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De l’obligation de la maîtrise des langues étrangères à l’université

De l’obligation de la maîtrise des langues étrangères à l’université

« Une langue différente est une vision de la vie différente »1

« On est autant de personnes qu’on parle de langues »2

TRIBUNE. Le monde se métamorphosant – globalisation tant multiforme que multidimensionnelle oblige ! – en un simple village planétaire sous l’influence des effets de la mondialisation, des médias et des technologies de l’information et de la communication…, l’apprentissage des langues étrangères est devenu – on ne peut plus – une exigence impérative pour ses habitants, les « villageois planétaires », afin d’en faire un bon usage dans l’établissement des relations humaines : sociales, économique, culturelles, cultuelles et intellectuelles…

En effet, la maîtrise des langues étrangères, cette condition sine qua none pour la création des passerelles interculturelles, est le sésame pour découvrir de part et d’autre la culture et la civilisation de l’autre et pouvoir s’exprimer correctement et aisément avec ce dernier pour créer, chemin faisant, des liens socioculturels et civilisationnels, voire économiques, car « une langue vous place dans un couloir de la vie. Deux langues vous ouvrent toutes les portes »3

Il est tout à fait clair que de nos jours, le phénomène de la mobilité des êtres humains s’est généralisé par le flux migratoire du Sud vers le Nord, le tourisme tout azimut, le changement volontaire de lieu de vie (de pays en pays, voire de continent en continent) et notamment les activités de recherche et manifestations scientifiques universitaires…

La maîtrise des langues étrangères s’est alors imposée comme le visa inconditionnel pour les séjours de parts et d’autres des passerelles interculturelles, comme le souligne le philosophe Ludwig Wittgenstein : « Les limites de ma langue sont les limites de mon univers ».

Ainsi, un vent favorable est venu, récemment, propulser la vitesse du voilier de l’Enseignement supérieur et de la Recherche scientifique pour lui permettre non seulement d’atteindre les quais magnifiques de la terre promise mais surtout de s’y amarrer en précurseur !

Deux actions ont déjà ajusté le gouvernail du projet d’établissement : la maîtrise de la langue de Shakespeare par le corps enseignant et la toute première mesure de l’opération « zéro papier » qui vient de concerner, dans un premier temps, les thèses de doctorat en version papier qui seront dorénavant – au grand soulagement des doctorants – exclusivement en version électronique ! Désormais, les enseignants-chercheurs sont donc appelés à perfectionner leur niveau de compétence en langue anglaise, soit en ayant une licence ou en obtenant le niveau B2/C1…

Pareillement, consciente de ces défis, l’université algérienne avait intégré dans ses structures, au sein de ses services communs, les Centres d’enseignement intensif des langues (CEIL), afin de permettre tant aux étudiants qu’aux corps enseignants, voire les externes de l’université l’apprentissage des langues étrangères suivant le CECRL, Cadre européen commun des références pour les langues dont les niveaux de compétence sont au nombre de six (A1, A2, B1, B2, C1 et C2).

Cette structure, qui s’est même impliquée avec l’environnement social et économique de l’université, et dans le but de proposer une prestation dont la démarche qualité est sa boussole de navigation, est devenue partenaire dans un projet européen intitulé « EL@N ».

L’objectif de ce projet qui se résume dans « la modernisation de l’enseignement des langues étrangères dans les centres de langues des universités algériennes », est composé par un consortium de six universités algériennes (Ouargla, Guelma, Biskra, Bejaia, UST Oran, et Tlemcen), trois universités européennes (Espagne, France et Italie) et une université turque. Ainsi et à la fin de ce projet, prévue fin 2023, une dissémination aura pour but de mettre à niveau tous les centres de langue des universités algériennes et dont la responsabilité incombera à l’Université Kasdi Merbah de Ouargla…

Si le projet de la modernisation de l’enseignement des langues étrangères au niveau des CEILs coïncide tant avec l’implication de ces derniers dans l’accompagnement du perfectionnement du corps enseignant dans la langue anglaise que la décision des pouvoirs publics d’instaurer l’enseignement de cette langue internationale par excellence à partir de la troisième année primaire, il n’en demeure pas moins que l’organisation de ces structures mérite d’être actualisée !

Aussi, dans un souci de perfectibilité et afin de leur permettre d’accomplir les missions qui leur incombent, le statut fixant les obligations tant du coordinateur pédagogique et le service pédagogique que des enseignants qui y interviennent et du comptable… qui constituent l’ossature du CEIL, a besoin – à notre humble avis – d’être revitalisé…

Parallèlement, et ayant l’outrecuidance de penser que le train de la réforme de l’université algérienne est bien en marche, je me permets – naïvement mais sincèrement – d’oser avancer qu’il serait souhaitable que les voiles du bateau aient comme vent favorable une force exprimée en nœuds suivants :

  • Intégrer parmi les critères de recrutement des Maîtres Assistants, la maîtrise des langues étrangères
  • Instituer la condition de la maîtrise de l’anglais (B2 ou la licence) pour l’habilitation
  • Instituer la condition de la maîtrise de deux langues étrangères dont l’anglais (B2 ou licence) pour le professorat
  • Intégrer dans le cycle de formation LMD un volume horaire global pour l’apprentissage de la langue anglaise de telle sorte : la licence (A2), Master (B2) et Doctorat (C2)

Trois années suffiraient pour que les collègues enseignants-chercheurs aient soit la licence d’anglais ou le niveau C2 (la formation au CEIL offrant la possibilité d’obtenir deux niveaux par an).+

Enfin, et comme l’ont démontré les chercheurs Hanh Thi Nguyen et Guy Kellogg, de l’université de Hawaï, qui ont prouvé que lorsque leurs étudiants apprennent une langue, ils développent de nouvelles façons de comprendre une culture différente de la leur à travers l’analyse des stéréotypes culturels. Ils expliquent ainsi que « l’apprentissage d’une nouvelle langue implique non seulement l’acquisition d’éléments linguistiques, mais aussi l’intégration de nouvelles façons de penser et de nouveaux comportements »4.

Alors VIVEMENT les langues étrangères ! Amen…


*Maitre des Conférences « HDR », Directeur du CEIL/ Université Kasdi Merbah Ouargla

Notes :

1Federico Fellini, réalisateur de cinéma et scénariste italien

²Proverbe hongrois

3Frank Smith, producteur de radio, écrivain, auteur de poésie, et vidéaste, réalisateur

4Amy Thompson, Professeur de linguistique appliquée et titulaire de la chaire de langues, littératures et linguistique du monde, West Virginia University


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