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Crise France-Algérie : Bruno Retailleau est-il allé trop loin ?

L’Algérie et la France bouclent une année de grave crise. Si Emmanuel Macron a offert le casus belli, Bruno Retailleau rend presque impossible toute solution.

Crise France-Algérie : Bruno Retailleau est-il allé trop loin ?
Par Ruma / Adobe Stock
Hammad Lilia
Durée de lecture 3 minutes de lecture
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En France, le débat ne porte presque plus sur la nature de la réponse à apporter à la crise avec l’Algérie. Une année après le début de la crise la plus grave entre les deux pays depuis l’indépendance, on en est, à Paris, à se poser la vraie question de savoir “à qui la faute”.

Deux camps au moins se rejettent publiquement la balle : celui du président de la République Emmanuel Macron, qui ne désespère pas d’un règlement diplomatique, et celui du ministre de l’Intérieur Bruno Retailleau qui, au contraire, plaide pour la manière forte et le ”rapport de force”.

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Bruno Retailleau s’est tu pendant quelques semaines pour revenir avec encore plus de véhémence, s’attaquant cette fois, non seulement à l’Algérie, mais aussi au président Macron et à son ministre des Affaires étrangères Jean-Noël Barrot.

“Il faut changer de ton, assumer un rapport de force que le pouvoir algérien a lui-même choisi”, a réitéré Bruno Retailleau vendredi 18 juillet dans Le Figaro. “La diplomatie des bons sentiments a échoué”, a-t-il ajouté.

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Crise avec l’Algérie : la France divisée

 

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Si Retailleau reproche au camp d’Emmanuel Macron son manque de ”fermeté” dans la gestion de cette crise, un de ses proches a pour la première fois accusé le président de l’avoir provoquée.

“L’origine de la crise avec l’Algérie ce ne sont pas les problèmes migratoires, tous nos concitoyens le savent, c’est le changement de pied de la diplomatie française sur la question du Sahara occidental”, a déclaré sur LCI Patrick Stefanini, haut représentant du ministre de l’Intérieur pour l’immigration.

Un autre type de reproches commence à fuser en France après la visite du président Abdelmadjid Tebboune en Italie, entamée mardi 22 juillet et qui s’est ponctuée par la signature de dizaines de partenariats économiques.

“Giorgia Meloni défend les intérêts stratégiques de son pays et nous, ce serait bien qu’on se mette à défendre les intérêts stratégiques de notre pays, plutôt que d’être sans cesse dans la morale et dans la défense d’intérêts qui ne sont pas ceux de la France”, a fustigé le journaliste d’extrême-droite Louis de Raguenel ce jeudi sur Europe 1.

Les certitudes du camp anti-algérien sont-elles en train d’être ébranlées ? On n’en est pas encore là, mais les divisions semblent à leur paroxysme entre ce courant et Emmanuel Macron.

Une réunion prévue jeudi 24 juillet entre le ministre de l’Intérieur et le chef de l’Etat a été annulée sur fond de bruits sur de profondes divergences entre les deux hommes et de rumeurs sur des envies de démission du premier nommé.

Des fuites médiatiques ont fait état de reproches faits à Retailleau par le président de la République dans le huis clos du conseil des ministres, mercredi.

 

Crise France – Algérie : Retailleau prend une mesure à l’insu du Quai d’Orsay

Le ministre de l’Intérieur a toutefois écarté l’idée de partir. “Tant que les décisions du gouvernement sont conformes à l’intérêt national, conformes à mes convictions, il n’y a pas de raison que je quitte le gouvernement”, a-t-il tranché ce jeudi lors d’un déplacement dans un commissariat.

La ligne du ministre de l’Intérieur est désormais vilipendée de toutes parts. Franck Annese, fondateur de So Foot qui emploie le journaliste emprisonné en Algérie Christophe Gleizes, a directement accusé Retailleau d’aggraver la situation du journaliste. “Les déclarations de Bruno Retailleau sur l’Algérie à mon avis ne vont pas dans le sens d’un apaisement des relations. J’ai l’impression que ça met plutôt en danger notre journaliste qu’autre chose », a estimé Annese ce jeudi sur RMC.

Ce n’est pas la première fois qu’un tel grief est exprimé contre le ministre de l’Intérieur. La même chose a été dite concernant la situation de l’écrivain Boualem Sansal. De nombreuses voix comme celle de Dominique de Villepin ou de Ségolène Royale ont pointé le rôle néfaste pour la relation bilatérale du ton belliqueux et comminatoire de Bruno Retailleau.

En février dernier, l’Algérie a signifié à la France qu’elle n’en veut pas comme interlocuteur. “Tout ce qui est Retailleau est douteux compte tenu de ses déclarations hostiles et incendiaires envers notre pays”, a déclaré le président Tebboune à L’Opinion.

Retailleau est en effet allé trop loin dans ses attaques contre l’Algérie, qui ont commencé bien avant l’emprisonnement de Boualem Sansal, en novembre 2024, ou encore le refus de l’Algérie de reprendre les influenceurs expulsés, à partir de janvier 2025. Son “bras de fer”, il l’avait brandi face à l’Algérie dès sa nomination en septembre 2024, pendant qu’il promettait au Maroc, qui est pourtant allé jusqu’à espionner le président Macron avec le logiciel israélien Pegasus, un dialogue. Côté chiffres, les deux pays étaient pourtant dans la même case concernant la reprise des clandestins.

Retailleau est quasiment derrière tous les épisodes de fortes tensions de ces derniers mois. Cette semaine encore, il en a provoqué un nouveau par deux décisions hâtives : la remise en cause des passeports délivrés par les consulats d’Algérie à des “clandestins” algériens, et la restriction de la mobilité du corps diplomatique algérien.

L’Algérie a réagi ce jeudi à cette dernière décision prise par Retailleau “dans l’opacité totale”, et “à l’insu” de son collègue des Affaires étrangères. Alger a promis la réciprocité et évoqué la saisine des Nations-Unies, une première depuis le début de la crise.

Si Emmanuel Macron a effectivement fourni le casus belli pour cette nouvelle crise par sa décision en faveur du Maroc, Bruno Retailleau est celui qui, chaque jour, rend toute solution impossible. Et sur cette lancée, et alors que toute perspective de sortie de crise s’éloigne chaque jour davantage, la rupture entre les deux pays semble inévitable.

TSA +