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France-Algérie : Macron sous pression du lobby pro-Maroc

L’ambition du président Emmanuel Macron pour (ré) établir une relation spéciale avec l’Algérie ne fait pas l’unanimité en France où le lobby pro-Maroc fait feu de tout bois.

De plus en plus de voix de la droite s’élèvent pour reprocher à Emmanuel Macron son penchant pour l’Algérie, tout en lui demandant de rééquilibrer la relation en faveur du Maroc dans un contexte de froid entre Paris et Rabat.

Le royaume fait pression sur la France pour s’aligner ouvertement sur la position américaine et israélienne de reconnaître la « marocanité » du Sahara occidental.

Dernière voix en date et non des moindres à critiquer la politique de Macron au Maghreb : celle de l’ex-chef d’État français, Nicolas Sarkozy.

Dans un entretien accordé au quotidien Le Figaro publié mercredi, Nicolas Sarkozy a estimé qu’il serait vain de « bâtir une relation artificielle » avec des dirigeants algériens qui « utilisent la France comme bouc-émissaire » pour « cacher leurs échecs ».

France – Algérie : le lobby pro-Maroc fait feu de tout bois

« Ils la refuseront toujours. Ils ont trop besoin de détourner l’attention de l’échec dans lequel ils ont plongé leur pays en accusant régulièrement la France de tous les maux », a-t-il ajouté.

Nicolas Sarkozy, qui répondait sur une question relative à des passages contenus dans ses mémoires « Le temps des combats » considère que le « tropisme algérien » de Macron a éloigné la France du Maroc. Pour lui, la France risque de « tout perdre ».

« Nous ne gagnerons pas la confiance de l’Algérie, et nous perdons celle du Maroc », a résumé Nicolas Sarkozy qui est connu pour sa proximité avec Rabat.

L’affaire de l’espionnage par Rabat du téléphone de Macron via le logiciel israélien Pégasus est donc vite oubliée, en dépit de son extrême gravité. Elle figure d’ailleurs, avec le Sahara Occidental, parmi les raisons du froid diplomatique entre Rabat et Paris.

Il y a une semaine, 94 sénateurs français avaient interpellé Emmanuel Macron sur sa « politique africaine », et en Afrique du Nord, après le putsch au Niger qui a vu l’ancienne puissance coloniale décriée par des manifestants, comme ce fut le cas auparavant au Mali et au Burkina-Faso.

Pour ces sénateurs, la France perd des positions partout en Afrique, y compris dans sa zone d’influence proche.

« En Afrique du Nord, que de déconvenues là aussi. Le président Abdelmadjid Tebboune, parvenu au pouvoir dans des conditions difficiles du fait du Hirak, fait souffler le chaud et le froid, parlant parfois de rapprochement et d’une visite officielle (régulièrement déprogrammée) et parfois du « Grand Satan » français responsable de tous les maux du peuple algérien », soutiennent-ils.

Ces sénateurs, dont la sortie a été applaudie au Maroc, imputent aux revendications de la droite française de mettre fin aux Accords de 1968 sur l’immigration algérienne à ce « mouvement de balancier » des dirigeants algériens concernant la relation avec la France.

Pour eux, Macron devrait plutôt revoir sa copie concernant le Maroc. Redoutant la perte du royaume, les 94 sénateurs pointent les « atermoiements français » sur le Sahara Occidental, alors que, – affirment-ils faussement – l’Espagne et l’Allemagne ont « reconnu la souveraineté marocaine » sur les territoires sahraouis occupés. En plus du Sahara occidental, la « politique d’équilibriste » de la France avec l’Algérie pousse Rabat à « chercher ailleurs qu’à Paris des partenaires militaires ou économiques », se plaignent les sénateurs.

Quelques mois plus tôt, c’est le président du parti les « Républicains » (droite), en visite au Maroc en compagnie de Rachida Dati, qui s’en était pris à Macron sur sa politique au Maghreb.

« Légitimement, les autorités marocaines ont le sentiment que notre relation est déséquilibrée au profit de l’Algérie », avait affirmé Éric Ciotti en reconnaissant publiquement la « marocanité » du Sahara occidental.

Les relations algéro-françaises évoluent en dents de scie, avec des périodes de froid glacial, suivies de réchauffement. En 2021, une crise éclata entre les deux pays suite aux déclarations de Macron sur le système algérien et l’existence de la nation algérienne avant 1830. Elle a duré quelques mois.

Puis, la visite de Macron en août 2022 en Algérie a acté le réchauffement des relations entre les deux pays et devait même donner une base à ces relations, mais une nouvelle dispute éclata début 2023 à cause de l’affaire Amira Bouraoui, avant que les relations reviennent à leur état normal.

Et alors qu’elle devait avoir lieu en mai, la visite d’Abdelmadjid Tebboune a été repoussée à juin avant d’être reportée de nouveau. Le 5 août, le président Tebboune a dit que la visite était maintenue, et fait état de divergences avec la partie française sur son programme.

Algérie – France : rendez-vous manqués et incompréhension

Il faut dire que depuis sa visite en qualité de « candidat à la présidentielle » en 2017, Emmanuel Macron n’a pas cessé de multiplier les gestes en direction d’Alger pour promouvoir la réconciliation entre les deux pays.

Du côté français, on estime que Macron a multiplié les gestes envers l’Algérie. Les observateurs citent la restitution d’ossements de résistants algériens, la reconnaissance par l’État français de l’assassinat de l’avocat Ali Boumendjel et de Maurice Audin, le recueillement sur la Seine en hommage aux victimes des évènements de 1960 ou encore la mise en place avec son homologue algérien d’une commission sur la mémoire sont autant de gestes destinés à renforcer et à normaliser les relations entre les deux pays.

À cela s’ajoutent la Déclaration d’Alger signée en août 2022 et la visite en octobre de la même année en Algérie de la première ministre française Elisabeth Borne, accompagnée d’une quinzaine de ministres, ou encore celle du général de corps d’armée, Said Chengriha à Paris début 2023.

Mais cette volonté affichée et qui s’est appuyée sur une « relation privilégiée » personnelle entre Macron et Tebboune n’a pas résisté aux turbulences et aux tumultes qui caractérisent la relation entre la France et l’Algérie.

Du côté algérien, certains estiment que la France ne propose rien de concret pour établir une véritable relation stratégique entre les deux pays afin de tourner définitivement la page du passé, en raison de la présence d’un puissant lobby anti-algérien et pro-marocain.

Une sorte d’incompréhension s’est installée entre les capitales et aujourd’hui, les choses semblent au point mort, comme en témoigne le flou qui entoure la visite de Tebboune à Paris. « Elle est toujours à l’agenda », s’est contenté d’indiquer récemment Abdelmadjid Tebboune.

Banlieues, accord de 1968, Algérie-France : entretien avec Ghaleb Bencheikh

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