
Nouveau rebondissement dans la crise dite des valises diplomatiques entre l’Algérie et la France. Le 24 juillet, Alger a accusé Paris d’ « entraver l’accès des agents accrédités de l’ambassade d’Algérie en France aux zones réservées des aéroports parisiens aux fins de prise en charge des valises diplomatiques ».
Deux jours après, soit le samedi 26 juillet, le ministère des Affaires étrangères algérien est revenu à la charge en affirmant que la mesure prise par le ministre de l’Intérieur Bruno Retailleau concerne l’ensemble des représentations consulaires algériennes en France. L’Algérie a répliqué en appliquant la réciprocité, ce qui a provoqué l’arrêt de la circulation des valises diplomatiques entre les deux pays. Face à une situation de blocage total, Paris a fait parvenir le 7 août une note verbale dans laquelle elle propose une nouvelle procédure temporaire de récupération ou d’acheminement des valises diplomatiques au niveau des zones réservées des ports et aéroports français, a appris TSA ce lundi 11 août de sources sûres. La note a été reçue par le ministère des Affaires étrangères qui a rejeté la proposition française pour au moins six motifs.
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Crise des valises diplomatiques : pourquoi Alger rejette la nouvelle procédure proposée par Paris
D’abord, expliquent nos sources, la nouvelle procédure proposée par Paris « contrevient fondamentalement à l’obligation de la France de veiller au bon fonctionnement des missions diplomatiques et consulaires établies sur le sol français ». Selon l’article 25 de la Convention de Vienne sur les relations diplomatiques, l’État accréditaire accorde toutes les facilités pour l’accomplissement des fonctions des représentations diplomatiques. « De plus, l’article 5 de la Convention de Vienne sur les relations consulaires fait obligation à l’État de résidence de permettre aux postes consulaires de s’acquitter librement de leurs fonctions », complètent nos sources.
La nouvelle procédure de récupération ou d’acheminement des valises diplomatiques que propose Paris à Alger, « maintient manifestement des entraves au bon fonctionnement » de la mission diplomatique et des postes consulaires algériens en France, soutiennent nos sources.
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Le deuxième motif de rejet concerne la procédure elle-même qui « continue à enfreindre l’obligation » qui incombe à la France conformément à l’article 27 alinéa 7 de la Convention de Vienne sur les relations diplomatiques. Cette Convention, rappellent nos sources, consacre explicitement le droit pour toute mission diplomatique « d’envoyer un de ses membres accrédités pour prendre livraison, directement et librement, de la valise diplomatique auprès du commandant de l’aéronef ».
Le troisième motif de rejet est que la nouvelle procédure n’est pas conforme à l’article 13 alinéa 7 de la convention consulaire algéro-française de 1974 qui dispose que « le poste consulaire peut envoyer un de ses membres prendre, directement et librement, possession de la valise des mains du commandant du navire ou de l’aéronef », selon les mêmes sources.
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Quatrièmement, la France doit octroyer aux missions diplomatiques et consulaires accréditées des badges d’accès permanent aux zones de sûreté à accès réglementé (ZSAR) au niveau des aéroports, comme le stipule la Convention de Vienne sur les relations diplomatiques. « Dès lors, toute mesure excluant la mission diplomatique et les postes consulaires algériens de cette pratique bien établie constitue une violation flagrante d’une obligation consacrée au double titre de la Convention de Vienne sur les relations diplomatiques et de la Convention consulaire algéro-française », pointe la partie algérienne.
Le cinquième motif de rejet est que la nouvelle procédure proposée par Paris est « contraire au principe de non-discrimination à l’égard des Missions diplomatiques et consulaires accréditées auprès du pays hôte, principe consacré par l’article 47 de la Convention de Vienne sur les relations diplomatiques et par l’article 72 de la Convention de Vienne sur les relations consulaires ».
Comme elle vise « exclusivement » les agents de l’ambassade et des consulats d’Algérie en France, la nouvelle procédure relève toujours d’un « traitement discriminatoire qui est incompatible avec les articles sus-mentionnés ». « À cet égard, il y a lieu de rappeler que la décision initiale ayant privé les agents algériens de leurs badges d’accès constituait déjà une mesure discriminatoire. Tenter de remédier à ce traitement discriminatoire par l’adoption d’une nouvelle mesure revêtant, elle aussi, un caractère discriminatoire ne peut qu’aggraver la violation en cause », critiquent nos sources.
Le sixième et dernier motif de rejet de cette proposition, c’est qu’elle est destinée uniquement à l’ambassade d’Algérie à Paris et ne concerne pas les postes consulaires du pays dans l’Hexagone, ce qui restreint fortement la circulation des valises diplomatiques algériennes entre l’Algérie et la France. Comme ils ont été frappés par la mesure de Retailleau, les consulats d’Algérie en France doivent retenir la « même attention du Ministère de l’Europe et des Affaires Étrangères qui est tenu de leur accorder un même traitement leur assurant un bon fonctionnement sans entraves », réclame la partie algérienne.
En plus de ces arguments, la partie algérienne, pointe, selon nos sources, les mesures « provocatrices et inutilement vexatoires » de la nouvelle procédure à l’égard de l’Algérie. Il y a l’obligation à faire accompagner, en tout temps, l’agent ou les agents chargés de l’acheminement ou de la récupération de la valise diplomatique d’une escorte policière. À cela, s’ajoute une autre mesure imposant, avant toute opération d’acheminement ou de récupération de la valise diplomatique, la saisine du ministère des Affaires étrangères français d’une demande écrite devant être déposée 48 heures avant ladite opération.
Dans ces conditions, Alger a décidé de « rejeter fermement » la procédure temporaire proposée par le Quai d’Orsay, toujours selon nos sources. Le ministère des Affaires étrangères réclame le rétablissement des titres d’accès permanents au bénéfice des agents accrédités de l’ambassade et des consulats d’Algérie, qui est la « seule solution » conforme aux « engagements internationaux et bilatéraux » de la France. Une fois les rescriptions levées et les badges rétablis, l’Algérie procédera, « de son côté, à la levée des mesures équivalentes qu’elle a adoptées dans le cadre de la stricte application du principe de réciprocité », assurent nos sources.
Valise diplomatique : ce que la France a proposé à l’Algérie
Pour mettre fin à la crise des valises diplomatiques, Paris a détaillé, dans une note verbale adressée aux autorités algériennes, la nouvelle procédure qu’il propose de mettre en place.
Pour pouvoir accéder à l’avion Air Algérie au départ ou en provenance d’Alger qui transporte la valise diplomatique, l’Ambassade d’Algérie à Paris devra renseigner et signer un formulaire de demande de « badge vert ».
Le document signé doit être transmis, au plus 48 heures, avant le vol, par mail au ministère français des Affaires étrangères. Il doit être accompagné d’une copie de la pièce d’indemnité ou du titre de séjour de l’agent algérien qui sera chargé de récupérer la valise diplomatique.
En plus du ministère français des AE, l’aéroport devra également donner son accord. Une fois obtenu, l’agent désigné par l’Ambassade d’Algérie à Paris et accrédité par le Quai d’Orsay devra se présenter à l’aéroport au plus tard une heure avant l’arrivée ou le départ du vol où un badge lui sera remis.
Un agent de la PAF (police aux frontières) française sera alors chargé de l’accompagner vers l’avion Air Algérie. L’agent algérien pourra ensuite accéder à la porte de l’avion ou à la piste. Durant tout ce trajet, il sera accompagné en permanence par l’agent de la PAF française. Avant son départ de l’aéroport, l’agent accrédité bénéficiaire restitue son badge au poste de police ou de gendarmerie. À son départ de l’aéroport, l’agent désigné par l’Ambassade d’Algérie devra restituer son badge à la PAF française.
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