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Fraises marocaines : alerte sur des risques sanitaires en Europe

Fraises marocaines : alerte sur des risques sanitaires en Europe

Coup dur pour la filière agricole marocaine qui ambitionne de rafler à l’Espagne le rôle de potager de l’Europe. Après l’interception et la destruction de produits marocains en février sur les autoroutes d’Espagne et du Sud de la France, deux alertes sanitaires européennes, à un mois d’intervalle, alertent sur les risques liés à la consommation de fraises en provenance du Maroc.

Début mars, le système d’alerte européen RASFF (Rapid Alert System for Feed and Food) a émis un avis concernant la « présence de l’hépatite A dans des fraises en provenance du Maroc », suite à des analyses réalisées en Espagne. L’Association espagnole des agriculteurs de Valence AVA-ASAJA a immédiatement demandé de prendre des « mesures urgentes » au gouvernement espagnol et à l’Union européenne (UE).

Fraises marocaines : « Possible irrigation avec des eaux fécales »

Selon cette association, cette situation « représente un danger pour la santé publique et peut être apparue dans les aliments à la suite de l’irrigation des exploitations agricoles avec des eaux fécales ».

Il y a quelques années, une équipe de la télévision française France 3 avait enquêté sur « les coulisses » de la production des fraises au Maroc. Les témoignages recueillis dans la région de Larache étaient accablants : usage de pesticides, fraises trempées dans le chlore, main d’œuvre essentiellement composée d’adolescentes payées l’équivalent de 6 euros la journée.

L’un des plus gros producteurs marocains de fraises indiquait produire annuellement 150.000 tonnes de fraises sur une centaine d’hectares pour un chiffre d’affaires de 1,5 million d’euros.

À nouveau, le 18 avril, le système d’alerte RASFF a lancé une alerte relative à la présence du virus « Norovirus » sur un lot de fraises venu du Maroc, qualifiant le risque encouru par les consommateurs de « grave ».

Contre-offensive des producteurs marocains de fraises

Face à ces alertes répétées, l’Association Marocaine des Producteurs des Fruits Rouges mène une contre-offensive.

Dans la presse du royaume de Mohammed VI, son président, Amine Bennani assure que « L’industrie de la fraise marocaine est victime d’une campagne de diffamation espagnole ». Les filières espagnole et française font face aux fraises du Maroc qui arrivent en Europe à des prix concurrentiels.

Déjà fin mars 2016, alors que le prix des fraises françaises Gariguettes était à 16 euros le kilo, celui des fraises en provenance du Maroc était à 4,50 le kilo. Depuis, la hausse du coût de l’énergie et de la main d’œuvre ont d’autant plus fragilisé la filière européenne de ce fruit.

Selon Amine Bennani, grâce au système de traçabilité, les autorités sanitaires du Maroc (ONSSA) ont pu identifier : « Le producteur concerné, ainsi que la station de conditionnement ».

Il indique qu’immédiatement, il a été procédé à de nouvelles analyses : « Le producteur et la station de conditionnement ont subi un contrôle approfondi, couvrant toutes les étapes de la manipulation des fruits, des plants à l’irrigation, aux serres, aux intrants, jusqu’à la station de conditionnement. Tous les échantillons étaient négatifs, et ni l’hépatite A ni le Norovirus n’ont été détectés. »

Ces analyses ont été étendues à d’autres exploitations et il est apparu qu’elles étaient négatives. Suite à quoi, Amine Bennani avance : « Cela peut être un incident accidentel et isolé, probablement une contamination par un travailleur malade pendant le transport. Mais cela n’est en aucun cas une contamination généralisée, même pas au niveau d’une seule ferme ou station de conditionnement. »

La presse marocaine tente également de minimiser les mésaventures des filières d’exportation de leur pays. C’est le cas du média Hespress qui, après avoir listé le type de contrôles sanitaires du RASFF, donne le décompte des signalements par pays. Des contrôles qui portent sur la présence de micro-organismes pathogènes, traces de pesticides, de métaux ou d’additifs alimentaires.

Il apparaît que sur « un total de 4.675 notifications d’incidents sanitaires liés aux denrées alimentaires » émis en 2023, « les aliments d’origine espagnole ont reçu 203 notifications sanitaires, tandis que le Maroc n’en a reçu que 42. »

Pour appuyer son argumentation, Hespress cite que d’autres pays font beaucoup moins bien : « Les produits d’origine d’Inde ont reçu 295 avertissements, la Chine a également reçu 284 notifications pour ses produits alimentaires, 253 notifications pour des produits en provenance de France et 202 des États-Unis ».

Qualité sanitaire et quotas, les difficultés de l’exportation

En mars 2023, la presse marocaine titrait : « Les fraises marocaines cartonnent à l’export ». La filière faisait part d’exportations devant s’élever à 22.400 tonnes, en augmentation de 17 % par rapport à l’année précédente.

En mars 2023, dans le domaine de la pastèque, cette même presse se félicitait également que « Le Maroc a vendu 248 % de pastèques de plus que l’Espagne sur les marchés de l’Union européenne ». Aujourd’hui, le mécontentement des producteurs espagnols est notable.

La stratégie de développement agricole du Maroc se base essentiellement sur l’exportation. Une stratégie déjà mise à mal par les dernières années de sécheresse qui ont frappé le royaume de Mohammed VI, fragilisant sérieusement le secteur agricole qui représente l’un des piliers de l’économie marocaine.

En 2023, le Haut-Commissariat au Plan du royaume indiquait qu’avec le manque de pluie, l’économie marocaine avait perdu 300.000 emplois.

L’épisode des fraises marocaines rappelle la fragilité de cette stratégie du fait des aléas liés à l’exportation de produits agricoles du Maroc, notamment vers les pays de l’Union européenne.

Outre les attentes changeantes des consommateurs, il faut compter avec les quotas qui limitent les volumes autorisés d’exportation pour certains produits comme la tomate en saison haute et avec les avis sanitaires pour produits non-conformes. Des difficultés que connaissent bien les exportateurs d’huile tunisienne. Un seul cas d’avis sanitaire, avéré ou non, peut jeter le doute et faire fuir les consommateurs.

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