La France s’embrase depuis mardi 27 juin, après la mort de Nahel, un jeune Français de 17 ans, lors d’un contrôle de police.
Le jeune homme a reçu une balle en plein cœur tirée par un policier, pour avoir refusé de se soumettre au contrôle policier.
Un décès de trop. Depuis 2017 et le vote de la loi "sécurité publique" autorisant les tirs de policiers en cas de refus d’obtempérer, le nombre de décès dans le cadre de contrôle de routine ne cesse d’augmenter. En 2022, 13 personnes ont été tuées par des tirs. En 2023 on en compte déjà 3.
Cet épisode a choqué les Français, d’autant plus que la scène a été filmée par un passant.
Sur cette vidéo qui a largement circulé sur le web, on voit que le tir du policier part alors que le jeune homme a à peine démarré sa voiture.
Des images qui sont venues contredire la version policière, affirmant que le jeune homme avait mis en danger la vie des agents.
Deux jours après le drame et le placement en garde à vue du tireur, le procureur de Nanterre a considéré que "les conditions légales d’usage de l’arme« par l’agent lors du contrôle routier n’étaient »pas réunies". Il a également requis le placement en détention provisoire du policier.
L’extrême-droite invente un casier judiciaire fictif à Nahel
Malgré une enquête qui souligne clairement la responsabilité du policier dans la mort de Nahel, l’affaire a tout de même suscité un affrontement politique.
L’extrême-droite a sauté sur l’occasion pour défendre un discours discriminatoire à l’égard de Nahel et une politique de l’excuse.
Des personnalités d’extrême-droite, ainsi que des médias à scandale ont choisi d’analyser ce drame comme la responsabilité de la victime.
Le média CNews détenu par Vincent Bolloré martèle depuis mardi, que le jeune homme disposait de torts évidents dans cet événement.
La rédaction n’a pas hésité à évoquer le casier judiciaire de Nahel comme la preuve qu’il n’était pas innocent.
La journaliste d’extrême-droite, Charlotte d’Ornellas, a axé son approche sur le passé judiciaire du jeune homme. Estimant même que réimposer une autorité, "c’est le sauver aussi". La journaliste a rendu Nahel responsable de sa propre mort.
Charlotte d’Ornellas affirme sur Cnews que Naël, tué par un policier à Nanterre, avait « un casier long comme le bras ». Ce soir, ses avocats expliquent que le jeune homme de 17 ans n’avait pas de casier judiciaire. C’est le genre de « journaliste » que Bolloré veut imposer… pic.twitter.com/6yl0bqef4E
— Nils Wilcke (@paul_denton) June 27, 2023
Or, les avocats de la famille de Nahel ont été formels, le casier judiciaire du jeune homme était vierge. Il était connu des services de police, mais n’a jamais été condamné.
"Être connu des services de police, ça ne veut absolument rien dire", a estimé Yassine Bouzrou, l’avocat de Nahel.
Ce ne sont que des suppositions sur la base de préjugés. Nahel était un jeune de banlieue, d’origine sociale modeste et algérienne, alors que l’extrême-droite a estimé qu’il avait forcément un passé judiciaire qu’il fallait dénoncer.
Côté personnalités politiques d’extrême-droite, on défend corps et âme les fonctionnaires de police.
Jordan Bardella, le président du Rassemblement national, s’est rangé du côté des policiers sans prendre en compte le déroulement de la mort de Nahel.
Il a déclaré que les forces de l’ordre "sont devenues des cibles". Sur le plateau de BFMTV, il a estimé que « la justice ce n’est pas les réseaux sociaux, ce n’est pas une vidéo« .
Même du côté de la droite on met la faute sur le jeune Nahel. "Si ce jeune est mort, c’est d’abord parce qu’il a cherché à se soustraire à un contrôle", a déclaré de son côté le vice-président du parti des Républicains, François-Xavier Bellamy.
Droite et extrême-droite n’ont eu aucun discours de soutien pour la famille de Nahel. Seuls des reproches ont été émis.
L’opinion publique et des personnalités crient au scandale
Malgré une campagne de désinformation, l’opinion française est majoritairement choquée par cet événement.
Dans la nuit de mercredi à jeudi, plusieurs émeutes ont éclaté en France,en banlieue parisienne, à Lille, à Rennes, Lyon, Toulouse, etc.
Des marches blanches pour rendre hommage à Nahel sont en cours d’organisation dans plusieurs grosses villes françaises.
De nombreuses personnalités publiques ont pris position pour dénoncer cette mort injuste.
Des footballeurs tels que Kylian Mbappé, Ryan Cherki ou encore Aurélien Tchouaméni ont exprimé leur tristesse après la mort de Nahel.
Nahel aurait pu être mon petit frère. Et j’ai le coeur brisé quand j’entends sa mère parce que c’est la voix de ma mère que j’entends.
On ne refera pas l’histoire et on ne changera pas le monde sur les réseaux sociaux… pic.twitter.com/MmVzUC0mRh
— Tchouameni Aurélien (@atchouameni) June 28, 2023
Les témoignages de personnes ayant connu Nahel se multiplient sur la toile.
Notamment celui de l’ambulancier qui a pris en charge l’adolescent. Outré par les circonstances de la mort de Nahel, il s’est exprimé avec beaucoup d’émotions auprès des policiers présents à l’hôpital. Une intervention qui lui a coûté une plainte. Après la diffusion de la vidéo de sa réaction, il a été placé en garde à vue.
FLASH – L’ambulancier qui a été filmé en train d’interpeller avec colère des policiers peu de temps après la mort de Nahel, a été placé en garde à vue pour « outrage » et « menaces ». (franceinfo) pic.twitter.com/3PSXKUFCNr
— AlertesInfos (@AlertesInfos) June 28, 2023
L’extrême-droite domine, comme toujours, le débat autour de la mort de Nahel
Malgré une mobilisation de la société civile pour dénoncer la mort de Nahel, rien n’arrête les discours haineux.
Médiatiquement les discours d’extrême-droite semblent dominants. CNews, BFM TV, Le Figaro… ont largement donné la parole à des personnalités d’extrême-droite qui ont dévié ce fait vers les thèmes de l’insécurité qui leur sont chers.
Chaque épisode lié à ce drame est l’occasion de donner la parole à la fachosphère et à l’extrême-droite.
Après les manifestations de colère dans la nuit du mercredi au jeudi, l’extrême-droite est revenue à la charge.
Sur les réseaux sociaux, la fachosphère a qualifié les manifestations de la nuit précédente "d’émeutes raciales« , ou même de »guerre civile".
Macron a choisi le déshonneur pour éviter la guerre civile. Il aura la guerre et le déshonneur ! #Nanterre #Nael #emeutes #Nahel https://t.co/mz5PCbG3zH
— Sir Sean Sitges (@SitgesFranck) June 29, 2023
Nous avons pu être témoins de discours parfois violents comme celui de Bruno Attal, secrétaire général adjoint du syndicat France Police, qui s’est permis de tweeter le commentaire suivant : « Je préfère voir une racaille morte qu’un policier mort. Chacun son électorat ! »
Ces réactions sont-elles étonnantes ? Pas vraiment, parce que la France flirte dangereusement avec les discours décomplexés d’extrême-droite depuis plusieurs années.
Les partis d’extrême-droite pullulent depuis les dernières élections présidentielles. Ils grignotent petit à petit l’espace médiatique en France.
Le poids des comptes ou même d’influenceurs d’extrême-droite prennent le relais de cette parole discriminatoires et excluante sur les réseaux sociaux en lançant des campagnes haineuses.
Des chaînes d’informations générales ou des médias traditionnels papier ne cessent d’emprunter le chemin de l’extrême-droite en proposant uniquement des débats autour de l’identité, de la présence des étrangers en France ou de la menace arabo-musulmane.
Un cocktail explosif déjà présent. La mort de Nahel n’a fait que relancer la machine.
D’autant plus que le gouvernement français a largement laissé cette ambiance délétère s’imposer.
Notamment en réutilisant des concepts d’extrême-droite.
On peut citer Emmanuel Macron et son « processus de décivilisation » pour dénoncer une violence croissante en France, notamment à l’égard de fonctionnaires de l’Etat.
Avec l’idée sous-jacente de civilisation française en lutte contre des attaques venues de populations étrangères déculturées.
Sans oublier l’arsenal législatif dégagé durant les deux mandats d’Emmanuel Macron pour dénicher les étrangers qui ne respectent pas les lois françaises ou qui feraient preuve de fraude sociale.
La justification constante des discriminations, les débats insistant sur la définition d’un bon Français ou encore l’obsession du « grand remplacement » ont largement participé au développement de discours nauséabonds autour de la mort d’un adolescent.
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