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Discours anti-musulmans en France : entretien avec Ghaleb Bencheikh

Discours anti-musulmans en France : entretien avec Ghaleb Bencheikh

Ghaleb Bencheikh, islamologue.

L’islamologue Ghaleb Bencheikh est l’une des voix les plus modérées et les plus écoutées de l’islam de France.

Dans cet entretien accordé à TSA, il évoque la montée du discours extrémiste anti-musulmans et anti-immigrés à l’approche de l’élection présidentielle française, le triomphe des idées de l’extrême-droite, le cas Éric Zemmour, l’échec du modèle d’intégration français…

Les débats de la précampagne pour la présidentielle en France sont dominés par les questions liées à l’islam, l’immigration, l’identité… Pourquoi ? 

En effet, nous sommes à l’approche d’une élection majeure en France, et le scrutin présidentiel marque un temps fort dans la vie politique française.

C’est une occasion pour les citoyens de débattre sur des thèmes engageant leur avenir et choisir leur programme politique pour le prochain quinquennat.

Cependant, il arrive que certaines démocraties troublées se fragilisent et deviennent fébriles et agitées juste en amont des grandes échéances électorales.

Comparaison n’est pas raison, certes, mais, sans vouloir exagérer les analogies, nous avons pu examiner une situation similaire dans un pays voisin, l’Allemagne.

« En France, tous les jours que Dieu fait, le mot islam est proféré avec un synonyme d’épouvante, de terreur, de menace et de médiocrité »

En septembre dernier, des élections générales s’y sont déroulées. C’était un mois de campagne électorale très dense avec des débats tendus et emportés en présence d’une frange d’extrême-droite qu’on ne minimise pas, néanmoins – curieusement ou heureusement selon le point de vue – le vocable islam n’a jamais été prononcé et le mot immigration n’a été cité qu’une seule fois !

Pour autant, personne ne remet en cause ni l’identité de l’Allemagne ni son devenir ni même son modèle social qui ne sont nullement menacés.

Et pourtant, la société allemande a dû absorber plus d’un million de réfugiés en 2015, quasiment tous musulmans, avec parfois une attitude déviante de certains parmi eux, alors qu’ils ont affiché, dans leur écrasante majorité, un comportement exemplaire.

En France, tous les jours que Dieu fait, le mot islam est proféré avec un synonyme d’épouvante, de terreur, de menace et de médiocrité. Le fait islamique est obsédant et hystérisant.

Il est explosif, inflammable dans les débats déchaînés et saturés. Et, nous ne pouvons accepter que la haine devienne un programme politique ni admettre que le fait de brocarder, vilipender, stigmatiser et insulter une composante de la nation puisse devenir une plateforme électorale.

Au-delà de la posture d’un polémiste devenu candidat à la magistrature suprême en dictant une « presque » histoire, faite de négations criminelles, de réhabilitations inconcevables, de récupérations outrancières et de mensonges éhontés, c’est le nombre de commentateurs et de candidats à l’existence publique qui s’accroît.

Ces derniers s’appliquent, eux aussi, à nourrir cette charge aveugle sans mesure ni discernement contre les musulmans. Ils sont mus par un débat public dont les digues protectrices ont lâché et dont le centre de gravité s’est déplacé vers l’identitarisme et l’extrémisme.

À ce sujet, quiconque ne dénigre pas l’islam et ne brocarde pas les musulmans pourrait être taxé de l’infâmante accusation d’« islamogauchiste ».

Ce rhéteur polémiste ose clamer que le choix est entre la France et l’islam ! Il demande aux Français musulmans d’abjurer leur religion ! mais, c’est l’écho de ses propos auprès d’une bonne frange de la nation qui interroge.

Il est le symptôme d’un véritable malaise dans la société. Ce triomphe idéologique de l’extrême-droite en France appelle analyse et résistance. Nous observons que même la droite dite républicaine s’est mise à glisser vers des thèmes de cet ordre.

Il y a une sorte de course à qui pourrait paraître le plus radical, le plus dur et le plus intraitable sur ces questions depuis le mandat de Nicolas Sarkozy et son ministère de l’identité nationale jusqu’aux déclarations d’Éric Ciotti et son Guantanamo en France.

En réalité, la nation française, traumatisée notamment par les attentats terroristes djihadistes, est traversée par des failles profondes – identitaire, sécuritaire, éducative, sociale, idéologique et culturelle. Elles s’entrecroisent dans le pays, le minent et le fragilisent.

Elles engendrent frustration, solitude, peur, haine et désespoir. C’est un déferlement depuis quelques années de « passions tristes » qui sont exacerbées dans cette période où convalescence et résilience prennent beaucoup de temps. Alors, n’a-t-on rien trouvé de mieux qu’un discours simpliste empreint d’animosité et de ressentiment radicalisé dans une logique fanatique nourrissant des comportements d’autodestruction individuelle et collective.

Vous faites la comparaison avec l’Allemagne dont le modèle d’intégration est reconnu. N’y a-t-il pas en revanche échec du modèle français d’intégration ? 

Bien qu’il faille tenir compte des spécificités propres à chaque pays, force est de constater que le modèle français accuse, de nos jours, un échec patent. Quand il s’agit particulièrement des musulmans, il y a lieu de parler, non d’intégration mais de citoyenneté.

Une citoyenneté qui, n’eussent été les méfaits de l’entreprise coloniale, aurait dû être partagée, engageante et engagée depuis … le Second Empire.

La troisième République n’y voyait encore que des sujets ! La quatrième n’a pas reconnu pleinement les tributs du sang, de la sueur et des larmes consentis et la cinquième a raté totalement ce qu’on appelle « l’intégration » ; concept qui, en toute rigueur, doit s’appliquer aux immigrés récents.

« Le modèle français d’intégration est en panne »

En réalité, un citoyen doit se demander ce qu’il faut faire pour s’acquitter de ses devoirs envers son pays, alors qu’il est fondé à y jouir de ses droits inaliénables. C’est d’autant plus vrai pour une grande partie de la jeunesse musulmane qui, frustrée et se sentant rejetée, a cru épuiser son identité dans la seule donne religieuse élevée au rang d’une identité supranationale.

En effet, l’islam radical a fait une irruption dans une société sécularisée devenue indifférente au fait religieux. Après les revers de la marche pour l’égalité du 15 octobre au 3 décembre 1983 avec des mots d’ordre exclusivement laïques, les enfants des marcheurs ont été pris en charge par l’islamisme politique.

Et la manifestation islamiste extrémiste n’a fait aucun cas de l’humanisme d’expression arabe qui a prévalu dans sa civilisation impériale, ni de l’apport des Lumières et encore moins des exigences de la modernité intellectuelle et politique.

La complexité de cette équation est décuplée par les ressentiments dus, notamment, à une décolonisation non soldée à cause d’une idéologie suprémaciste et colonialiste prégnante qui, elle non plus, n’a fait aucun cas des Lumières.

Ce passif vient nourrir le trouble ferment de particularismes dont se nourrissent les marchands de peur et promoteurs d’une guerre des différences. Ces deux mâchoires de la fameuse tenaille identitaire que sont l’islamisme extrémiste et l’identitarisme exacerbé, se rapprochent et parachèvent de blesser une société déjà très éprouvée.

Le modèle français d’intégration est en panne à cause d’une condensation multidimensionnelle de faits que les observateurs analysent dans une grille de lecture à maints niveaux.

Des approches sociologiques, politiques et géostratégiques dans les rapports internationaux sont à prendre en considération. Ensuite une approche psychologique met en exergue les carences affectives, les failles identitaires, l’absence de repères avec l’effacement de l’autorité du père et l’échec scolaire.

Enfin, il y a aussi en ce qui concerne une partie de la jeunesse musulmane une vision théologique du monde éculée avec une obsession de la norme canonique qu’une focalisation médiatique amplifie et dénature.

Le modèle républicain n’a pas fonctionné, mais est-il pour autant non viable ? je crois que si, il est viable pour peu qu’il y ait une volonté politique et une sensibilisation de tous les citoyens en agissant sur les mentalités.

La communauté nationale au sein de la République est, sous la voûte commune de la laïcité, une association politique auto-fondatrice de sa propre légitimité. C’est la citoyenneté engagée et partagée qui la consacre en intériorisant l’obéissance à la loi commune.

Tout en tenant compte de la psyché collective, de la culture et de l’histoire, elle exclut une quelconque hiérarchisation entre « Français de souche » dont on ne sait jamais délimiter les contours ni préciser les origines et les éternels « issus de… » la diversité, l’immigration, les quartiers difficiles, les zones sensibles, les territoires prioritaires, etc. ; il est temps de sortir de la logique funeste des « nous » et des « eux » qui ne sont pas chez « eux » chez « nous » !

Quelle lecture faites-vous du cas Éric Zemmour, issu lui-même de l’immigration et qui met tous les problèmes sur le dos des immigrés ?  

J’ai très peu de choses à dire de ce cas. Sans vouloir pathologiser le débat politique ni verser dans une quelconque métapsychologie, je constate simplement que l’homme est, effectivement, issu d’une famille juive sépharade d’Algérie venue s’installer en métropole.

« Ce candidat polémiste est le signe d’une dérive médiatique grave »

Il dit lui-même qu’il est judéo-berbère connaissant les Arabo-musulmans depuis mille ans ! à cet égard, il serait, selon ses propres critères, un Français de fraîche date.

C’est pour cela qu’il veut apparaître plus patriote que tous les autres patriotes, au point où il faudrait – énonce-t-il – prendre le point de vue de la France et renoncer à celui de ses ancêtres, y compris en étant « du côté du général Bugeaud », qui en Algérie « a massacré les musulmans et même certains juifs » … ses propos sur Pétain l’ont discrédité définitivement auprès des historiens et au-delà. Ceux sur Vichy devraient le disqualifier auprès des électeurs.

Mais, il est le produit d’une « fabrique quasi industrielle » qui, pendant des années maintenant, n’a pas cessé de débiter ses obsessions sur l’islam et sur le caractère inassimilable des musulmans. Auquel cas, il ne leur reste plus que la « re-migration » vers je ne sais quelle contrée, alors qu’à l’instar de tous les Français, ils ont été touchés dans leur cœur et dans leur chair par le terrorisme djihadiste abject.

Ce candidat polémiste est le signe d’une dérive médiatique grave qui s’accommode des mystifications effrontées et de la distorsion de la réalité. Pour lui, à titre d’exemples, le tiers du Coran est un appel à la violence, il y est prescrit qu’il faut égorger les juifs et les chrétiens ! tout comme il ose affirmer que les lycéens musulmans ont des tables, des toilettes et des robinets réservés !…

On constate aussi qu’il y a un amalgame qui est fait entre Immigration et Islam…

Avant de répondre à votre question, soulignons, en passant, que le mot « amalgame » témoigne du riche substrat arabe de la langue française…

Oui, c’est une myopie intellectuelle de faire cette confusion de lectures.

Il faut d’abord préciser que l’immigration et l’islam ne sont pas tautologiques. Il n’y a aucune raison d’épuiser la question islamique dans celle de l’immigration et vice versa, bien qu’elles se recoupent.

En ce sens que parmi les immigrants présents, il y a des musulmans bien entendu, mais l’intelligence, la lucidité, la rationalité et aussi les faits nous recommandent de traiter les deux sujets séparément.

« Nous n’accepterons jamais la mise à l’index des citoyens musulmans »

Il faut savoir distinguer les registres et ne pas ramener la question islamique à la seule problématique d’immigration. Parce que, n’eût été l’amnésie historique, nous aurions su que, dans le temps long sur la tapisserie des siècles, l’élément islamique et la France – avant même qu’elle fût France ! – ont connu depuis l’émirat de Narbonne, une relation ambivalente et complexe. Elle est faite d’alliances et de concurrences, d’admiration et d’aversion, de fascination et de répulsion, d’exaltation et de dénégation.

Maintenant, la religion islamique est la deuxième religion de France et ses adeptes sont des citoyens français. Ils doivent, sous la voûte commune de la laïcité, se conformer aux lois de la République à commencer par le respect de la loi fondamentale, la Constitution.

En revanche, la question de l’immigration doit être traitée autrement, à commencer par pourfendre la théorie du « Grand Remplacement » démentie par toutes les études et les statistiques démographiques sérieuses. Le solde migratoire est relativement stable en France ces dernières années après un pic en 2013. Ramené à la population globale, il est de l’ordre de 0.03 %.

Ne pensez-vous pas que la France ne fait à chaque fois que repousser l’échéance de la victoire de l’extrême-droite ? Cette victoire est-elle inéluctable à terme ?

Il est clair qu’il y a un triomphe idéologique et culturel de l’extrême-droite. Au-delà des intentions de vote révélées par les sondages d’opinion, les thèses de l’extrême-droite se banalisent et la parole sur ses sujets de prédilection est désinhibée. La preuve réside, entre autres, dans la galaxie de la presse promotrice de cette idéologie.

En ce sens que des passages à la télévision de Renaud Camus ou de Bat Ye’Or auraient été inimaginables il y a quelques mois, et encore moins sans contradicteur. Mais, force est de constater que l’un et l’autre viennent pérorer sur le Grand Remplacement et l’islamisation de l’Europe avec la théorie du complot Eurabia usant de temps d’antenne très appréciables.

Or, les propos toxiques et les idées infectieuses rendent véritablement malade une nation et le glissement qui, inéluctablement, commence à se faire vers l’extrême-droite annonce des lendemains qui déchantent.

Tout discours de rejet et de haine trouvera, chez les aventuriers fragiles d’esprit, gagnés par la peur et la colère qui sont de mauvaises conseillères, celui qui le traduira en actes sanglants, destructeurs et exterminateurs. C’est aussi sur cela que jouent, et ont joué à travers l’histoire, les idéologues calculateurs et manipulateurs. L’extrémisme, quel qu’il soit ne peut mener qu’au désastre.

Mais, nous n’abdiquerons pas. Nous nous lèverons et nous battrons. À nos extrémistes salafistes auxquels nous sommes confrontés tous les jours dans une bataille de survie où l’enjeu n’est rien d’autre que la civilisation, nous ouvrons le front de la riposte aux distillateurs d’exécration et d’inimitié.

Il y va de la paix civile et de la concorde nationale. Nous n’accepterons jamais la mise à l’index des citoyens musulmans qui, ethnicisés par la leur confession, sont décrétés étrangers dans leur propre pays.

Avec cela, notre conviction est grande qu’il peut y avoir un sursaut salutaire dans l’opinion française, parce qu’il y a toujours eu cette dialectique entre les deux France : la royaliste et la républicaine, la révolutionnaire et la réactionnaire, l’antidreyfusarde et la dreyfusarde, la résistante et la collaborationniste.

Bref, il y a la France éternelle, grande et généreuse, celle des droits de l’Homme qui vient du fond des âges – pour prendre un accent gaullien – et une France rabougrie qui se drape derrière le masque hideux du colonialisme, du racisme et des idées rétrogrades anti-humanistes et attentatoires à la dignité humaine. La seconde finit toujours par céder le pas devant la première.

Les organisations qui représentent les musulmans de France peuvent-elles faire quelque chose ?

En théorie et même dans les faits, oui, elles ont un rôle important à jouer, et une responsabilité à assumer, non pour représenter les musulmans qui, dans un État laïque, n’ont pas besoin d’être « appréhendés » par leur confession, mais pour asseoir des instances qui gèrent la pratique cultuelle dans une atmosphère de défiance et de suspicion.

C’est le devoir de ces organisations de prendre en charge, d’une manière saine et responsable, l’aspiration à l’élévation spirituelle, notamment de la jeunesse musulmane et surtout mettre de l’ordre dans la maison islam.

L’assainir de tous ces germes d’intolérance et de fanatisme. Certaines organisations agissent avec désintéressement, font ce qu’elles peuvent et réussissent cahin caha ; d’autres, hélas, se livrent à des batailles intestines qui les affaiblissent et laissent les détracteurs de l’islam et des musulmans entrer dans du « beurre mou ».

« Je ne pense pas que cette affaire entre dans une surenchère autour des idées triomphantes de l’extrême-droite »

Je ne sais pas qui part le premier de ce monde, mais gageons que, sous l’effet biologique naturel, après une génération d’hommes et de femmes dévoués et d’autres incompétents avides de notabilité, des jeunes pousses aient les connaissances théologiques requises et développent plus le sens des responsabilités avec une probité morale et intellectuelle sans faille.

Il y aura une relève, j’en suis sûr, qui saura avec abnégation et compétence résoudre les problèmes, aplanir les difficultés et relever les défis. Ils sauront entreprendre les chantiers titanesques de la pensée théologique islamique et l’organisation pérenne du culte en France.

Il y a aussi l’interférence des États étrangers qui complique la situation. Récemment, le Maroc a été éclaboussé par un scandale de tentative d’influencer le CFCM…

Oui, vous avez raison. Il y a cette interférence des États étrangers qui est préjudiciable à la bonne marche d’une organisation autonome et sereine du culte islamique en France. Plus qu’une interférence, c’est une ingérence directe dans la gestion de certaines mosquées devenues le nid de barbouzeries de puissances étrangères.

Cette atteinte à la souveraineté de l’État français est dommageable et les conséquences sont fâcheuses pour les fidèles. Ces derniers sont atterrés et désappointés de voir certains de leurs hiérarques obéir davantage à des régimes autocratiques que d’œuvrer pour l’intérêt général des musulmans en France.

Quant au CFCM (Conseil français du culte musulman, Ndlr), son péché originel est dans la manière qui a présidé à son instauration. On a imposé un bureau exécutif qui n’a pas été corroboré par le résultat des urnes. Il a aussi longtemps pâti d’un fonctionnement d’une présidence tournante entre trois États (l’Algérie, le Maroc et la Turquie), en dépit du vote des délégués des mosquées à l’issue des différents mandats. Il est temps de mettre fin à ce qu’on appelle l’islam consulaire.

La religion islamique en France est, avant tout, une réalité française, la gestion de son culte doit être l’affaire des fidèles musulmans français. Ils doivent à partir de conseils départementaux élire une instance nationale. C’est ce que l’actuel président du CFCM – un homme connu pour sa droiture – essaye de mettre en œuvre dans un contexte très difficile miné par les rivalités, les dissensions et les incompétences.

Les propos du président Macron qui ont déclenché une crise sans précédent avec l’Algérie n’entrent-ils pas dans la surenchère que vous évoquez autour des idées triomphantes de l’extrême-droite ?

Les relations entre l’Algérie et la France sont particulières, passionnées et passionnelles. L’intrication entre les deux peuples algérien et français est telle que toute déclaration et tout acte ont une résonance considérable et une répercussion dans les débats publics qui s’enflamment très vite.

Le dernier épisode est la crise déclenchée par les propos controversés tenus par le président Macron fin septembre dernier. Il aura fallu plus de deux mois de froid glacial pour que le chef de la diplomatie française eût pu se rendre à Alger où il a annoncé notamment la reprise du dialogue politique opérationnel entre les deux pays dans une relation de confiance et pour un partenariat ambitieux. Cette visite a signé le début du dégel entre l’Algérie et la France et a marqué la fin de la brouille diplomatique.

Les messages positifs, envoyés par le président Macron après « avoir regretté les polémiques engendrées par des propos rapportés », ont apaisé les tensions. Ces messages ont été jugés respectueux et raisonnables par Alger. En effet, après le doute exprimé quant à l’existence d’une nation algérienne avant la colonisation française mise en regard avec la présence ottomane, le président Macron affirme qu’il a « le plus grand respect pour la nation algérienne, pour son histoire et pour la souveraineté de l’Algérie ».

Je ne pense pas que cette affaire entre dans une surenchère autour des idées triomphantes de l’extrême-droite. Elle n’est pas du même ordre que « les effets positifs de la colonisation » que la loi du 23 février 2005 voulait consacrer ! Elle relève plutôt d’une méconnaissance de l’histoire de l’Algérie.

Cette mésentente est déjà derrière nous. Et toute crise doit avoir une vertu salvifique. Le dégel qui s’ensuit permettra, espérons-le, dans une démarche sincère et résolue avec l’ouverture anticipée des archives de s’atteler avec volonté, courage et détermination à solder objectivement la question coloniale.

Son triptyque : conquête, exploitation et guerre d’indépendance jusqu’à présent celé, doit être reconnu, étudié et bien affronté en face. La grandeur d’une nation et le génie d’un peuple résident aussi dans leur capacité de regarder les pages sombres de leur histoire, de les assumer et de les dépasser. Il faudra une bonne résolution et beaucoup d’audace pour guérir les blessures mémorielles et colmater les failles identitaires, notamment des citoyens français d’ascendance algérienne.

 

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