
Il n’a pas la notoriété de son grand frère Noureddine, physicien de renom à la NASA et actuellement doyen du Kennedy College of Sciences à l’université du Massachusetts Lowell (États-Unis), mais il a réussi à se faire un nom dans un domaine tout aussi exigeant, bien qu’éloigné des projecteurs : les mathématiques.
Aujourd’hui enseignant au lycée Robert Doisneau à Corbeil-Essonnes et à l’Institut national supérieur du professorat et de l’éducation (INSPE) de Versailles, en France, Djamel Eddine Melikechi, né en 1962 à Thénia près d’Alger, a, contrairement à son frère aîné, suivi un parcours loin d’être linéaire.
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Lycéen au lycée technique de Ruisseau (Alger), après des études au collège de Thénia, sa ville natale, il se découvre dès le milieu des années 1970 une passion singulière pour les mathématiques, cette matière tant redoutée par beaucoup.
« Je n’ai pas suivi le parcours universitaire traditionnel. Mon parcours riche entre l’Algérie et la France m’a permis d’acquérir des compétences complémentaires. J’ai débuté à Thénia, puis au lycée technique d’Alger, où j’ai obtenu le bac technique mathématique option fabrication mécanique. C’est dans ce grand lycée que j’ai développé une solide base scientifique », confie Djamal Eddine Melikechi à TSA Algérie. Derrière cette vocation se cache pourtant l’influence non moins décisive de son grand frère, qui l’initie aux sciences à travers des jeux de questions à leurs heures perdues à la maison, se souvient-il. « C’est lui qui m’a initié aux sciences ».
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Djamal Eddine Melikechi, un mathématicien algérien au parcours atypique
Après le bac, Djamel Eddine avait le choix entre une bourse en RDA (ex-République démocratique d’Allemagne) ou poursuivre les études en Algérie : il finit par opter pour l’USTHB de Bab Ezzouar, la plus prestigieuse des universités algériennes, où il entame un D.E.S. de mathématiques.
Après deux ans seulement, il suspend son cursus et choisit d’enseigner au collège, puis au lycée de Thénia en tant que vacataire. « Cette première expérience m’a révélé mon goût pour la pédagogie », se souvient-il. Mais, quelques années plus tard, il reprend ses études pour finaliser son diplôme qui lui ouvre les portes de l’enseignement au lycée, mais également à l’INH (Institut national des hydrocarbures) de Boumerdès où il assure des travaux dirigés.
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Appelé sous les drapeaux au début des années 1990, il passe son service militaire en tant qu’enseignant. Et sitôt les deux années achevées et alors que le pays s’enfonçait dans le terrorisme et sa région gagnée par l’insécurité, il décide de partir pour s’installer à Paris.
Du lycée de Thénia à l’INSPE
Non pas pour trouver refuge dans la ville lumière, mais pour poursuivre ses rêves et son petit bonhomme de chemin. Grâce à ses solides bases en mathématiques, Djamal Eddine réussit le concours d’entrée à l’Institut universitaire de la formation des maîtres (IUFM) de Paris Nord. Deux années plus tard, il devient enseignant titulaire en lycée professionnel. « Reconnu pour mon engagement, je suis nommé conseiller pédagogique par l’inspection académique, qui me confie également la rédaction d’un livret de mathématiques destiné aux futurs enseignants de lycée professionnel », souligne-t-il.
Passage obligé pour aspirer à devenir professeur dans les collèges et lycées publics français, il réussit le CAPES de mathématiques (certificat d’aptitude au professorat de l’enseignement du second degré), ce qui lui permet d’intégrer le lycée Robert Doisneau à Corbeil-Essonnes, où il enseigne depuis plus de 18 ans, principalement en terminale spécialité mathématique.
En parallèle, il intervient en classes préparatoires aux grandes écoles et poursuit ses fonctions de conseiller pédagogique. À la suite d’une « évaluation rigoureuse », il est sélectionné pour former les futurs professeurs à l’INSPE (Institut national supérieur du professorat et de l’éducation) de l’académie de Versailles.
« J’y exerce actuellement à mi-temps, en parallèle de mon activité au lycée », explique-t-il. Cette ascension et l’expérience acquise au fil des ans l’ont conduit à publier récemment un ouvrage intitulé : « Maîtriser les méthodes fondamentales de maths », aux éditions Ellipses, spécialisées dans les publications scientifiques.
Ce livre, qu’il souhaite publier en Algérie et dont il a décidé d’offrir des exemplaires au lycée de ses premiers pas dans l’enseignement à Thénia, mais aussi au village de ses origines à Ait Mellikeche, en Kabylie où il s’est rendu il y a quelques jours pour se ressourcer, propose une approche méthodique et pratique de la discipline.
« Ce livre s’adresse à des élèves de seconde générale et technologique souhaitant connaître les méthodes de base pour réussir leurs devoirs mais aussi à ceux souhaitant approfondir leur maîtrise des notions (…) Nous vous proposons une approche méthodique et pratique pour aborder les mathématiques avec confiance et sérénité », lit-on dans l’avant-propos du livre. Une approche visant à fournir les clés aux élèves pour mieux appréhender une discipline qui a la réputation de n’être accessible qu’aux plus brillants.
La recette pour améliorer les résultats du BAC en Algérie
« Les maths ont la réputation d’être difficiles. Les élèves pensent que ce n’est pas fait pour eux, qu’elles sont trop exigeantes. Il s’agit d’axer sur comment réfléchir et non à appliquer », détaille Djamal Eddine Melikechi.
Bien qu’il se refuse à jouer aux « donneurs de leçons », il estime toutefois que le baccalauréat algérien mérite une réforme. Comment ? Diversifier les filières, pour donner un maximum de choix et de chances pour les élèves. Il évoque d’ailleurs les spécificités du bac français : 13 spécialités possibles, dont deux choisies par chaque élève, soit 78 combinaisons. Ces deux spécialités représentent 32 % de la note globale. À cela s’ajoutent le contrôle continu (40 %), la philosophie, le français (écrit et oral), et le Grand Oral.
« Ce système met l’accent sur le contrôle continu, ce qui réduit la pression des épreuves finales. Il valorise le travail régulier, et non l’unique performance d’un jour. Le taux de réussite élevé ne traduit pas forcément une baisse de niveau, mais une approche plus inclusive de l’évaluation », soutient-il.
Même s’il rayonne dans son domaine, cet amateur de jeu d’échecs — il a été directeur technique de la ligue de Boumerdès dans les années 1980, classé 4ᵉ au championnat universitaire national à Bab Ezzouar, plusieurs fois champion de wilaya, fondé un club d’échecs à Paris 18ᵉ — n’a jamais cherché la lumière. Il préfère la diffuser, à sa manière. À la question de connaître l’apport de son grand frère, Djamal Eddine se montre humble, non sans dissimuler sa fierté. « Je suis fier de mon frère pour ce qu’il accomplit. Il ne me fait pas de l’ombre. Il éclaire un chemin que j’essaie de suivre. Je ne cherche pas à briller pour moi-même, mais à porter un peu de lumière autour de moi ».