Économie

« En dépit des difficultés et des incertitudes, pas une seule entreprise française n’a quitté l’Algérie »

Michel Bisac est président de la Chambre de commerce et d’industrie algéro-française (CCIAF). Après une année 2019 « difficile », Bisac, qui vient de rencontrer le nouveau ministre du Commerce, croit discerner beaucoup de « signaux encourageants » et se félicite du discours « très positif » des autorités algériennes. Entretien.

Vous dirigez une association qui compte près de 2000 adhérents parmi lesquels figurent 200 entreprises françaises et 400 entreprises qui représentent des marques ou des produits français en Algérie. Quel bilan faites-vous d’une année 2019 qui a été très compliquée pour beaucoup d’acteurs de l’économie algérienne ?

Michel Bisac : Pour les adhérents de la CCIAF aussi l’année 2019 a été difficile et marquée par un ralentissement sensible de l’activité. Déjà au niveau de notre Chambre de commerce elle-même, nous n’avons pas enregistré de nouveaux adhérents. Nous avons cependant poursuivi activement l’ensemble de nos activités aussi bien à Alger que dans nos cinq bureaux régionaux et le renouvellement des adhésions s’est effectué normalement.

En ce qui concerne nos adhérents, les principaux problèmes signalés au cours de l’année écoulée par les entreprises sont tout d’abord un allongement des délais de paiement, qui ont atteint en moyenne près de 8 mois, ce qui a impacté très négativement la situation de leur trésorerie. Elles mentionnent également, pour nombre d’entre elles, une baisse générale de la commande publique qui a été particulièrement ressentie par les entreprises du BTP.

Les modifications fréquentes de la réglementation, dans le domaine des importations notamment, ainsi que les incertitudes au niveau législatif ont été en outre des facteurs qui ont freiné aussi bien l’activité courante des entreprises que la programmation de leurs investissements.

À titre d’exemple dans ce dernier domaine, l’annonce de la révision prochaine de la règle relative au 51 /49 a conduit au report de nombreux projets d’investissements dans l’attente de sa promulgation et des précisions concernant son application.

Maintenant je voudrais aussi souligner qu’en dépit des difficultés et des incertitudes qui ont marqué l’année qui vient de s’achever pas une seule entreprise française n’a quitté l’Algérie et que les plus importants projets d’investissement n’ont pas été abandonnés même s’ils ont été quelquefois retardés.

Comment vos adhérents ont-ils accueilli l’annonce de l’abandon du 51/49 ?

D’une façon générale, il s’agit certainement d’une avancée positive dans la mesure où certaines entreprises, notamment les PME, ont souvent ressenti cette règle comme une contrainte et une obligation. Je dois cependant ajouter que la démarche de notre Chambre ne consiste pas à encourager les entreprises françaises à s’installer toutes seules et à 100% en Algérie. Nous leur conseillons, au contraire de trouver, chaque fois qu’elles le peuvent, par simple prudence entrepreneuriale, des partenaires algériens dans le but de les assister notamment grâce à leur connaissance du marché et du contexte administratif et réglementaire.

Des entreprises comme Renault et Peugeot font partie de vos adhérents. Comment ont-elles traversé les derniers événements concernant la filière automobile et où en sont leurs projets d’investissement ?

Il s’agit dans les deux cas que vous mentionnez de grandes entreprises qui ont des projets d’investissement très importants en Algérie. Renault Production Algérie a mis en place une vraie usine de montage automobile que nous connaissons bien et qui fait intervenir, déjà au stade actuel, de nombreux sous-traitants locaux. Elle n’a jamais interrompu ses activités en 2019 et la direction de l’entreprise vient de confirmer voici quelques semaines son intention de développer ses investissements en 2020.

De son côté, le projet d’usine de montage de Peugeot Algérie continue d’avancer normalement. Les dirigeants de l’entreprise sont très confiants et la nouvelle usine devrait entrer en production dans le courant de cette année.

Nous sommes persuadés pour notre part que des constructeurs importants comme Renault et Peugeot sont tout à fait capables de faire venir en Algérie des sous- traitants de taille mondiale qui permettront de réaliser les objectifs d’intégration de l’activité industrielle fixés par les autorités algériennes. Il s’agit cependant de grandes entreprises qui ont besoin pour s’engager d’une feuille de route claire et d’une stabilisation du cadre juridique et réglementaire qui a certainement fait défaut au cours des dernières années.

Comment se présente l’année 2020 pour les entreprises adhérentes de la CCIAF ?

La Chambre de Commerce et d’Industrie Algéro-Française a lancé, début décembre, un peu avant les dernières élections présidentielles, une enquête auprès de ses adhérents afin de mieux apprécier les évolutions des tendances commerciales ainsi que les perspectives en matière de recrutement, de développement et d’investissement.

La principale conclusion de cette enquête est que l’année 2020 devrait permettre un retour des investissements.

Une grande partie des entreprises a prévu d’engager des investissements qui seront financés majoritairement sur fonds propres tandis qu’environ un tiers d’entre elles prévoient de recourir à des crédits bancaires. La majorité des entreprises consultées prévoit également de procéder à des recrutements courant 2020.

Cette enquête, que nous prévoyons de renouveler régulièrement, a également mis en évidence l’ouverture des entreprises algériennes adhérentes de la Chambre aux partenaires étrangers et les besoins, en particulier, d’apports technologiques et de savoir-faire.

Vous avez rencontré, mardi dernier, le ministre du Commerce, M. Kamel Rezig. De quoi avez-vous parlé ? Quelles sont vos impressions sur les orientations économiques du nouveau gouvernement ?

Au cours de notre entretien, le ministre du commerce a surtout souligné l’importance de la coopération avec la CCIAF pour un partenariat algéro-français gagnant-gagnant et visant à drainer des investissements. Il a insisté sur les nouvelles opportunités ouvertes à la faveur de la ratification par l’Algérie de l’Accord de la Zone de libre-échange continentale africaine (ZLECAF) avec les avantages qu’offre cette zone en matière d’exportation.

M. Rezig a également beaucoup insisté sur la volonté du gouvernement algérien d’instaurer un nouveau climat des affaires en Algérie en levant les entraves qui impactaient par le passé les investissements directs et l’environnement des affaires en général. Le ministre compte en particulier beaucoup sur le recours aux technologies du numérique pour simplifier les procédures administratives.

Nous avons trouvé pour notre part ce discours très positif. Nous considérons qu’il y a aujourd’hui beaucoup de signes encourageants qui montrent que les autorités algériennes s’intéressent à l’investissement étranger et font preuve dans ce domaine de beaucoup d’ouverture dans le but de le faciliter.

C’est un message que nous avons l’intention de relayer largement au sein de notre réseau international. Nous allons communiquer en direction des entreprises françaises pour leur dire : « Venez en Algérie c’est le bon moment ».

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