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Crise avec l’Algérie : la souveraineté à deux vitesses de Madrid

Crise avec l’Algérie : la souveraineté à deux vitesses de Madrid

Dans la crise entre l’Algérie et l’Espagne, il y a comme un paradoxe dans l’attitude de l’Union européenne et du gouvernement espagnol.

Ce dernier, avant de se brouiller avec Alger, avait traversé plusieurs mois de grave crise avec le Maroc qui a fini par lui forcer la main sur le dossier du Sahara occidental.

A aucun moment, la souveraineté de l’Espagne n’a été mise en avant face à Rabat, comme le fait aujourd’hui le gouvernement de Pedro Sanchez avec l’Algérie.

Le 18 mars dernier, Madrid et Rabat annonçaient la normalisation de leurs relations, au prix d’un alignement espagnol sur les thèses marocaines à propos du conflit sahraoui. L’Espagne, ancienne puissance colonisatrice, et jusque-là neutre, a effectué un revirement spectaculaire en déclarant son soutien au plan d’autonomie marocain.

« Aujourd’hui, nous entamons une nouvelle étape dans notre relation avec le Maroc basée sur le respect mutuel, le respect des accords, l’absence d’actions unilatérales et la transparence et la communication permanente », avait écrit le gouvernement espagnol dans un communiqué.

Avant d’en arriver là, les relations entre les deux pays avaient connu de très fortes tensions qui ont atteint leur paroxysme au printemps 2021. En avril, l’Espagne a accueilli pour des soins le président de la République sahraouie Brahim Ghali, atteint de Covid.

Le Maroc n’a pas apprécié et exigé l’arrestation du dirigeant sahraoui, bien que sa présence sur le territoire espagnol relevait d’une décision souveraine de cet Etat, libre de recevoir qui il veut pour des raisons humanitaires ou autres.

Ghali quittera l’Espagne libre et, en mai, Rabat dégoupille la bombe migratoire en laissant plusieurs milliers de migrants clandestins prendre d’assaut l’enclave espagnole de Ceuta. Le scénario s’est répété avec l’autre enclave de Melilla juste avant la grande réconciliation de mars dernier.

Pendant cette crise, le Maroc avait rappelé son ambassadrice à Madrid, comme il l’avait fait plus tôt avec son représentant à Berlin pour protester contre la position de l’Allemagne, toujours sur le dossier sahraoui.

Cet enhardissement du Maroc faisait suite à la signature de l’accord triangulaire avec les États-Unis et Israël en décembre 2020.

« Face au Maroc, le gouvernement espagnol ne s’est pas plaint »

Même lorsque des milliers de migrants ont été lâchés sur un territoire sous souveraineté de l’Espagne, un pays membre de l’Union européenne, celle-ci n’a pas réagi.

Seul le Parlement européen avait adopté une résolution non contraignante condamnant le Maroc notamment pour la présence de mineurs non accompagnés parmi les personnes entrées dans l’enclave espagnole.

Dans la crise actuelle avec l’Algérie, Bruxelles s’est empressée de prendre le parti de Madrid, au nom des dispositions de l’accord d’association.

L’UE a rejeté les mesures d’ordre commercial prises par Alger, mais comme l’a souligné le ministère des Affaires étrangères dans sa réponse, elle était restée à l’écart lorsque « un Etat-clé de l’Union » « a été amené à rappeler ses ambassadeurs auprès de deux Etats développés non-européens avec lesquels il était en conflit d’intérêts. » L’allusion est au rappel des ambassadeurs de France en Australie et aux États-Unis suite à l’affaire des sous-marins.

La diplomatie algérienne a qualifié cette « intrusion » de « douteuse » et « paradoxale ». 

L’attitude du gouvernement espagnol l’est tout aussi quand on se rappelle qu’il n’avait pas brandi sa souveraineté lorsque le Maroc lui reprochait d’avoir reçu sur son territoire le chef du Polisario ou encore ses positions sur la question sahraouie.

Dans cette crise avec l’Algérie, l’argumentaire tourne autour de cette même souveraineté. « Le gouvernement insiste sur le fait que, face à l’agression unilatérale d’une puissance étrangère, il est temps de resserrer les rangs et de ne pas se demander si oui ou non le changement de position de l’Espagne sur le Sahara était la bonne décision », rapporte par exemple le quotidien El Pais.

« C’est un débat légitime entre Espagnols, mais il est inacceptable qu’un pays tiers essaie de conditionner la souveraineté de l’Espagne sous la pression pour décider de sa propre politique étrangère », ont indiqué des sources gouvernementales au même journal.

Le journaliste Ignacio Cembrero, spécialiste des relations entre l’Espagne et les pays du Maghreb, rappelle que le gouvernement espagnol n’a pas toujours montré le même attachement à sa souveraineté.

« Pour Madrid il est « inacceptable » que l’Algérie « prétende conditionner la souveraineté de l’Espagne sous la pression », rapporte El Pais. C’est exactement ce que fit le Maroc pendant 15 mois, mais le gouvernement espagnol ne s’est pas plaint et a cédé. El Pais devrait le rappeler », a tweeté le journaliste d’El Confidencial.

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