrait être assez technique, dédiée à la mise en œuvre de l’Accord de Paris de 2015. Mais, au regard du retrait américain, la négociation devient politique car il s’agit d’éviter l’effet domino et de contagion qui risque d’affecter d’autres pays.

L’essentiel est de garder la communauté unie dans l’Accord et d’éviter des lâchages possibles…

Le retrait américain ne pouvait être effectif qu’en novembre 2020, comme chacun sait, mais les Etats-Unis n’appliqueront pas le plan d’action décidé par l’ancienne administration.

Certes, une délégation américaine est présente à Bonn mais beaucoup d’interrogations subsistent quant à son rôle, même s’il s’agit pour les membres de la délégation de protéger les « intérêts américains ».

Un bémol cependant pour les négociateurs, les Etats-Unis sont un Etat fédéral et beaucoup – à l’image de Bloomberg, ancien gouverneur de New-York – se sont engagés à lutter contre le réchauffement climatique.

Le groupe des R20, animé par Arnold Schwarzenegger – groupe que nous avons créé avec l’ancien gouverneur de Californie – milite également  afin de rester dans l’Accord.

Mais il reste que le retrait des Etats-Unis pèsera fortement sur la conférence au regard de leurs moyens financiers mais également de leur part dans les émissions de gaz à effet de serre (GES). C’est assez dire l’enjeu de la conférence de Bonn.

Quatre objectifs de la conférence de Bonn ?

Si l’Accord de Paris est un accord global politique, la conférence de Bonn devrait être un rendez-vous technique et de mise en œuvre. Mais le retrait des Etats-Unis a changé la donne. L’Accord se doit d’atteindre quatre objectifs afin d’être à la mesure des espoirs soulevés à Paris :

 

  • Objectif 1 : Mobiliser les moyens financiers au profit des pays en voie de développement pour qu’ils puissent préparer leurs projets d’adaptation au changement climatique. Mais il y a loin de la coupe aux lèvres ! Moins de 30 milliards ont été mobilisés sur les 100 milliards promis…
  • Objectif 2 : Mobiliser les différents acteurs afin de provoquer une mise en mouvement dans l’action à la fois des Etats mais de tous les acteurs afin de revoir à la hausse les contributions nationales à la réduction des émissions, d’autant plus que nous sommes sur une trajectoire tout à fait possible de 3°C de réchauffement de la planète.
  • Objectif 3 : Gérer la position américaine. Considérant que le texte est désavantageux pour les Etats-Unis, le Président Trump a annoncé le 1er juin 2017 le retrait de son pays de l’Accord. Ici, à Bonn, la délégation américaine a le choix entre plusieurs stratégies quant aux négociations :

 

  • soit s’impliquer pour avantager leur pays,
  • ou ralentir les négociations,
  • soit enfin resté neutre ou en retrait.

 

  • Objectif 4 : Jeter les bases du futur et faciliter les négociations de la prochaine COP24 qui se déroulera en Pologne en sensibilisant l’opinion publique au futur des Etats du Pacifique dont certains pourraient être rayés de la carte car pour ces pays, il s’agit d’une question d’urgence et de survie.

 

L’espoir s’amincit, la fenêtre d’opportunité se réduit dans « un monde rétréci »

Toute la question aujourd’hui est de savoir si le 1,5°C est faisable et atteignable car beaucoup de scientifiques pensent que notre planète est plutôt sur une trajectoire de réchauffement de 3°C d’ici la fin du siècle.

Un sursaut d’ambition qui passe par des avancées holistiques sur les quatre objectifs est donc crucial pour maintenir l’espoir ici à Bonn, nourrir l’action future et ouvrir de nouveaux horizons à une planète en sursis.


*Chérif Rahmani

Ambassadeur des Terres Arides

(Convention des Nations Unies pour la Lutte contre la Désertification)

Président de la Fondation Déserts du Monde

Ancien ministre

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