Politique

Du printemps berbère au mouvement populaire : les étudiants fer de lance de la contestation politique

Les étudiants algériens jouent un rôle majeur dans le mouvement de contestation politique qui secoue le pays depuis février dernier. Chaque mardi, ils se donnent rendez-vous dans les campus et même dans la rue pour maintenir la flamme entre deux vendredis.

« L’université est le cœur battant de la révolution démocratique algérienne », commente un étudiant rencontré mardi 16 avril lors d’un rassemblement devant le siège de la wilaya d’Oran.

Comme leurs camarades des autres villes du pays, les étudiants de la capitale de l’Ouest étaient aussi dans la rue lors de ce mardi pas comme les autres, en ce sens qu’il fait suite à la répression des manifestants à Alger vendredi dernier, une première depuis le début du mouvement.

C’est donc logiquement que la dénonciation de la dérive des forces de l’ordre s’est retrouvée sur toutes les pancartes brandies. Sans en être le précurseur, les étudiants demeurent à l’écoute du mouvement populaire et adaptent chaque mardi leurs slogans et leurs actions en fonction de l’évolution de la situation.

Depuis le 22 février, ils sont mobilisés pour l’instauration d’une véritable démocratie en Algérie. Que ce soit, à Oran, Alger, Tizi Ouzou, Bouira, Tebessa, Khenchela, Adrar, Ouargla, Béjaïa, Sidi bel Abbès, Tiaret, Mostaganem ou encore Tlemcen, la mobilisation estudiantine bat son plein.

Les étudiants sont sortis, ce mardi, massivement dans les rues. « Système dégage », « Algérie libre et démocratique », ou encore « le peuple est la seule source de la souveraineté », sont les slogans les plus scandés par les manifestants.

« L’université joue un rôle central dans la révolution actuelle contre le système qui paralyse le pays depuis 1962 », affirme Zineb, étudiante en sciences de la communication à l’université d’Oran. « Les étudiants militent pour le changement », indique, Zinou, un étudiant en médecine.

« Le gouvernement essaye de prendre pied dans les universités parce qu’il pense qu’elles sont dangereuses pour lui, mais notre mobilisation montre que le pouvoir a échoué », explique-t-il. « Ces manifestations montrent que les campus n’ont rien perdu de leur ferveur militante. Le pouvoir a échoué à dépolitiser les universités », indique de son côté Hakim, étudiant en informatique.

Pour prendre la mesure de la mobilisation, il faut jeter un coup d’œil sur les murs des facultés. Les graffitis montrent que les étudiants sont très politisés et engagés. Ce qui ne fut pas toujours le cas depuis au moins deux décennies. L’université algérienne était à l’avant-garde de toutes les luttes jusqu’au début des années 1990 et ce n’est pas un hasard si le premier grand mouvement de contestation de l’Algérie indépendante, le printemps berbère de 1980, a pris naissance à l’université de Tizi Ouzou suite à l’interdiction d’une conférence académique de Mouloud Mammeri.

Les campus étaient traversés par tous les courants, de gauche ou conservateurs, donnant lieu à des débats d’idées et des mouvements de contestation réguliers. Mais l’infiltration des organisations actives a fini par les neutraliser, faisant d’elles un outil aux mains du pouvoir politique ou de certains partis islamistes proches de ce dernier. Ces deux dernières décennies, c’est à peine si les étudiants bougeaient pour dénoncer les mauvaises prestations sociales (hébergement, transport…).

Comme l’ensemble de la société, l’université a prouvé, depuis le 22 février, que ses ressorts ne sont pas cassés. Mieux, elle est en train de retrouver son rôle d’avant-garde des luttes démocratiques.

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