Candidat à sa propre succession à l’élection présidentielle de décembre prochain, le président égyptien Abdelfatah al-Sissi a entamé une campagne qui, pour le moins, sort de l’ordinaire.
Les propositions qu’il fait au peuple égyptien, qui fait face à de dures conditions socio-économiques, font rire et rager à la fois.
Sissi est au pouvoir depuis qu’il a renversé en 2013 le président Mohamed Morsi, dont il était le chef d’état-major de l’armée. En décembre prochain, il briguera un troisième mandat à la tête de l’Égypte.
L’annonce officielle de sa candidature a été faite lundi 2 octobre dans la nouvelle capitale administrative en construction près du Caire, au cours d’un événement grandiose de plusieurs jours, intitulé « Conte d’une nation ».
Al-Sissi s’est adressé au « grand peuple d’Égypte « , qu’il a sollicité pour lui accorder « le rêve » d’un troisième mandat, qui sera dans la « continuité » de l’œuvre qu’il a entamée depuis qu’il préside aux destinées du pays.
Le président sortant est assuré d’être élu, et c’est pourquoi peut-être il s’est distingué par un discours qui sort des sentiers battus des promesses électorales habituelles. Au contraire, Abdelfattah al-Sissi a tenu des propos qui ont choqué en Egypte et même à l’étranger.
Entre autres phrases insolites et énigmatiques qu’il a prononcées, celle où il affirme qu’il peut faire descendre les gens dans la rue et déstabiliser toute l’Égypte avec « deux milliards de livres égyptiennes, (65 millions de dollars) ».
Le président a expliqué qu’il pouvait pousser 100 000 égyptiens vivant dans des conditions difficiles à sortir dans la rue en leur donnant 20 livres chacun. Il a ensuite ironisé en portant ce montant à 1000 livres à cause de la cherté de la vie. Personne n’a saisi le véritable sens de ces propos.
Autre passage qui laisse pantois en Egypte, celui où le président fait à son peuple le choix entre la famine et le développement.
Sissi propose aux Égyptiens de choisir entre la misère et le développement
Entre autres griefs retenus contre al-Sissi, le gigantisme de ses projets alors que le pays et la population font face à de graves difficultés économiques.
Parmi ces projets se trouve justement celui de la construction d’une nouvelle capitale dans le désert à 50 kilomètres du Caire, pour un coût annoncé de 43 milliards d’euros. Al-Sissi rêve pour l’Égypte d’un destin comparable à celui des Émirats arabes unis et pour cela, son peuple doit accepter de souffrir, estime-il.
Devant l’assistance, il a cité l’exemple de la Chine qui a connu une famine ayant causé la mort de 25 millions de personnes au début des années 1960 mais qui a fini par se développer et devenir une grande puissance. « Si le prix à payer pour le développement de la nation est de ne pas manger et de ne pas boire, alors on ne mangera pas et on ne boira pas », a-t-il lancé.
Des propos qui ont déclenché une avalanche de réactions, dont la plus notable est celle de l’ancien vice-président éphémère Mohamed Al Baradei (juillet-août 2013). « Le but de tout développement c’est l’Homme. Si on sacrifie l’Homme, au diable le développement », a écrit sur le réseau social X l’ancien président de l’Agence internationale de l’énergie atomique (AIEA) et prix Nobel de la paix en 2005.
Ce n’est pas la première fois que les priorités de Sissi sont critiquées. En 2019, des manifestants ont éclaté en Egypte suite à des révélations d’un homme d’affaires égyptien exilé en Espagne, Mohamed Ali, sur des sommes faramineuses dépensées dans la construction de palais présidentiels et d’hôtels de luxe. Le président aurait même fait construire une tombe surdimensionnée pour sa défunte mère, selon le même homme d’affaires.
L’Égypte fait face à une crise économique aiguë marquée par une forte inflation et la chute de la livre égyptienne qui a perdu la moitié de sa valeur ces 18 derniers mois.
À l’une des franges les plus précaires de la population, les étudiants en l’occurrence, Abdelfatah al-Sissi a proposé une « solution » étrange qui ne passe pas sur les réseaux sociaux. Au cours de son intervention au même évènement, le président-candidat a suggéré très sérieusement aux étudiants de monnayer le don de leur sang dans les hôpitaux pour se faire de l’argent. Il leur a proposé de donner leur sang deux fois par semaine, ce qui est médicalement interdit.