search-form-close
Dans un Venezuela qui a faim, l’étrange vol des animaux d’un zoo

Dans un Venezuela qui a faim, l’étrange vol des animaux d’un zoo

Des restes de viscères ont attiré l’attention des visiteurs. Un tapir, animal trapu de couleur brune à la courte trompe, avait été dépecé la veille dans le zoo de Zulia, au nord-ouest du Venezuela.

Ces mammifères en voie d’extinction peuvent atteindre les 200 kilos et leur viande se rapproche de celle des bovins. « Il n’ont laissé que le foie sur la clôture et les viscères dans la mare », raconte un employé à l’AFP, sous couvert d’anonymat.

Deux des quatre buffles d’Asie ont connu le même sort. « Ils ont été tués pour être mangés », selon plusieurs salariés ne souhaitant pas être identifiés.

Ouettes d’Egypte, cochons nains, chèvres, lapins, paons bleus, perroquets tropicaux ou pintades de Numidie: une quarantaine d’animaux ont été volés, tués ou découpés sur place entre juin et juillet, selon des sources du zoo.

Mais pour Elio Rios, le président de l’établissement situé à la sortie de Maracaibo, ces vols ne sont pas à mettre sur le compte de la faim mais du trafic d’espèces. « C’est un délit mondial », assure-t-il à l’AFP.

– Survie ou délit –

Ce site de 84 hectares abrite quelque 500 spécimens de 76 espèces. Situé sur un terrain semi-aride, il est entouré de bidonvilles.

Et pour la présidente de l’Association des parcs zoologiques et aquatiques, Esmeralda Mujica, c’est la crise économique qui serait à l’origine de ces délits. Les vols s’expliquent par « l’instinct de survie d’un groupe social qui voit dans les zoos une opportunité pour trouver de la protéine animale », assure-t-elle.

Au Venezuela, un travailleur avec un revenu minimum de 250.000 bolivars -quelque 75 dollars au taux officiel- doit en dépenser 10% pour acheter un kilo de viande. Avec une inflation galopante, attendue à 720% cette année par le FMI, les salaires suffisent rarement.

L’ex-président du zoo, Leonardo Nuñez, remercié après la révélation des vols par le journal local Panorama, affirme lui qu’il s’agit d’une opération « pour discréditer le gouvernement ».

Chaviste (soutien du parti au pouvoir), il partage sa théorie avec l’AFP: selon lui, une « bande de drogués échangent les animaux contre de la drogue. Il est faux de dire que des personnes affamées sont en train de voler pour manger ».

La faim est pourtant bien présente dans ce pays en profonde crise économique depuis la chute des cours du pétrole, son unique richesse. Excédée, une partie de la population a manifesté sans relâche, d’avril à juillet, pour exiger le départ du président socialiste Nicolas Maduro. Les rassemblements ont fait 125 morts.

– Même les tasses à café –

Selon Elio Rios, plusieurs animaux ont été récupérés en vie. « Ils faisaient office d’animaux domestiques dans des maisons ».

Le zoo de Zulia, dont les principales attractions sont les félins, deux lamantins et deux hippopotames, était surveillé par des miliciens, un corps composé de civils aux tenues militaires.

« Ce qui est bizarre c’est que personne n’a rien entendu », commente un employé. « Les miliciens ne sont pas autorisés à porter des armes. Les délinquants savent ça », soulignent des sources proches du zoo.

Après ces vols d’animaux et de matériel, la sécurité a été renforcée en août par la police. Les autorités régionales, qui gèrent l’établissement, ont promis une plus grande vigilance.

Au Venezuela, un des pays les plus violents au monde, avec 70,1 homicides pour 100.000 habitants en 2016, soit neuf fois la moyenne mondiale, selon le parquet, la criminalité n’épargne pas les animaux.

Dans le zoo de Caricuao, à Caracas, un ocelot a été dérobé il y a deux ans pour des rites religieux et en juillet 2016 un cheval y a été tué pour sa viande. Le parquet a ouvert une enquête.

L’aquarium de Valencia (nord) a aussi subi des vols d’animaux et le Jardin botanique de Caracas, au Patrimoine culturel de l’humanité de l’Unesco depuis 2000, a été saccagé par des vandales.

« On a peur qu’il soit complètement détruit. Nous avons tiré la sonnette d’alarme et l’aide ne vient pas », a déclaré à une chaîne locale Yaroslavy Espinoza, biologiste du Jardin botanique. « Ils ont même volé les tasses à café », déplore-t-elle.

  • Les derniers articles

close