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Flambée du Covid en Algérie : un spécialiste explique les raisons

Flambée du Covid en Algérie : un spécialiste explique les raisons

Le Professeur Yacine Kheloui est chef de service pneumo-phtisiologie à l’établissement Public Hospitalier (EPH) de Blida. Dans cet entretien, il confirme la reprise de l’épidémie du Covid-19 en Algérie, et explique les raisons.

Vous confirmez la reprise de la courbe des contaminations au Covid-19 à Blida ?

Absolument. Il y effectivement une reprise. D’abord avec la chute des températures qui favorise la dissémination du virus. Mais il y a aussi le relâchement par la population en matière des mesures barrières. Et cela était prévisible. On ne peut pas mettre un policier derrière chaque citoyen. Il y a en revanche certains citoyens qui sont plus moins disciplinés. On observe dans cette recrudescence, des formes PCR positives qui ne sont pas malades, mais aussi des PCR positives qui tombent malades, et ceux-là on les prend en charge correctement. Le secteur de la santé dispose déjà d’un protocole qui est prêt et est destiné aux différentes formes. Les formes légères sont prises en charge en extérieur de l’hôpital, et les malades qui nécessitent une hospitalisation sont admis.

On avait cru que nous avions gagné la bataille contre la Covid…

C’est absolument faux. Le caractère saisonnier de la maladie a fait qu’il y a une recrudescence qui est due à la baisse des températures, ce qui est normal, mais aussi il y a un facteur de relâchement qui fait que les gens se contaminent, et ce sont les plus faibles malheureusement qui arrivent à l’hôpital.

Pensez-vous qu’il faille aujourd’hui changer de stratégie en matière de vulgarisation sur les gestes barrières ?

 Absolument. Il faut garder la prévention primaire. Par contre, je pense qu’il faudrait mettre les moyens matériels et humains pour affronter la bataille contre ce virus et cibler les personnes à prendre en charge. Ce sont généralement les personnes à risques et les sujets âgés de + de 65 ans comme le montrent si bien les statistiques, et qui présentent des formes sévères. Donc si on change de stratégie et en ciblant cette catégorie de maladie au niveau des établissements hospitaliers, je pense qu’on avancera jusqu’aux mois de février et mars où le climat aura changé, mais aussi on aura une immunité de groupe qui sera assez large pour pouvoir entamer la descente définitive de la courbe. Je pense qu’à partir de mars prochain, on assistera à la disparition complète de cette épidémie.

Ne faut-il pas faire preuve de plus de rigueur pour faire respecter les gestes barrières ?      

Les recommandations (du Conseil scientifique) et les conseils qui sont diffusés ne sont pas tout à fait respectés par la population, il y a plus de 40 millions d’Algériens et on ne peut pas mettre un policier derrière chaque Algérien. Il faudrait continuer quand même à insister sur le respect des mesures barrières. Mais je pense que (cette démarche) a montré ses limites, cela ne suffit plus, il faudrait passer à un autre type d’action. Il faut cibler une population-cible pour qui il faut préparer le terrain pour les accueillir, notamment les personnes âgées.  Quant aux jeunes, ils vont affronter le virus de façon immunitaire. Et d’ici mars prochain, on verra si, avec l’immunité de groupe en plus du réchauffement des températures, on va connaître une atténuation de l’épidémie.

Pourquoi ne procède-t-on pas à un dépistage massif, sachant qu’il y a des jeunes sujets asymptomatiques qui contaminent leur entourage en particulier les personnes âgées ?

L’idée est effectivement de faire des dépistages de masse, mais cette opération nécessite des moyens et des équipes. Il y a maintenant de nombreux laboratoires sur le territoire national qui sont en train de réaliser les tests PCR. On aimerait bien arriver à cette situation (dépistage massif) mais il faut voir aussi dans les dépistages de masse et les tests PCR les controverses concernant la négativité ou la positivité des PCR, les conditions de prélèvement, etc. Il y a de forts pourcentages de faux positifs et de faux négatifs. Mais n’entrons pas dans ces détails. Ce qui est certain, ce sont les personnes âgées qui ont le plus besoin de soins. Le reste en général ce sont des malades qui vont finir par s’immuniser et ne posent pas de problèmes.

Avec la réouverture de tous les secteurs socioculturels, économiques et éducatifs et universitaires, on s’attend à une circulation du virus qui soit ascendante. En plus du refroidissement, il y aussi la reprise massive des activités, notamment scolaires et universitaires. Ce sont des jeunes qui ne sont le plus souvent pas malades mais qui vont transmettre la maladie. D’où l’importance de revenir aux mesures primaires notamment la distanciation physique, au restaurant universitaire, à l’intérieur des campus, etc.  Choses qui ne sont pas du tout évidentes.  C’est pourquoi, j’insiste encore, il faut cibler les personnes à prendre en charge au niveau des structures hospitalières. Je dirais aussi que l’expérience et la protocolisation du traitement anti-Covid est tel qu’il n’y a pas de difficultés comme auparavant et où on tâtonnait un peu en matière de prise en charge. Actuellement, je pense qu’on peut réserver notre action sanitaire à cette frange de la population.

Un message à adresser à la population ?      

 Il faut qu’elle garde toujours les mesures barrières nécessaires afin de réduire au maximum la circulation du virus. Il faut aussi être à l’écoute des professionnels de la santé et des recommandations du comité scientifique et les appliquer. On souhaite aussi que l’État accompagne les professionnels de la santé dans leur lutte anti-Covid.

 

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