C’est l’escalade dans la crise entre la France et l’Algérie. A la décision d’Alger, annoncée en début de semaine, d’expulser quinze agents français affectés dans des conditions irrégulières en Algérie, Paris a réagi en décrétant une nouvelle expulsion collective de diplomates algériens en poste en France. La mesure a été annoncée mardi par le Quai d’Orsay dans un communiqué et par le chef de la diplomatie Jean-Noël Barrot ce mercredi dans les médias. Parallèlement, Paris appelle à la reprise du dialogue.
Rappel des faits
Dimanche 11 mai, le chargé d’affaires de l’ambassade de France a été reçu au ministère algérien des Affaires étrangères et il lui a été demandé de procéder au rapatriement immédiat de l’ensemble des agents français, « objet d’une affectation dans des conditions irrégulières ».
L’agence de presse officielle APS a expliqué que les autorités algériennes ont constaté sur la période récente, l’affectation de quinze agents français devant assumer des fonctions diplomatiques ou consulaires « sans que ces affectations n’aient fait, au préalable, l’objet, ni de notifications officielles, ni de demandes d’accréditation appropriées comme l’exigent les procédures en vigueur ».
Ces agents sont arrivés récemment avec des passeports diplomatiques. Et comme le prévoit l’accord franco-algérien de 2013, ils n’ont pas besoin de visa pour entrer en Algérie. En réalité, selon l’APS, ces agents étaient porteurs d’un passeport de service et ils se sont vu accorder des passeports diplomatiques « pour faciliter davantage leur entrée en Algérie ». Parmi eux, deux agents relèvent du ministère français de l’Intérieur et devaient « manifestement suppléer partiellement à ceux qui ont été récemment déclarés persona non grata ».
Le chargé d’affaire de l’Ambassade d’Algérie à Paris convoqué
Lundi 12 mai, le ministre français des Affaires étrangères a indiqué que la France apportera une réponse« immédiate, ferme et proportionnée ». La réaction de Paris est dévoilée mardi 13 mai.
Le Quai d’Orsay annoncé dans un communiqué avoir convoqué mardi le chargé d’affaires de l’ambassade d’Algérie à Paris, « suite à la décision unilatérale des autorités algériennes d’établir de nouvelles conditions d’accès au territoire algérien pour les agents publics français détenteurs d’un passeport officiel, diplomatique ou de service ». Une mesure que la France considère comme étant « en violation de l’accord bilatéral de 2013 ».
Les diplomates algériens sans visa sommés de quitter la France
« Le chargé d’affaires s’est vu notifier que la France prendrait les mêmes mesures à l’égard de l’Algérie, dans une stricte réciprocité » et « se réserve le droit de prendre des mesures supplémentaires en fonction de l’évolution de la situation », ajoute le Quai d’Orsay.
« La France appelle les autorités algériennes à faire preuve de responsabilité et à revenir au dialogue exigeant et constructif qui avait été engagé par nos autorités, dans l’intérêt de nos deux pays », conclut le communiqué de la diplomatie française.
La réaction française a été explicitée ce mercredi matin sur BFMTV par Jean-Noël Barrot qui a estimé que la décision de l’Algérie était « injustifiée et injustifiable ». "Notre réponse est immédiate, ferme et proportionnée : le renvoi en Algérie de tous les agents titulaires de passeports diplomatiques qui n’auraient pas actuellement de visas », a annoncé le chef de la diplomatie française.
Cette mesure s’apparente à une remise en cause de facto de l’accord de 2013 portant exemption réciproque de visa pour les porteurs d’un passeport diplomatique.
Bruno Retailleau avait indiqué en avril dernier que la prochaine étape de « la riposte graduée » de la France pourrait être la remise en cause de cet accord.
En réaction à l’incarcération d’un agent consulaire algérien en France au début du mois, l’Algérie a déclaré à la mi-avril 12 agents de l’ambassade et des consulats de France « persona non grata » et leur a ordonné de quitter le territoire national sous 48 heures. Les agents concernés sont tous placés sous la tutelle du ministre de l’Intérieur Bruno Retailleau que l’Algérie a désigné comme le responsable de la nouvelle dégradation de la relation bilatérale après une tentative de rapprochement début avril.
La France a répliqué en expulsant à son tour 12 agents consulaires algériens et en rappelant pour « consultations » son ambassadeur à Alger Stéphane Romatet.
Pour les observateurs, ces mesures réciproques sont inédites dans l’histoire de la relation bilatérale entre les deux pays depuis l’indépendance de l’Algérie en 1962.