search-form-close
Covid-19 en Algérie : rush chez les herboristes

Covid-19 en Algérie : rush chez les herboristes

S’il y a un commerce qui ne connaît pas la crise actuellement, c’est bien celui des herboristeries. Alors que ces échoppes étaient faiblement fréquentées avant l’épidémie du Covid-19, voilà qu’elles ont subitement le vent en poupe.

Flairant le bon filon, certains commerçants se sont convertis en phytothérapeutes et ouvert ce type de boutiques dont le nombre a explosé en quelques mois, à Alger et ailleurs.

En cette période épidémiologique, les clients s’arrachent plantes, condiments, huiles et miels afin de renforcer leurs défenses immunitaires avec l’espoir de former un solide bouclier contre ce maudit virus qui fait couler beaucoup d’encre et de larmes.

En infusion, en décoction, en poudre, en huile… les plantes médicinales n’ont jamais eu autant la cote. L’occasion fait le larron. Face à la croissance de la demande sur ces tisanes et autres épices, les herboristes ont aussitôt revu leurs prix à la hausse. Exemple : le clou de girofle se vend actuellement 3500 da le kilo  contre 1500 da, juste avant la pandémie.

Verveine, clous de girofle, origan, gingembre… par ici les plantes miracles ! 

Rue Tanger, Lilia Khettal, se relaie avec son oncle pour tenir la boutique spécialisée dans la vente de plantes naturelles. Zaatar, verveine, menthe séchée, eucalyptus… les rayons sont ornés d’une pléthore de plantes.

En quelques petites minutes, les clients se pointent pour acheter tisane et remèdes naturels. « Depuis quelques mois, les affaires tournent plutôt bien pour nous », confie la jeune femme.

À l’heure où d’autres commerces ont été  sévèrement impactés par la crise sanitaire, les herboristeries ont repris du poil de la bête ! « D’ailleurs, lors du premier confinement déjà, le gouvernement nous avait autorisés à garder rideau ouvert. En ces temps de pandémie, nos enseignes  sont considérées comme des sortes de petites pharmacies,  puisque nous soulageons les malades. Depuis le début de la pandémie en Algérie, les consommateurs achètent beaucoup de plantes afin de renforcer leur système immunitaire. Verveine, clou de girofle, gingembre, origan (Zaâtar) armoise (chih), costus indien, eucalyptus,  arrivent en tête des ventes. Il y a aussi le miel pur et les huiles de clous de girofle et de menthe qui s’utilisent en fumigation », explique-t-elle.

Dès qu’elle a un doute sur les vertus thérapeutiques d’une plante, Lilia l’herboriste consulte son encyclopédie spéciale plantes médicinales qu’elle garde à portée de main.

 « Regardez, il y a toutes les indications dans cet ouvrage. Les clients s’informent  sur internet. Ils visionnent des tutos de recettes à base de plantes et de condiments et viennent se procurer ces plantes chez nous. J’essaye de les orienter comme je peux. Bien entendu, toutes les plantes ne sont pas inoffensives. Surtout dans le cas de maladies chroniques ! », insiste-t-elle.

Chère, très chère, la décoction !

« Donnez-moi 50 da de clous de girofle, » demande un client. Tout en pesant le précieux remède, l’herboriste nous lance. « Le prix du kilo de ce condiment réputé pour ses propriétés anti-infectieuses, est passé de 1500  à 3500 dinars le kilo. Et il n’est pas le seul à avoir fait un aussi grand bond. L’origan coûte 2500 da le kilo, la verveine 3500 da, l’ail rouge 950 da,  la graine de Nigelle (hebba’sawda) 3500 da le kg et le miel pur, c’est 6000 da le kilo », détaille-t-elle.

Farida (34 ans) est une habituée de cette échoppe. Ce matin, elle vient acheter de l’origan, des clous de girofles et  des graines de lin. «  Depuis le début de la pandémie, on carbure tous aux tisanes, à la maison. Je prépare des décoctions et des infusions en ajoutant des tranches de citron et du miel pur. C’est très efficace pour booster les défenses immunitaires. C’est recommandé contre la grippe saisonnière et aussi pour renforcer l’organisme contre le virus Covid-19. La note est bien évidemment salée, mais… Conclut-elle en repartant avec ses petits paquets, « la santé a un coût, certes mais elle n’a pas de prix ! »

Vive les remèdes naturels !

Abdelhakim est phytothérapeute. À son actif plus de 20 ans dans le domaine des plantes médicinales. Sa boutique située à la rue Tidjani, à proximité de l’avenue Pasteur,  dans le centre d’Alger, reçoit une nombreuse clientèle, particulièrement en cette période.

 « Oui, les gens ont effectivement très peur de contracter la Covid -19, alors ils se rabattent sur les plantes par mesure préventive », confirme-t-il. « La propolis par exemple est un antibiotique naturel qui renforce l’immunité et ne présente pas d’effet secondaire. Les clous de girofle, le gingembre, l’origan, le costus indien et l’eucalyptus sont également très recherchés en ce moment. Mais attention, les personnes présentant des maladies chroniques ne doivent pas consommer les plantes à tort et à travers. Et c’est justement ce type de conseils que viennent rechercher mes clients quand ils passent le seuil de mon échoppe. Par ailleurs, on assiste en ce moment au boom des ventes de compléments alimentaires comme le zinc, par exemple. Il faut savoir que l’ortie est riche en zinc. Cette plante pousse à l’état sauvage. J’en commercialise sous sa forme séchée et elle ne présente aucun effet secondaire. Pourquoi l’acheter en officine lorsqu’on peut la prendre dans sa version naturelle ? »

Attention au risque de surdosage !

La phytothérapie contre le coronavirus, ok, mais n’y a-t-il pas  des précautions d’utilisation à prendre en considération ? Nous avons posé la question à Saida Younsi, médecin généraliste : « Certes, les plantes médicinales sont réputées pour lutter efficacement contre toutes sortes d’infections, mais elles ne doivent pas être utilisées n’importe comment, notamment chez les personnes souffrant de maladies chroniques tels que le diabète ou  l’hypertension. Ayant déjà un traitement médical, consommer des décoctions de clous de girofle, cannelle ou gingembre par exemple,  risque d’entraîner un surdosage qui peut nuire à leur santé. D’où la nécessité  de demander toujours conseil à son médecin traitant avant de consommer certaines plantes ou condiments, lorsqu’on souffre d’une pathologie ».

Booster son immunité afin de faire bloc contre le coronavirus est dans tous les esprits. La médecine traditionnelle ou phytothérapie, a fait un considérable bond ces derniers mois. Jamais les herboristeries n’avaient connu une telle affluence. Signe des temps : de nouvelles adresses ont poussé comme des champignons, les prix des plantes se sont envolés et des vendeurs se sont improvisés phytothérapeutes, du jour au lendemain. Que restera-t-il de toute cette course aux remèdes naturels, quand le méchant virus retournera chez lui ?

  • Les derniers articles

close