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Entretien avec Abdelmadjid Menasra : « Les Algériens iront voter si… »

Entretien avec Abdelmadjid Menasra : « Les Algériens iront voter si… »

Abdelmadjid Menasra (Crédits : PPAgency)

Peut-on connaitre la feuille de route du MSP pour une sortie de la crise politique ?

Le mouvement a son porte-parole officiel. Son bureau national exprime ses positions et ses initiatives. Quant à ce que j’expose, il n’engage que moi. Le mouvement a présenté sa vision de sortie de crise à plusieurs reprises, en son nom ou parfois au nom des forces du changement ou au nom de la conférence d’Ain Benian. Elle s’articule essentiellement autour d’une solution politique constitutionnelle combinant légalité et réformes, répondant aux exigences du mouvement populaire et conduisant à une élection présidentielle transparente organisée par une commission indépendante dont la composition et les prérogatives doivent faire l’objet d’un consensus. Une élection à travers laquelle le peuple va réaliser sa volonté en faveur du changement.

Le MSP est resté silencieux quant aux atteintes aux libertés et particulièrement le musellement des médias. Pourquoi ?

Le MSP a toujours privilégié la liberté médiatique et a souvent exigé la libération de la scène médiatique, préalable à toute réforme politique démocratique. Dans le feu du mouvement populaire, deux éléments ont été ajoutés à la feuille de route de sortie de crise : l’élargissement de la liberté des médias et la levée des pressions sur eux ainsi que la levée des restrictions sur l’agrément de nouveaux partis et associations. Le mouvement se considère lui-même victime de tout harcèlement médiatique, car sa vision des réformes s’appuie sur un partenariat avec des médias libres, objectifs et efficaces.

Pensez-vous que les conditions sont réunies pour une élection présidentielle ?

Les élections du 4 juillet ont été annulées faute de la réunion des conditions nécessaires à leur déroulement. Ces dernières devaient être remplies immédiatement et rapidement après cette annulation pour organiser un scrutin réussi et qui marquerait le début de la solution à la crise. Ces conditions sont : un nouveau cadre organisationnel pour la tenue des élections dont la mise en place d’une Commission nationale indépendante pour l’organisation et la supervision des élections en lieu et place de l’administration et le pouvoir judiciaire comme c’était le cas jusqu’ici ; un nouveau cadre juridique permettant l’introduction d’amendements réformateurs qui constitueront des garanties pour la transparence du scrutin ; un nouveau cadre politique pouvant organiser un dialogue inclusif permettant de créer un consensus sur une feuille de route pour rétablir la légitimité constitutionnelle. Nous avons perdu beaucoup de temps et le travail de la commission de dialogue et de médiation est handicapé faute de fixation de délais. La commission opère lentement et s’éloigne souvent du sujet qui est les garanties pour un scrutin libre. Le dernier discours du chef d’état-major à Oran est venu la recadrer et lui corriger son plan d’action en l’appelant à aller vite et à se concentrer sur la question de la Commission indépendante sur l’organisation des élections pour retourner rapidement aux élections présidentielles.

Les Algériens sont-ils prêts à aller voter ?

Le peuple algérien, dans ses divers segments et tendances, sorti depuis le 22 février, a exprimé des revendications politiques dont le rejet d’organiser des élections présidentielles sous un cinquième mandat et toutes les solutions artificielles prolongeant le quatrième mandat. Il a insisté sur le changement qui interviendra par le biais d’élections présidentielles libres dans lesquelles sera respecté son choix souverain. Par conséquent, si les conditions que j’ai mentionnées sont réunies et la liberté de choix lui est garantie, il participera en masse aux élections qui doivent avoir lieu dans les plus brefs délais. Le peuple est mécontent de toute tentative qui ne respecte pas sa volonté, d’où la revendication répétée de l’application des articles 7 et 8 de la Constitution. Nous n’accepterons plus de perte de temps supplémentaire, car cela prolongera la durée de la crise, la compliquera davantage et prolongera la durée de vie des institutions existantes, faibles et illégales, que la population a constamment et clairement rejetées. La poursuite des divergences entres les politiciens ainsi que l’absence de consensus vont servir les institutions existantes, sans leur porter préjudice, alors que leur durée de vie devrait être écourtée.

Vous plaidez pour les élections, mais d’autres partis appellent à une constituante…

J’ai toujours rejeté la proposition de l’élection d’une Assemblée constituante du fait que l’État algérien indépendant est pérenne et que les régimes et les responsables passent. Nous ne pouvons pas revenir à la case de départ. Ensuite, le cadre constitutionnel, malgré ses faiblesses, est plus sûr, moins coûteux et plus acceptable que toute autre solution qui nous fera sortir de la Constitution et nous égarera dans des polémiques et conflits préjudiciables à l’unité du tissu social et à celle du mouvement. Nous avons dit que les élections présidentielles transparentes sont un début de la solution et non pas la solution. Car la seconde étape doit être la réforme de la Constitution en vertu d’un consensus politique national, fruit d’un dialogue inclusif, responsable et transparent pour aboutir à une nouvelle loi fondamentale dans laquelle toutes les composantes des Algériens qu’elles soient politiques, culturelles, régionales et sociales s’y retrouveront . Mais malgré ça, je traite avec ceux qui prônent la proposition de l’Assemblée constituante. Je n’approuve pas l’idée, mais sans la criminaliser, ni la diaboliser, ni accuser ses auteurs de trahison. L’important est d’aboutir à un consensus. Ils sont appelés à respecter l’avis dominant par pragmatisme politique. Sinon, le mouvement perdra de sa vigueur, de son influence et gâchera les acquis qui ne profiteront qu’à la tyrannie et à la corruption.

Le parti de Jil Jadid a lancé une initiative pour le jumelage entre les deux options, la constituante et l’élection. qu’en pensez-vous ?

Ce que nous avons suggéré et mentionné dans la réponse à la question précédente permet de rapprocher les deux points de vue. Nous ne l’ignorions pas. Je pense que les partisans de l’alternative démocratique doivent savoir que les choses se déroulent pas à pas et que ma confiance dans leur flexibilité politique est à même de sortir de l’enfermement dans une proposition politique dont les conditions pour y parvenir ne sont pas réunies. Toute solution demeurera tronquée si tous les Algériens ne s’unissent pas autour d’un projet politique national unique qui s’appuie sur les luttes politiques antérieures et investit dans les acquis du mouvement populaire et ouvre des espoirs dans les perspectives futures et empêche un retour en arrière et ne tolérera pas la renaissance d’une nouvelle tyrannie, la corruption et une nouvelle bande.

Le Panel de médiation a entamé ses pourparlers. Que pensez-vous de sa composante et des missions qui lui sont dévolues ?

Le panel de médiation et de dialogue, de par la manière dont il a été constitué et de sa composante, indépendamment des noms qui y figurent que je respecte au demeurant, n’est pas à la hauteur des aspirations du mouvement populaire. Son plan de travail a compliqué les choses après l’élargissement de sa structuration, la multiplication des commissions, la dispersion des sujets de dialogue et la longue liste des parties sollicitées au dialogue. Ajoutés à la division de la classe politique et les effets du mouvement populaire dans son traitement avec cette instance, cela donnera lieu à un résultat dont les solutions sont partielles, qui ne feront pas le consensus politique souhaité et ne satisferont pas la population. Elle n’a pas boycotté complètement l’instance pour pousser en faveur d’une autre alternative plus acceptable et efficace, et n’a pas accepté de s’asseoir autour de la table de dialogue pour rectifier le processus pour hâter une solution de sortie de crise quelles que soient les remarques concernant le panel, sa composante et son travail. J’appelle en cette occasion à une position unie et à éviter les positions paralysantes et clivantes car elles affaiblissent la classe politique et nous éloignent des issues. Qu’a-t-on fait de la plate-forme d’Ain Benian et la conférence de la société civile ? Je pense que tout le monde a participé à cette dernière. Pourquoi nous nous réunissons, nous nous accordions et ensuite agissons politiquement avec des positions unilatérales et non coordonnées ?

Le Hirak va-t-il revenir en force avec la rentrée sociale ?

Je pense que le mouvement reprendra son cours plus efficacement à partir de septembre et que la rentrée sociale aura un effet sur lui. Ensuite, les résultats mitigés dans la réponse du pouvoir aux revendications du mouvement ainsi que les résultats limités du panel vont obliger les Algériens à chercher un moyen sûr pour sortir de cette situation d’impasse qui dure depuis six mois. Bien que cela ne soit pas sain, ni dans notre intérêt de prolonger ce stade de fluctuation, nous ne sommes pas à l’abri des crises, de l’anarchie, de l’ingérence étrangère et de l’instabilité.

Quelles sont les incidences de la crise politique sur l’économie nationale ?

À l’ombre d’un gouvernement rejeté par le peuple, faible, sans programme, sans vision et sans audace, une transition de l’ère de Bouteflika à un système démocratique bloquée, une incertitude redoutable concernant l’avenir, un secteur financier et commercial affecté conjugués à la crise dans la manière de lutter contre la corruption et en l’absence d’un programme socio-économique en phase avec le mouvement populaire… Tout cela nous mènera à une période difficile économiquement et socialement. Aujourd’hui, le peuple n’acceptera aucune concession, ni aucune perte supplémentaire d’opportunités, de dilapidation des richesses ou de remise en cause de ses acquis. C’est pourquoi, je voudrais avertir de ces risques et appeler à l’accélération de l’organisation d’une élection présidentielle transparente sous la supervision d’une commission indépendante pour entrer dans la phase de construction, de travail, de réforme, de liberté et de développement au profit de l’Algérie seulement …

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