Société

Eau potable : pourquoi le stress hydrique est de retour

L’information a rappelé aux Algérois une époque qu’ils croyaient à jamais révolue : la distribution de l’eau potable sera drastiquement rationnée dans la capitale, alors qu’on n’est pas encore aux portes de l’été.

Le précieux liquide ne coulera pas dans les robinets pendant plus de 8 heures par jour. L’annonce a fait l’effet d’une bombe.

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La société de gestion de l’eau, Seaal, a retiré son annonce quelques heures seulement après sa mise en ligne, mais cela ne change rien au fond de la problématique : le stress hydrique est bien là et les investissements colossaux consentis pendant ces vingt dernières années n’ont pas permis de sécuriser définitivement le pays contre une pénurie de ce produit stratégique.

Avant même l’annonce et la volteface de ce lundi 17 mai, le rationnement de l’eau a commencé à Alger et dans d’autres villes. Des coupures ont eu lieu régulièrement et rares sont les localités encore desservies en H24, hormis peut-être certaines régions de l’extrême nord-est, mieux gâtées par la météo.

La faute donc à une pluviométrie très médiocre cette année. Les barrages, un des principaux axes de la stratégie du pays pour sécuriser l’alimentation de la population en eau potable, ne sont pas convenablement remplis.

Et c’est un euphémisme. Certains ouvrages affichent un taux de remplissage proche de zéro. C’est le cas de celui de Koudiet Asserdoune, dans la wilaya de Bouira, descendu début mai à seulement 5 % de sa capacité qui est de 600 millions de mètres cubes.

La sécheresse est passée par là et, s’agissant d’un phénomène naturel imprévisible sur le long et moyen terme, nul ne sait de quoi sera fait l’année prochaine et celles qui suivront.

Voilà qui nous amène à la principale tare de la stratégie nationale en matière de gestion des ressources en eau. On a peut-être trop axé sur une ressource aléatoire sur laquelle les responsables n’ont aucune emprise, ce qui les prive d’un outil indispensable dans la gestion : la prévision.

Avec ceux en voie de réalisation, l’Algérie compte près d’une centaine de barrages, donc une moyenne d’à peu près deux par wilaya. D’ici à 2030, leur nombre devrait atteindre 139. La capacité de stockage globale actuelle est de 8 milliards de mètres cubes et devrait passer à 12 milliards à la même échéance.

Beaucoup de barrages, du moins les plus importants, ont été construits dans les années du pétrole cher. À leur coût, il faut ajouter celui des transferts qui ont, pour certains, nécessité plus de fonds que les barrages eux-mêmes, et les frais de fonctionnement pour le pompage et la maintenance.

On parle de 55 milliards de dollars investis dans le secteur de l’eau ces deux dernières décennies. En arriver à une situation de stress hydrique et à la rationalisation de la distribution pour une population de seulement 45 millions d’habitants, traduit les limites de la stratégie adoptée. Car la somme n’est pas négligeable.

Les pertes et le vol d’eau, la saignée

En parlant de stratégie, l’Algérie a choisi de diversifier les sources d’alimentation en eau potable, investissant également dans l’exploitation des nappes phréatiques et le dessalement d’eau de mer.

Là aussi, la bourse de l’État a été fortement sollicitée. Le seul projet du transfert In Salah – Tamanrasset a coûté plus d’un milliard de dollars. Les stations de dessalement, toutes construites ces 20 dernières années, sont au nombre de 11, réparties sur tout le littoral, et ont une capacité de production de 110 000 mètres cubes par jour, soit 17 % des besoins du pays.

Elles n’ont pas non plus été construites pour des broutilles. Malgré l’implication du capital privé (étranger) et public (à travers Sonatrach et Sonelgaz notamment), les stations en activité ont coûté cher et continuent encore de coûter par les frais de maintenance et le règlement par l’État de la différence entre le coût de revient de l’eau et le tarif de sa vente au consommateur,  qui est subventionné.

Et il n’est pas rare qu’elles cessent de fonctionner à cause principalement des pannes et de l’indisponibilité de la pièce de rechange. C’était par exemple la raison avancée pour expliquer la grande panne qui a affecté la station de Fouka (Tipaza) l’année passée, privant d’eau plusieurs quartiers d’Alger le jour de l’Aïd. Le président de la République avait publiquement soupçonné une action délibérée et ordonné l’ouverture d’une enquête.

L’Algérie doit aussi faire face à cette réalité : il n’est pas facile, dans une conjoncture économique difficile, de continuer à assumer financièrement des projections faites dans des conditions différentes. Et cela vaut pour tous les secteurs qui ont connu une nette alimentation ces deux dernières décennies, comme l’alimentation en électricité.

Le pays a aussi investi dans la gestion en faisant appel au savoir-faire étranger. La gestion de l’eau dans les grandes villes (Alger et Tipaza, Oran, Annaba, Constantine) a été confiée à des entreprises française, espagnole et allemande, moyennant des sommes importantes (environ 400 millions d’euros tous les cinq ans pour Suez qui accompagne Seaal dans la gestion de l’eau à Alger et Tipaza).

Le premier contrat avec le groupe français a été signé en 2006 et comportait une clause de formation des cadres algériens. Sa reconduction à plusieurs reprises est la preuve que ce transfert de technologie escompté n’avait pas été fait.

Pour la gestion proprement dite, tant des partenaires étrangers que de l’Algérienne des eaux (ADE), il y a eu un mieux indéniable dans l’alimentation avec l’extension de la distribution en H24 à plusieurs villes du pays.

Quant à la résorption des fuites et du vol de l’eau, principale saignée du secteur en Algérie, on ne peut pas dire que le même effort a été fait. Et quand on a 40 % de l’eau produite qui se déversent dans la nature, le stress hydrique devient de facto une fatalité au moindre caprice de la météo.

À la vétusté des réseaux de distribution s’ajoute l’absence d’une politique de rationalisation de la consommation et de lutte contre le gaspillage de l’eau.

Les Algériens ne sont pas attentifs aux quantités de l’or bleu qu’ils consomment quotidiennement, se permettant le luxe d’arroser leurs jardins, et de laver leurs voitures avec de l’eau fortement subventionnée, donc à bas prix, mais rare et précieuse dans un pays semi-aride.

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