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Face à la révolte pacifique des Algériens, le pouvoir en quête de stratégie

Face à la révolte pacifique des Algériens, le pouvoir en quête de stratégie

Depuis maintenant trois semaines, les Algériens manifestent presque quotidiennement dans les rues pour exiger le départ de l’équipe dirigeante actuelle, à sa tête le président Bouteflika. Chaque vendredi, des millions d’Algériens sortent partout dans le pays. Les manifestations présentent un caractère inédit en Algérie : elles mobilisent toutes les franges de la population et elles sont menées d’une manière pacifique qui suscite l’admiration à travers le monde.

Face à cette contestation qui prend chaque jour de l’ampleur, le pouvoir semble comme assommé, incapable de trouver le bon ton et la bonne méthode pour répondre aux manifestations. Le pouvoir sait gérer des manifestations violentes mais il n’a pas le mode d’emploi pour un mouvement pacifique. Ses relais ont tenté de discréditer les manifestations en évoquant la Syrie, les manipulations étrangères, mais à l’ère des réseaux sociaux, ces arguments ont été transformés en slogans (« L’Algérie n’est pas la Syrie, M. Ouyhia ») ou en sujet de plaisanteries et de blague.

« Nous n’étions préparés à cela », confie un ancien dirigeant de la direction de campagne de Bouteflika. Même si les services de renseignements avaient détecté depuis plusieurs mois un rejet du cinquième mandat, personne, au sein du pouvoir, n’avait prédit un tel déroulement. Les plus pessimistes évoquaient une explosion de violence que le pouvoir allait mater rapidement. D’autres ont parié sur un mécontentement limité dans le temps, voire des mouvements sporadiques comme en 2014.

« Pour la première fois, nous allons avoir une campagne électorale en deux étapes. La première consiste à faire accepter la candidature de Bouteflika et elle va durer jusqu’au 3 mars (date limite des dépôts de candidatures, NDLR). Ensuite, on entrera dans une phase de campagne électorale, avec des débats sur les programmes », expliquait en février un dirigeant de la direction de campagne de Bouteflika. C’était avant la marche du vendredi 22 février. Depuis, beaucoup de choses ont évolué.

Désormais, la contestation s’inscrit dans la durée, avec une donne importante : la population semble déterminée à arracher ce qu’elle veut, à savoir une véritable transition démocratique, sans le président Bouteflika. Les « concessions » annoncées par le pouvoir sont toutes systématiquement rejetées. Les manifestants ne veulent pas faire semblant de croire les promesses du pouvoir car ils ont bien compris : derrière le renoncement au cinquième mandat, il y a le maintien du président pour une période illimitée dans le temps. Une période durant laquelle une fausse transition sera mise en place et gérée par le pouvoir lui-même pour se donner un nouvel souffle et se maintenir encore pour 20 ans supplémentaires.

Face à cette détermination, le pouvoir a tenté cette semaine une contre-offensive. Après la lettre de Bouteflika annonçant le report de l’élection, il a sorti ce qui semble être son atout : deux diplomates qui jouissent d’un certain prestige à l’étranger pour avoir mené des missions pour l’ONU. Ramtane Lamamra a été nommé vice-premier ministre et Lakhdar Brahimi est pressenti pour diriger la Conférence nationale de transition. Dans le même temps, Noureddine Bedoui, ministre de l’Intérieur, a été promu Premier ministre.

« Deux diplomates et un ancien premier flic pour parler aux Algériens. Ils nous traitent comme des étrangers », commentent des internautes sur les réseaux sociaux. Les sorties médiatiques du trio Bedoui, Lamamra et Brahimi ont fait un flop. Hier, jeudi, la conférence de presse du nouveau Premier ministre a été un échec total. Les trois hommes choisis pour vendre la transition n’ont aucune expérience politique.

Dans ce contexte, une question se pose : où sont passés les soutiens politiques du président Bouteflika ? Ahmed Ouyahia a été sacrifié et les dirigeants de la fameuse Alliance présidentielle semblent avoir été priés de ne plus s’exprimer publiquement. Leur impopularité dans l’opinion est telle que la moindre déclaration de leur part est susceptible d’envenimer la situation. C’est l’un des aspects du bilan de 20 ans de Bouteflika : avoir réussi à affaiblir durablement ses propres soutiens politiques.

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