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Économie algérienne : le diagnostic implacable de Ferhat Ait Ali

Économie algérienne : le diagnostic implacable de Ferhat Ait Ali

Le pays va très mal et il a intérêt à entreprendre une refondation de son système économique basé aujourd’hui sur la seule redistribution de la rente au risque d’aller droit vers un crash.

C’est en substance l’analyse,  sans concessions et pessimiste certes mais fort pertinente, livrée par l’expert financier Ferhat Ait Ali qui a été invité, ce dimanche 16 décembre de la 1ere édition du Forum de Liberté qui vient de faire son comeback, en intervenant autour de la thématique « les cours du pétrole et la situation économique : quelles réformes ? ».

M. Ait Ali situe l’origine de la crise que connait actuellement l’Algérie dans les années 80 du fait d’avoir été sans cap économique.

« Ça ne veut pas dire que je suis d’accord avec ce qui s’est passé dans les années 70, mais il y avait un cap en matière économique, une stratégie de développement et une vision dirigiste, d’essence socialiste et de gauche et qui avait pour finalité l’industrialisation à marche forcée. Mais à partir des années 80, on a perdu le cap », déplore-t-il.

Pour lui il n’y a pas de liaison à faire entre la nécessité de réformer notre système économique et nos capacités financières du moment, qui ont diminué à cause de la chute des prix du pétrole. Sa conviction : il faut changer notre système de gouvernance économique quel que soit le prix du baril du fait de son « insoutenabilité ».  « Ce ne sont pas les moyens qu’il faut chercher pour maintenir le système mais c’est celui –ci qu’il faut ajuster,  quel que soit le prix du baril », soutient-il.

Et d’insister : « On ne peut pas lier l’avenir de l’Algérie aux aléas de la géopolitique qui permettent au pétrole de gagner quelques dollars sporadiquement ». À plus forte raison qu’on utilise cette rente pétrolière «  non pas pour produire mais pour plomber la production et soumettre la société à un modèle consumériste mais aussi à un modèle de passivité en lui refusant de s’autonomiser », remarque-t-il.

Question : qu’y a-t-il lieu de faire pour faire redémarrer la machine économique fort bien grippée par la faute de choix économiques calamiteux ?

La recette pour s’en sortir 

La recette est aux yeux de M. Ait Ali toute simple : débureaucratiser le système algérien et libérer les initiatives. « Ce n’est pas aux pouvoirs publics de lancer des politiques de productivité ou des politiques  d’industrialisation et encore moins d’investissements (…) On est dans une économie de marché qu’on ne peut pas faire avec une bureaucratie dirigiste. Nous ne pouvons pas financer des investissements à majorité, voire dans leur totalité, privés avec des banques publiques », explique-t-il.

Car,  dans un tel cas de figure, celui qui tient l’amont, c’est-à-dire le système financier en l’occurrence, va essayer immanquablement à avoir le dessus sur celui qui tient l’aval, c’est  à dire les détenteurs de capitaux, qui, à leur tour, feront en sorte de contourner cet état de fait. C’est cette dialectique qui a donné  naissance au phénomène de l’informel qui, aux yeux de M. Ait Ali, « n’est pas une délinquance qui est venue ex-nihilo se greffer sur un système vertueux ».

« Le système informel est une mutation génétique du système dit formel. Il y a un circuit fermé, les deux s’alimentent mutuellement », analyse-t-il. Et d’enchainer : « Si les gens thésaurisent leur argent et le font échapper au système dit formel, c’est parce qu’il y a une méfiance réciproque entre les deux entités. Dans l’état actuel des choses, l’informel est plus formel que le formel parce que c’est lui la société. Si les Algériens décident, par élan patriotique à mettre leur argent dans le circuit formel, est-ce qu’ils ont des garanties qu’il ne subira pas une dévaluation massive, qu’il financera autre chose que leurs intérêts ? ».

Libérer l’acte d’investir

Sa panacée pour en finir justement avec le phénomène de l’informel ?  Surtout ne pas lâcher « une meute d’inspecteurs pour les réprimer (les tenants de l’informel, ndlr) », conseille M.Ait Ali,  mais en luttant plutôt contre « un autre phénomène, à savoir l’informalité de la politique en général en Algérie, c’est-à-dire que les cercles de décisions économiques ne soient plus des cercles occultes qui opèrent selon  le fait du prince ».

Et de poursuivre : « Aucun investisseur ou financier au monde n’acceptera de traiter en catimini et dans le noir avec des cercles qui n’ont pas de visibilité publique. Il investit dans un pays non pas parce qu’il connait quelqu’un de puissant mais parce qu’il traite avec une entité qui a l’aval de sa société ».

M.Ait Ali plaide pour la libération de l’acte d’investir et laisser les Algériens, en mettant en place bien des règles qui s’imposeront à tout le monde,  lancer des projets. « Si nous voulons relancer l’économie je crois que les 43 millions d’Algériens sont capables de le faire. Ce n’est pas du populisme. La société est capable de s’organiser », soutient-il.

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