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Entreprises publiques : le rapport accablant de la Cour des comptes

Entreprises publiques : le rapport accablant de la Cour des comptes

Dans son dernier rapport de 2022, la Cour des comptes pointe les difficultés des entreprises publiques avec des chiffres à l’appui relatant des montants faramineux dépensés pour les maintenir en vie pour de maigres résultats.

À la date du contrôle mené par la Cour des comptes, les états financiers des groupes et des EPE non affiliés de l’exercice 2019 sont significatifs de l’état du secteur public marchand (SPM) maintenu sous perfusion par le Trésor public.

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En Algérie, le secteur public marchand continue d’afficher les mêmes symptômes : une très faible rentabilité, une valeur ajoutée quasi-nulle, des charges de personnel faramineuses, une très faible rémunération des capitaux investis et un lourd surendettement.

« Le secteur public marchand présente, à l’exception d’un nombre très réduit de groupes à savoir Sonatrach, Saïda, Gica (ciment) Cosider (BTP), Serport (Transport) et Madar (agro-industrie), de faibles performances économiques et financières en dépit du soutien financier conséquent de l’Etat », note le rapport de la Cour des comptes publié jeudi 24 novembre.

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«Les assainissements financiers, à titre d’annulation des créances du Trésor, de rachat des dettes et de gel du découvert, se sont élevés, à titre d’exemple, pour la période allant de 2003 au premier trimestre 2019, à 1.903 milliards de dinars de DA, alors que les plans de modernisation et de développement des groupes publics, financés par des crédits bancaires à un taux bonifié, ont atteint au 31 mars 2020 un montant global de 1.397 milliards de DA», souligne le rapport de la Cour des comptes.

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«Sur le plan de la rentabilité, en 2017 et 2018, la rentabilité financière moyenne globale du secteur public marchand, sans Sonatrach et sans les 6 entreprises précitées, est très basse comparativement au taux des placements en vigueur à la même période sur le marché qui est supérieur à 6%.  Durant cette période, 14 sur les 44 groupes (soit presque 32%) ont enregistré des rentabilités financières et commerciales négatives parmi eux l’important groupe Sonelgaz et 15 autres groupes (soit 34%) ont enregistré, en 2018, un taux de rentabilité financière inférieur à la moyenne globale», détaille le rapport.

Au titre de l’exercice 2018, la valeur ajoutée des groupes publics et EPE autonomes s’est élevée à « 5.243 milliards de DA dont 3.894 milliards de DA de Sonatrach et 485 milliards de DA des banques et assurances publiques. » La valeur ajoutée du secteur public marchand a contribué à hauteur de « 25,88% à la formation du produit intérieur brut (PIB) dont le montant est de 20 259 milliards de DA. Toutefois, hors secteur de l’énergie (Sonatrach et Sonelgaz), la contribution dans le PIB est de 5,51% dont 2,39 au titre des banques et assurances publiques, ramenant la part de la valeur ajoutée dans le PIB des entreprises hors secteur énergie à 3,13%», fait ressortir le rapport de la Cour des comptes.

Des charges de personnels faramineuses

L’une des principales problématiques des entreprises publiques sont les charges de personnels qui constituent la dépense d’exploitation la plus importante dans le secteur public qui «a employé, en 2017 et 2018, respectivement un effectif de 597 655 et 607 9064 pour un montant de 706 milliards de DA et 754 milliards de DA (sans les banques et les assurances et les EPE des EPIC et EPST)».

«Les entreprises publiques ont absorbé, durant ces deux exercices, en moyenne respectivement 50 et 52% de la valeur ajoutée de l’ensemble des groupes sans le secteur de l’énergie. Pour certains groupes tels que la SNVI, GRCN, Gatma, Imetal et ACS, ce taux a même dépassé les seuils de 86% en 2017 et 100% en 2018», fait savoir la Cour des comptes.

En revanche, pour d’autres groupes publics, les charges de personnel sont  « maîtrisables », selon le rapport qui ajoute que le ratio charges de personnel / valeur ajoutée a représenté, en 2018, à titre d’exemple, pour Sonatrach (8,25%), pour le holding Madar (21,13%), pour Gica (31,38%) et pour GTA (33,65%).

Autre indicateur: «Les dividendes liés à la gestion des portefeuilles au titre de l’année 2018 affectées au Trésor public sont de plus de 250 milliards de DA, dont plus de 194 milliards recouvrés durant les années 2019 et 2020, soit un taux de rémunération global de 2,06%. Toutefois, sur les 250 milliards, 150 Mrds proviennent de Sonatrach et 81,8 milliards de DA des banques et compagnies d’assurance. Les capitaux propres investis dans les groupes et EPE hors Sonatrach et hors banques et assurances, s’élevant à 3 168 milliards de DA, n’ont procuré donc, en 2018, à l’Etat que 18 milliards de DA, soit un taux de rémunération de 0,57%», poursuit le rapport.

«Le cumul des dividendes recouvrés par le Trésor public depuis 2007 jusqu’au 30 septembre 2020, soit 14 ans, est de 1.665 milliards de DA, dont 1.020 milliards de DA ont été versés par Sonatrach (soit 61,28%) et 645 milliards de DA par les autres EPE (soit 38,72%). La moyenne annuelle versée au Trésor est, donc, de 118 milliards de DA ce qui est inférieur aux dividendes affectés à ce dernier en 2018», ajoute le rapport de la Cour des comptes.

Des entreprises plombées par le surendettement

Les entreprises publiques algériennes sont plombées par le surendettement à l’exception des groupes Gica, Serport, Cosider et du holding Madar qui dégagent des flux de trésorerie appréciables.

«Les actifs en valeurs nettes du secteur public marchand (hors banques et assurances) qui s’élèvent au 31 décembre 2018 à 22 378 milliards de DA sont financés à hauteur de près de 52% par les dettes, soit 11 578 milliards de DA (dont 8 369 milliards de DA des dettes relèvent des 2 groupes Sonatrach et Sonelgaz soit plus de 72% du total des dettes du SPM). Toutefois, pour un nombre important de groupes et d’EPE non affiliées (18 groupes du Trésor et des banques publiques. Pour les groupes SNVI, Imetal, Transtev, Enpi, GRCN, ce taux a franchi 90%», est-il écrit dans le rapport.

Ce rapport apporte d’autres informations : Le groupe Sonatrach, dont le chiffre d’affaires, la valeur ajoutée et le résultat net ont représenté, en 2018, « respectivement 77%, 82% et 84% du total des données du secteur public marchand, a enregistré, en 2019, pour les mêmes indicateurs des baisses importantes, estimées respectivement, à (- 11,85), (-13,28) et (- 18,38%). »

  Au 31 décembre 2019, l’activité de 12 groupes et de leurs filiales du ministère de l’industrie et des mines (y compris les groupes les plus importants et performants comme Saïdal et Cosider ont connu une baisse importante de leur chiffre d’affaires global (-8%), de leur valeur ajoutée totale (-7%) et de leur excédent brut d’exploitation (EBE) total (-34%)», selon le rapport.

Nouvelle réforme en vue du secteur marchand de l’Etat

La Cour des comptes partage le même constat que l’exécutif qui compte réformer l’actuel dispositif en projetant de remplacer le conseil des participations de l’État (CPE) par une nouvelle instance qui gouvernera les 33 groupes et 11 entreprises publiques économiques (EPE) qui constituent le secteur public marchand.

Dans son argumentaire détaillé, la Cour des comptes met une nouvelle fois en lumière «les faiblesses du dispositif actuel liées à l’exercice des missions du CPE, à la coordination et la circulation de l’information économique et financière entre les organes, à la consolidation intégrale des données économiques et financières sur le secteur public marchand et au suivi des fonds publics investis par l’Etat».

La Cour des comptes déplore le fait que le CPE ait été réduit au «simple traitement technique des dossiers qui touchent, parfois, à des volets qui relèvent des prérogatives des organes de gestion et d’administration des groupes et des EPE, en se détachant de son rôle stratégique essentiel».

«Les ministères sectoriels compétents assurent, normalement, une mission de supervision sur les EPE et non pas de tutelle administrative. Toutefois, seuls 7 ministères disposent d’une structure chargée du suivi des participations de l’Etat», fait remarquer cette juridiction supérieure de contrôle.

Une autonomie non clarifiée

La Cour des comptes déplore le fait que l’autonomie des entreprises publiques (EPE) consacrée par tous les dispositifs qui se sont succédés et l’instruction du Premier ministre en 2009, est « difficile à assurer en l’absence d’une clarification de la nature des relations entre les ministères sectoriels concernés et les EPE et d’une définition des règles qui les entourent  à même de préciser la notion d’autonomie et trouver un équilibre entre celle-ci et la supervision par les ministères».

Une autre remarque concerne la résolution du CPE datant de 2014 qui stipule que les cadres dirigeants principaux des groupes sont soumis à un contrat de performance suivant lequel le Conseil d’Administration fixe les objectifs à réaliser, et sur la base du degré de leur atteinte la partie variable de leur rémunération sera versée.

«Cependant, les projets de la charte de gouvernance ainsi que du contrat de performance des PDG de groupe ont été élaborés et soumis au ministère de l’industrie mais n’ont pas été, à la date de l’intervention de la Cour des comptes en décembre 2020, validés et diffusés pour application par les EPE», prend acte la Cour des comptes. Cette institution souligne également «l’absence d’un cadre comptable uniforme et approprié au niveau du ministère des finances relatif aux capitaux marchands de l’État.»

Nouvelle gouvernance

Parmi les recommandations formulées par la Cour des comptes, figure la nécessité de mettre en place une nouvelle instance nationale de gestion des participations de l’Etat (en remplacement du CPE), à l’effet «d’exercer la qualité d’actionnaire pour le compte de l’Etat, pour mener toutes études prospectives en vue de favoriser la performance des EPE et l’autonomie de leur croissance».

Le nouvel organe dirigeant devra aussi «examiner les stratégies et les plans de développement et de financement des EPE en collaboration avec les ministères sectoriels et définir clairement les relations entre les ministères sectoriels et les groupes industriels et les EPE non affiliées de manière à assurer une autonomie de décision opérationnelle pour les dirigeants des groupes et des EPE».

Le nouvel organe de gouvernance aura aussi la tâche de «promouvoir une politique de partenariat avec le secteur privé national et étranger, permettant à l’Etat de se consacrer aux EPE stratégiques».

En réponse à ces recommandations, le ministre de l’Industrie a  souligné qu’il a engagé une action dont l’étude est en cours d’examen, ayant pour objet la proposition de «la création d’une nouvelle structure devant gérer les participations de l’Etat, et ce, conformément aux instructions de monsieur le Premier ministre et des recommandations de la Conférence nationale sur la relance de l’Industrie, tenue il y a une année».

 «Cette nouvelle entité définira clairement les relations entre l’Etat et ses démembrements avec les groupes industriels et les EPE non affiliés, et devra privilégier la transparence, notamment à l’égard des ministères concernés ainsi qu’au Premier ministère, à travers la diffusion des informations fiables et exhaustives sur le secteur d’une manière régulière».

Une direction pour accélérer les privatisations

Le ministère de l’Industrie prévoit de mettre en place «une direction dédiée aux partenariats avec le secteur privé national et étranger et une direction du redéploiement chargée de la préparation, en relation avec les parties concernées, des programmes d’ouverture du capital et de privatisation des entreprises publiques économiques relevant du secteur de l’industrie».

Cette instance aura aussi la mission de proposer des mesures pour améliorer le dispositif législatif et réglementaire relatif à la privatisation et à l’ouverture du capital des entreprises publiques économiques industrielles. Le ministère de l’industrie salue la réflexion portant nécessité de définir les secteurs stratégiques pour lesquels l’Etat devra assurer le suivi des EPE.

Enfin, ce département suggère «la mise en place d’un référentiel permettant la classification des entreprises publiques économiques selon, notamment, l’importance stratégique, le secteur et la spécificité de l’activité, la taille de l’entreprise, nombre de travailleurs, localisation géographique ainsi que la situation économique et financière de l’entreprise».

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