Société

Covid-19 : le confinement est-il le seul choix de riposte ?

CONTRIBUTION. Le recours aux mathématiques et aux ordinateurs a permis le développement des biostatistiques et des prédictions de situations épidémiologiques futures.

Schématiquement, il s’agit de transformer un modèle réel en un objet virtuel, sur lequel on peut apporter toutes les modifications voulues et dont on peut surtout étudier la progression et l’évolution.

Un modèle ne peut donc être autre chose qu’une approximation de la réalité. Plus la réalité biologique devant être modélisée est complexe, plus l’approximation va être importante.

L’approche mathématique d’une modélisation  nécessite la définition des variables ou une linéarité fonctionnelle du système devant être modélisé.

En biologie, on a à faire à des modèles très complexes avec des hypothèses de départ très souvent limitées et une linéarité fonctionnelle rarement présente.

Dans les sciences dites dures ou exactes, les projections sont plus fiables car les hypothèses de départ sont définies plus rigoureusement d’où la pertinence des prévisions en aéronautique, en industrie, en exploration pétrolière, en agriculture…

La modélisation mathématique a rapidement gagné du terrain et a fini par couvrir de nombreux domaines dont celui de la biologie et du vivant.

Les nouveaux mages

La modélisation mathématique  a vu émerger ces dernières décades de nouveaux prédicateurs ou de nouveaux chantres. L’exemple type est le britannique Neil Ferguson, un ancien physicien reconverti en mathématicien, devenu spécialiste des mathématiques appliquées à la biologie.

Il est professeur à la faculté de médecine de l’école de santé publique et vice-doyen du développement académique à Londres. Fergusson est surtout connu comme conseiller scientifique du gouvernement britannique mais également d’autres pays comme les USA et la France et même de l’OMS.

Neil Ferguson avec son équipe de chercheurs de l’Imperial college de Londres a été chargé par les gouvernements britannique et français  de leur faire un rapport sur la diffusion et l’impact de l’épidémie du Covid-19.

Son rapport a immédiatement fait changer à Boris Johnson sa stratégie de lutte contre le Covid-19. Ce dernier, partisan jusque-là du ‘’laisser-faire’’ suivant le modèle scandinave et un peu germanique qui vise à laisser s’installer une immunité collective face au nouveau virus.

Ce modèle préconise que seules les personnes âgées vu le risque plus grand chez elles seront protégées, afin qu’un grand nombre de personnes soient infectées et, une fois guéries et immunisées, elles bloquent la propagation du virus, réalisant ainsi une immunité collective à l’ensemble de la population.

Boris Johnson a changé d’avis vers la mi-mars et a opté pour le confinement recommandé par Ferguson et son équipe.

Ces derniers ont remis un rapport similaire au président français Emmanuel Macron le 16 mars. Le rapport estimait qu’en l’absence de confinement de la population, 250 000 personnes au bas mot risquaient de mourir en grande Bretagne et autant en France.

Les Etats Unis pourraient enregistrer la perte de 2,18 millions de vies humaines. Le nombre de décès prévisionnel en Suède était fixé à 70 000 personnes en l’absence de prise de mesures d’endiguement.

Aussi, Fergusson préconisait-il1 :

-un confinement strict pour au moins 18 mois jusqu’à l’arrivée d’un vaccin ou d’un traitement efficace.

-Des assouplissements pourraient être envisagés périodiquement pendant de courtes périodes.

-De nouvelles vagues épidémiques sont annoncées, la 2e vers septembre 2020, la 3e en automne, la 4e en février-mars 2021, la 5e en juin en 2021…

Si les pays européens latins (France, Italie et Espagne) ont appliqué à la lettre les recommandations de Fergusson, d’autres pays européens se sont montrés plus réservés :

-Les pays Bas ont demandé à leur expert en maladies infectieuses, Jacco Wallinga son avis, celui-ci a demandé aux Hollandais de continuer à vivre tranquillement et d’éviter de se réunir lorsque cela n’est pas nécessaire.

-Le ministère de la Santé suédois a demandé une réévaluation du rapport de Ferguson. À 14 semaines du début de l’épidémie, le pays ne comptait que 3 000 décès, soit un chiffre très loin des prévisions alarmistes donc la conclusion était de ne rien faire.

Peu de fiabilité des modèles mathématiques dans la réalité

Au cours des trente dernières années, toutes les épidémies ont fait l’objet de prévisions  et de modélisations. Ces modélisations se sont révélées très souvent fausses :

– L’impact de l’infection HIV-SIDA a été surestimé à prés de six fois ;

– Les prévisions annoncées  lors de l’épidémie de la vache folle ont entrainé l’abattage inutile de 6 millions de vaches en Grande-Bretagne ruinant un grand nombre de fermiers.

– Ces mêmes prévisions avaient annoncé en 2002, 50 000 morts en Grande-Bretagne, il n’y a eu que 177 victimes britanniques à la fin de l’épidémie ;

– Au début de l’épidémie H1N1, on avait annoncé 70 000 victimes au Canada, il n’y eut que 500 décès, 50 000 pour la France, moins de 300 ont été enregistrés.

Pris de panique, les pays ont investi dans l’acquisition de vaccins et de Tamiflu : deux milliards d’euros pour la France, 50 millions d’euros de Tamiflu pour l’Algérie…

De nombreuses séquelles ont été enregistrées suite à la vaccination : syndrome de Guillain Barré, syndrome d’hypersomnie… dont le cout n’a pas été évalué. Le Tamiflu périmé a du être détruit.

– En 2005, les modèles mathématiques avaient prévu que la grippe aviaire allait tuer 60 000 personnes en Grande-Bretagne, seulement 457 victimes ont été enregistrées.

L’élément constant chez ces nouveaux mages, dont Ferguson parait comme le chef de file, est leur surestimation permanente des prévisions, qui sont multipliées par 50 à 100 fois ou plus. Ainsi, l’équipe de l’Imperial College « a utilisé à la fois des modèles basés sur des agents et des modèles basés sur les équations pour simuler la pandémie de Covid-19. Les résultats présentés le 16 mars pour éclairer les décisions du gouvernement britannique ont utilisé un modèle à base d’agents construit en 2005 pour voir ce qui se passerait en Thaïlande si la grippe aviaire H5N1 mutait en une version qui se propageait facilement entre humains. »2 Elle a opéré des ‘’ajustements’’, comme le chiffre de 15 % de soins intensifs parmi les hospitalisations retenu au début s’est avéré un peu bas, il a été doublé à 30 % au début mars.

La logique voudrait que lorsqu’un modèle apparait loin de la réalité, il entraine un changement dans les hypothèses de départ ou l’adoption d’une autre modélisation.

Confinement ou non :

Plusieurs stratégies ont été utilisées pour lutter contre le Covid-19 dans le monde :

1-Pratiquement aucune mesure : l’Islande, petit pays européen insulaire de 360 000 hb.

2-Pas de confinement, dépistage de masse, mise en quarantaine et traitement des personnes atteintes : Singapour (2 décès/million d’hb), Taiwan (3 décès/million d’hb), Japon (3 décès/million d’hb, Corée du Sud (5 décès/million d’hb).3

3-Pas de confinement, dépistage de masse et mise en quarantaine des personnes positives en Europe : Allemagne 82 décès/million d’hb et Autriche : 67 décès/million d’hb.3

4-Pas de confinement, pas de dépistage massif mais mise en quarantaine des personnes positives : Suède 274 décès/million d’hb, Pays bas 297 décès/million d’hb. Dans ce dernier pays, les espaces confinés ont été fermés, mais les terrasses de café laissées ouvertes.3

5-Confinement strict, pas de dépistage de masse, hospitalisation des malades : Belgique : 684 décès/million d’hb, Italie : 544 décès/million d’hb, Espagne : 480 décès/million hb et France : 404 décès/million d’hb.3

La comparaison de ces chiffres montre que les pays latins ont enregistré plus de cinq fois de décès que les pays germaniques et presque deux fois plus que les pays scandinaves.

Si on exclut le Japon qui mis en place très tôt des mesures barrières et qui s’est enfermé sur lui-même empêchant l’importation de cas de Covid-19, la Corée du Sud parait le meilleur exemple en Asie avec ses 52 millions d’hb., elle a mis en place un modèle peu rigide de distanciation sociale mais appuyé par un dépistage massif et une mise en quarantaine chez elles des personnes diagnostiquées positives. Des enquêtes épidémiologiques ont été diligentées pour remonter la traçabilité les contacts des personnes infectées.

Le coût du confinement :

Les prévisions apocalyptiques ont créé un climat de peur et ont poussé les gouvernements à prendre des mesures draconiennes dont les conséquences commencent à peine à être évaluées. Outre la perte généralisée des libertés fondamentales, les pays souffrent de différents maux.

La stratégie de l’Europe latine a mobilisé tout le système de santé autour du Covid-19. Les autres malades ont été ignorés, les opérations chirurgicales en dehors de l’urgence ont été suspendues. L’augmentation de la mortalité observée est liée aussi bien au Covid-19 qu’aux victimes collatérales par manque de prise en charge de leurs maladies.

Le confinement a aussi été responsable de problèmes psychologiques et même de troubles psychiatriques chez les personnes confinées. Il était sanctionné en cas de violation d’amendes et même de peines de prison.  Les journaux australiens ont rapporté que le nombre de suicides durant cette épidémie est plus élevé que celui de décès dus au Covid-19.

A ce comportement pathologique, il faut ajouter les conduites  asociales qui ont poussé les confinés vers les drogues, les médicaments (en raison des troubles de sommeil) et l’alcool.

L’autre conséquence aux lourdes conséquences est le décrochage scolaire qui a touché des millions d’enfants. Comment sera-t-il possible de réinsérer les élèves dans des classes supérieures alors que le programme de la classe qu’ils viennent de quitter n’a pas été terminé et donc totalement assimilé ?

Les conséquences les plus graves sont d’ordre économique. C’est l’augmentation du nombre de chômeurs par perte d’emploi, c’est l’absence de rentrées d’argent qui va asphyxier les petits commerçants, les petits métiers, l’artisanat et le tourisme. En Algérie, les estimations parlent de la perte d’un à un million et demi d’emplois. Selon « un sondage effectué par la Chambre de commerce, conforté par un autre sondage de l’Association CARE, au niveau des PME, il ressort que 70% d’entre elles, ont des difficultés de paiement des salaires, 50% ne peuvent plus faire face aux coûts fixes et 50% ont connu une perte de 50 à 90% du chiffre d’affaires. »4

Ainsi, la société a été touchée par le confinement dans tous ses constituants : sanitaire, social, culturel, cultuel économique…

Des prévisions très pessimistes et infondées :

Il est encore tôt pour faire un bilan mais déjà les prévisions liées au Covid-19, comme pour les précédentes épidémies, paraissent surestimées. En 2017, le nombre de décès par la grippe saisonnière a atteint 650 000 personnes, il a oscillé ces dernières années entre 250 000 et 500 000 victimes. Le Covid-19, annoncé comme apocalyptique, n’a pas fait plus alors que l’humanité vient de traverser la période la plus cruciale de l’épidémie et termine son 5e mois.

L’étude de la virologie, nous apprend que le cycle d’un virus évolue en trois phases, sous forme d’une courbe : phase d’ascension, de stabilisation puis de régression. Le Covid-19 ne peut pas sortir de ce schéma. Le Covid-19, responsable d’une épidémie en Asie en 2002-2003, autrement plus virulent, on lui donnait plus de 20 % de mortalité, a suivi ce cycle puis a totalement disparu.

Des esprits lucides5 mettent en doute les vagues annoncées même si l’OMS annonce que « le virus pourrait ne jamais disparaitre et s’installerait pour devenir « endémique » dans nos communautés ! » et que l’Université du Minnesota, emboitant le pas à Ferguson estime « que la pandémie – endémie s’installera  durablement (entre 18 à 24 mois) et ce, tant que l’immunité collective n’aura pas atteint 60 à 70%. »2

Arrivera-ton à produire un vaccin ? L’expérience du vaccin de Sanofi contre le Covid-1 a fait long feu, le virus n’est plus retrouvé dans la nature. L’expérience d’un vaccin contre l’infection HIV-Sida, lequel n’a jamais pu être obtenu, malgré les sommes faramineuses englouti, laisse pessimiste.

Conclusion

Face à tant de données contradictoires, quelle attitude adopter ? Ferguson a lui-même transgressé le confinement qu’il a imposé à des dizaines de millions de personnes. Dénoncé par la presse, il a démissionné de son poste de conseiller du gouvernement britannique, il y a quelques jours.

Les mesures de distanciation et de port de masque ont prouvé leur efficacité dans tous les pays, elles méritent d’être maintenues comme mesures d’hygiène publique. Les conséquences du confinement sont tellement lourdes à supporter qu’il est préférable de l’alléger au maximum en envisageant rapidement un déconfinement progressif, en maintenant dans un premier temps la suppression des déplacements inter wilayas et la fermeture des espaces confinés. Il convient parallèlement, d’augmenter les possibilités diagnostiques  afin que tous les hôpitaux du pays puissent effectuer au moins les tests rapides. Les services d’épidémiologie relevant des hôpitaux suivront les cas positifs chez eux. Des services d’hospitalisation de préférence en marge des hôpitaux  devraient être identifiés pour traiter les malades.

 

Références :

1https://www.pourlascience.fr/sr/covid-19/comment-fonctionnent-les-modeles-qui-predisent-levolution-de-la-pandemie-19236.php

2https://www.journaldemontreal.com/2020/05/02/covid-19-la-pandemie-de-coronavirus-devrait-durer-au-moins-18-mois

3Who, Covid-19, coronavius disease, situation reports

4Source: ADPE, Algérie

5https://www.youtube.com/watch?v=Kwr-3-f-yU8


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