Société

Coronavirus : ce que peuvent révéler les chiffres

Qu’ils soient exacts ou approximatifs, les chiffres rendus publics par les autorités sanitaires de tous les pays constituent de précieux indices pour comprendre l’évolution de l’épidémie de coronavirus Covid-19 dans le monde, la virulence de la souche qui sévit dans chaque contrée, l’efficience des systèmes de santé locaux et même l’opportunité des mesures de prévention prises et les protocoles de soins adoptés.

Le nombre de personnes atteintes par le virus Covid-19 dans le monde a dépassé les 1.85 million et plus de 114 000 en sont mortes. Ce sont les bilans établis à partir de chiffres officiels rendus publics par les Etats, mais certains les estiment très en-deçà de la réalité de la propagation de l’épidémie.

L’estimation la plus alarmante entendue jusque-là vient de deux chercheurs allemands qui soutiennent que seuls 6% des contaminations sont détectées, déduisant que le nombre de malades aux Etats-Unis par exemple est de 10 millions de personnes, soit vingt fois plus le chiffre de 500 000 officiellement annoncé.

Pour la Chine, on juge très peu réaliste que « seulement » 3335 personnes soient décédées dans un pays dont la taille de la population avoisine les 1.5 milliard, a fortiori l’épicentre de l’épidémie à ses débuts.

Certains avancent de supposées files d’attente devant les crématoriums de la ville de Wuhan comme preuve irréfutable que toute la vérité n’a pas été dite. Il est néanmoins difficile de nier que ce pays a vaincu la pandémie puisque la province de Hubei, premier foyer de l’épidémie, est officiellement déconfinée.

La faiblesse des capacités de dépistage est aussi mise en avant pour soutenir que dans tel ou tel Etat, les chiffres donnés ne cadrent pas avec la réalité des contaminations. Aux Etats-Unis, Donald Trump a par exemple expliqué le nombre trop élevé de cas confirmés dans son pays (plus d’un demi-million) par celui tout aussi important de dépistages effectués.

Un tableau de bord utile et efficace

Quoi qu’il en soit, les données dont disposent les spécialistes sont largement suffisantes pour servir de tableau de bord utile non seulement pour établir des prévisions sur l’évolution de la situation à court et moyen termes, mais aussi pour juger de l’efficience des politiques adoptées, imiter les succès et éviter les erreurs. Les chiffres, tels qu’ils sont rendus publics quotidiennement, notamment dans les pays européens les plus touchés, constituent autant d’indicateurs pouvant aider à mieux appréhender la pandémie.

Le plus important est sans doute celui lié au nombre de contaminations, nouvelles ou totales, et à la courbe de leur évolution.

Une stabilisation ou une baisse sur plusieurs jours est vite présentée dans les colonnes de la presse comme une « lueur d’espoir ».

Et c’est à juste titre, si l’on prend encore l’exemple de la Chine où, quelques semaines après l’amorce d’une baisse des nouvelles contaminations à Wuhan, on parle de zéro cas détecté, autrement dit de la fin de la pandémie.

Cela permet aussi une évaluation dans l’urgence des dispositifs mis en place. Pour ne pas citer encore une fois la Chine, en Italie, une baisse du nombre de cas détectés a été constatée dès fin mars dans les premières provinces mises au confinement qui, depuis, fait presque l’unanimité.

Les détails des hospitalisations, des malades admis en réanimation ou des rémissions ont tout aussi leur importance. Ils révèlent les capacités des systèmes de santé et la réactivité des Etats et parfois l’efficacité des protocoles de soins.

En Algérie, un spécialiste a anticipé « une vague de guérisons » à Alger et Blida dès cette semaine après avoir constaté l’amélioration de l’état des malades traités à l’hydroxychloroquine.

Le nombre de personnes qui quittent l’hôpital augmente en effet de façon notable depuis l’adoption de ce protocole, nonobstant les éventuels effets secondaires contre lesquels mettent en garde, notamment en France, les détracteurs de ce médicament.

Les décès, plus qu’une comptabilité funeste

Des lits d’hôpital libérés, c’est aussi autant de chances pour les nouveaux malades d’être pris en charge et aux soignants d’être moins débordés.

L’Allemagne est le premier grand pays touché à compter, depuis ce week-end, plus de guéris que de malades. Sur un total d’environ 120 000 contaminations, 60 000 sont rétablis, 57 000 sont encore en soins et 2600 en sont morts. La méthode allemande était saluée ces dernières semaines pour le nombre important de dépistages effectués et celui des décès, proportionnellement très bas, confirmant l’efficience du modèle sanitaire du pays.

Car le nombre de décès n’est pas qu’une comptabilité funeste. C’est surtout un révélateur des capacités quantitatives et qualitatives des systèmes de santé.

Bien avant le coronavirus, le modèle allemand comptait parmi les meilleurs au monde avec ceux du Canada et des pays scandinaves qui sont du reste ceux qui se plaignent le moins de la crise en cours.

Un taux de mortalité plus ou moins élevé peut aussi aider les scientifiques à mieux comprendre la maladie, à établir la virulence des souches qui sévissent dans chaque pays et à tenter des traitements. Dans la guerre que livre le monde au coronavirus, les chiffres constituent un outil déterminant, et plus ils sont exacts, les prévisions seront plus justes et les remèdes plus efficaces.

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