Économie

Économie algérienne : les taxes, simple levier de gestion du budget ?

L’événement de la semaine en Algérie c’est incontestablement la décision du président de la République de revenir sur certaines mesures « antisociales » contenues dans la Loi de finances 2022, entrée en vigueur le 1er janvier dernier.

Dimanche 13 février, Abdelmadjid Tebboune a instruit le gouvernement de geler les nouvelles taxes instituées sur certains produits alimentaires de base et les équipements informatiques et de téléphonie.

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Interrogé lors de sa rencontre cyclique avec la presse nationale, mardi, le chef de l’État a expliqué ce rétropédalage par la hausse vertigineuse des prix des matières premières sur les marchés internationaux.

Autrement dit, y ajouter des taxes supplémentaires, c’est les rendre encore plus inaccessibles à de larges franges de la population, a fortiori dans une conjoncture de désinvestissement et de forte inflation. Devant une telle situation, il n’y avait rien de mieux à faire.

La décision est sans doute aussi motivée par la hausse surprise des prix du pétrole qui frôlent désormais la barre symbolique et confortable des 100 dollars le baril.

La hausse de la fiscalité pétrolière qui en résultera permettra de compenser, largement et bien plus, le petit manque à gagner que le gel des taxes infligera au budget de l’Etat. La mécanique est finalement bien simple.

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Cet épisode a valu des critiques à l’Exécutif, allant du manque d’anticipation à la précipitation, certains y voyant même un désaveu cinglant pour le gouvernement et le Parlement et pour tous les experts qui ont défendu ces mesures en leur temps. Ce qui vient de se passer interroge surtout sur l’usage qui est fait de cet outil de gestion que sont les taxes, alors que la problématique de la hausse des prix reste entière.

Les taxes permettent certes de renflouer les caisses de l’État et d’équilibrer le budget, mais leur rôle est bien plus significatif. Il s’agit d’abord d’un instrument de mise en œuvre de stratégies et de politiques. On taxe fortement le tabac pour réduire sa consommation ainsi que les maladies qu’il cause, comme on met des charges supplémentaires sur les marchandises importées pour protéger le produit national. On applique (ou pas) une taxe pour atteindre un objectif économique ou social défini, à une échéance tout aussi déterminée.

En attendant les vraies réformes

Le gouvernement algérien a visiblement agi ces derniers mois par souci uniquement de préserver la bourse publique. Pas seulement parce que le gel des nouvelles taxes a coïncidé avec la hausse substantielle des revenus pétroliers, mais aussi à cause de l’inadéquation de certaines mesures avec les stratégies annoncées.

C’est le cas des restrictions sur l’importation et la commercialisation du matériel informatique et de téléphonie au moment où l’objectif, défendu par le président de la République lui-même, était de bâtir une économie de la connaissance portée par les start-up pour lesquelles un ministère entier est dédié.

Alors que les prix des téléphones et des ordinateurs sont trop élevés, y ajouter de nouvelles taxes revient à les rendre définitivement inaccessibles à une large majorité des Algériens.

Cela vaut aussi pour les fortes taxes sur les importations contenues dans le dispositif additionnel de sauvegarde (DAPS). Des taxes de 30 à 200% sont appliquées pour des marchandises non produites localement en quantités suffisantes.

Que dire alors des véhicules, dont l’importation est carrément suspendue, alors que l’Algérie ne compte aucune usine fonctionnelle de fabrication ou d’assemblage de voitures destinées au marché ? Au moins pour cette filière, l’argument de l’encouragement du produit national ne tient pas.

Le DAPS, le système des licences et des quotas et toutes les restrictions sur les importations ont été institués d’abord pour préserver les réserves de change dans un contexte de recul des revenus des hydrocarbures.

Avec donc les taxes qu’on décrète ou pas et la dévaluation de la monnaie, le gouvernement détient quelques leviers de gestion des finances publiques, et non de l’économie.

Celle-ci nécessite de profondes réformes qui attendent toujours, de l’investissement, du rôle de l’administration, du système bancaire, de la fiscalité. Dans une stratégie nationale globale et aux objectifs définis, la taxation pourrait trouver tout son sens et s’avérer d’une redoutable efficacité.

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