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Covid-19 en Algérie : « Le retour à un confinement strict n’est pas à écarter »

Covid-19 en Algérie : « Le retour à un confinement strict n’est pas à écarter »

Pr Mohamed Belhocine est épidémiologiste et membre du comité scientifique du ministère de la Santé. Il évoque dans cet entretien la recrudescence du nombre de nouveaux cas de Covid-19 en Algérie, notamment des différents variants, le retard de la vaccination et les réticences par rapport au vaccin AstraZenecca.

De plus en plus de cas des différents variants du Covid sont dépistés en Algérie et la propagation redevient plus rapide. Faut-il s’inquiéter ? 

Rappelez-vous que ce que l’Institut Pasteur d’Algérie fait comme séquençage ne donne pas la totalité de l’image de la situation, parce que pour cela, il faut avoir des capacités de tester bien plus grandes que ce que nous avons.

Et même si on testait tout le monde, on ne peut pas séquencer tout le monde. Mais ce qu’il faut connaitre c’est la tendance générale, et là, la propagation est de plus en plus rapide, je le crains malheureusement.

Je n’ai pas la cause formelle, mais comme d’autres pays sont passés par là avant nous, il est probable que cette accélération du nombre de contaminations avec tout ce qu’elle comporte comme cas sérieux qui nécessitent l’hospitalisation ou des soins intensifs, soit liée à la propagation des variants.

Faut-il revoir la méthode des enquêtes épidémiologiques ?   

De toute façon, le travail d’enquêtes épidémiologiques est directement connecté au nombre de cas. A chaque fois qu’il y a un cas déclaré, s’il est notifié à temps à nos équipes d’enquêteurs, ces dernières font une enquête.

Selon les wilayas et selon les moyens disponibles, l’enquête se fait rapidement, parfois de façon directe en allant au domicile des patients pour interroger les gens, ou indirectement, par téléphone.

La situation se dégrade de nouveau, faut-il revenir au confinement ?

Le confinement est une des armes utilisées partout dans le monde dans le cas où le risque de débordement du système de santé est réel, et effectivement, si la pression continue de façon importante sur le système de santé, j’ai bien peur que oui, qu’il faille probablement revenir à des mesures plus strictes.

D’abord pour le respect des mesures-barrières parce que, honnêtement, il y a l’indiscipline généralisée et on a l’impression qu’il n’y a pas de rappel à l’ordre aussi.

Il faut peut-être faire du rappel à l’ordre et si c’est nécessaire bien évidemment, il faut aller à des mesures de confinement soit géographiquement ciblé, soit généralisé.

La situation tend à montrer que c’est partout dans le pays que c’est ainsi. La situation est assez préoccupante et la possibilité d’un retour à un confinement strict n’est pas à écarter.

Je rappelle que rien ne vaut le respect des mesures individuelles. C’est-à-dire que chaque individu porte le masque quand il est dans une atmosphère fermée.

Il y a de plus en plus d’études qui indiquent que la transmission aérienne est la plus importante et que cette transmission aérienne se fait dans des endroits fermés.

Cela doit appeler toute personne ou institution qui travaille en milieu fermé, qui reçoit du public ou qui emploie des personnels en milieu fermé, à faire respecter strictement le protocole qui a été discuté au comité scientifique et qui a été agréé.

Le problème c’est que toutes ces décisions, toutes ces réflexions, toutes ces mesures recommandées ne sont pas appliquées. On est loin du compte et malheureusement on risque de payer ça en vies humaines supplémentaires perdues indûment, en souffrance supplémentaire sociale et économique avec un retour à un confinement plus strict, et bien sûr en dépenses financières parce que tout cela coûte de l’argent (hospitalisation, test PCR…).

Il faut que nous nous regardions tous dans une glace, que ce soit les autorités publiques, les individus, les familles pour que chacun fasse un effort de son côté afin d’éviter de continuer de rentrer dans le tourbillon qui peut s’avérer infernal.

La campagne de vaccination contre la Covid-19 en Algérie est en retard. Pourquoi ? 

Je ne suis pas au courant des détails des contrats qui ont été passés, ce que je peux dire c’est que, effectivement, nous avons du retard dans la vaccination.

La situation aurait été plus confortable si on avait vacciné quelques millions ou une dizaine de millions de personnes au moment où nous affrontons cette remontée épidémique.

Même s’ils ne sont pas efficaces à 100% contre les variants, les vaccins protègent quand même. Il est établi qu’ils protègent de façon très importante contre la mortalité et contre les formes graves.

Ceci dit, le vaccin n’est pas une protection absolue et je veux lancer un appel aux personnes qui ont été vaccinées pour leur dire : oui, vous êtes protégés individuellement mais vous pouvez être en contact avec le virus et être contaminant, c’est pour cela qu’il faut continuer à observer les mesures comme si vous n’avez pas été vaccinés.

 On parle dans certains pays d’accidents imputables au vaccin AstraZenecca ce qui a fait naître une certaine réticence en Algérie. Faut-il le suspendre ?

Je n’ai pas les détails, mais oui il faut s’attendre à ce qu’il y ait ce type de réticence. Cependant, il faut relativiser.

Premièrement, une étude très récente, qui date de quelques jours, de l’université d’Oxford qui a collaboré à la production du vaccin AstraZenecca, tend à démontrer que les accidents qu’on a imputés à ce vaccin se retrouvent aussi avec d’autres vaccins utilisés de façon très large actuellement.

Apparemment d’autres vaccins donnent presque le même taux d’accidents que l’AstraZenecca. Le taux d’accidents de ce vaccin, il faut le relativiser. Il donne 4 à 5 cas de caillots sanguins sur un million de doses données.

Cela ne signifie pas qu’on aura le même taux à chaque fois. Vous pouvez vacciner 10 millions et avoir zéro cas et vous pouvez vacciner 1 million et avoir 2, 4 ou 5 cas. Ce sont des accidents qui surviennent de façon aléatoire.

En médecine, il n’y a pas de procédure démunie de risque. On peut mourir d’une injection de pénicilline et le risque est de 1 sur 10.000. Est-ce que pour autant on a arrêté d’utiliser la pénicilline ?

Non, parce que ça sauve beaucoup plus de vies que les exceptionnels cas où on a des accidents. Les médecins et les professionnels de la santé sont habitués à poser les questions nécessaires pour prendre le maximum de précautions, mais ce type d’accidents existe.

Il en est de même pour les vaccins anti-Covid, ils protègent de façon majeure contre la mortalité, contre la nécessité d’être hospitalisé et du besoin d’être en soins intensifs. On n’a pas le droit de négliger cette protection juste parce que 3 ou 4 cas sur un million peuvent hypothétiquement avoir un accident.

Mais il faut tout de même prendre des précautions…

Il faut savoir raison garder par rapport à ces éléments. Malheureusement les débats de ce type sont devenus des débats publics et chacun y va de son avis, plus ou moins informé et documenté.

Cela crée parfois la confusion et la panique dans la population. Je crois qu’il n’y a pas lieu de paniquer, mais il y a lieu de comprendre que nous avons besoin de nous protéger tous ensemble par la vaccination.

Je dirais que la première occasion de se faire vacciner est la bonne. Ce n’est pas le type de vaccin qui compte, mais l’occasion de se faire vacciner.

Et croyez-moi, le comité scientifique est très vigilant par rapport à ces aspects-là et n’hésitera pas à recommander les démarches nécessaires pour ajuster soit les délais, soit la manière de prendre ou éventuellement la combinaison du vaccin lorsque le moment sera jugé opportun.

Mais pour l’instant, beaucoup de pays continuent à l’utiliser, n’oublions pas que le Royaume-Uni a vacciné des dizaines de millions avec l’AstraZenecca et continue à le faire, il n’y a pas de raison de ne pas continuer.

L’OMS vient d’appeler aussi bien sûr la prudence. Nous avons en un centre de pharmacovigilance qui collecte toutes les situations où il y a des effets secondaires liés aux vaccins, et je pense que pour l’instant, en dehors des manifestations classiques légères liées à la vaccination que l’on retrouve avec les tous les types de vaccins qui ont été utilisés chez nous, il n’y a pas eu à ma connaissance et à la connaissance du centre de pharmacovigilance, de cas d’effets secondaires sévères attribuables à la vaccination.

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