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France : la question du suivi des islamistes radicalisés à nouveau au centre des débats

Après l’attaque terroriste commise dans l’Aude (sud de la France) vendredi 23 mars et dans laquelle quatre personnes ont trouvé la mort, la question du suivi des personnes radicalisées agite une nouvelle fois la sphère politique.

Et pour cause : Radouane Lakdim, l’auteur de l’attentat, né au Maroc le 11 avril 1992, avait été fiché S en mai 2014 avant d’être inscrit, environ un an plus tard, en septembre 2015, au Fichier des signalements pour la prévention de la radicalisation à caractère terroriste (FSPRT).

« Éradiquer la contagion islamiste »

Tandis qu’un hommage national sera rendu mercredi 28 mars à Arnaud Beltrame, ce gendarme qui s’était substitué à une otage retenue par le terroriste, une question pointe sur bon nombre de lèvres, et particulièrement sur celles de la droite et de l’extrême droite françaises. Comment y a-t-il pu avoir autant de laxisme à l’égard de ce jeune homme de 25 ans, naturalisé français à l’âge de 12 ans, traînant derrière lui un passé de petit délinquant et dont la femme avait été aussi fichée pour radicalisation – elle a été inculpé hier – ?

Pour Laurent Wauquiez, nouveau chef de la droite, seule l’ultra-fermeté pourra effacer la « coupable naïveté » qu’il reproche à Emmanuel Macron face au terrorisme, quitte à en être partial. Dans des déclarations faites à la presse lundi 26 mars, le président des Républicains a exigé l’internement des fichés S de nationalité française « les plus dangereux » et l’expulsion des ressortissants étrangers faisant l’objet de la même surveillance. « La contagion islamiste doit être éradiquée. Je demande que l’on s’en donne les moyens et que l’état d’urgence soit rétabli », a-t-il déclaré.

« Pas un élément de preuve »

Christian Jacob, le patron des députés LR, a exposé avec plus de détails ce mardi 27 mars à l’Assemblée nationale les propositions étayées par Wauquiez, à savoir : « L’enfermement ou le bracelet géolocalisable pour les individus français radicalisés et fichés, l’expulsion du territoire national des individus étrangers radicalisés et fichés, la fermeture des lieux de culte qui prônent la haine de la France et des Français, la déchéance de nationalité des djihadistes ayant combattu les soldats de la France, et l’état d’urgence ».

Mais la remise en place de l’état d’urgence (abandonné le 1er novembre 2017 après avoir été instauré à l’issue des attentats de novembre 2015) paraît bien superflue car la fin de cet état d’exception – et qui doit le rester pour bon nombre d’observateurs – a, depuis, laissé place à une loi antiterroriste reprenant les principales dispositions de ce régime spécifique.

Face à ces demandes, le Premier ministre Édouard Philippe a de toute façon opposé une fin de non-recevoir, renvoyant à leur méconnaissance ses opposants. « Certains nous disent expulsez-les tous. D’autres nous disent enfermez-les tous. Certains disent même les deux à la fois. Dire cela, c’est méconnaître profondément nos outils de renseignement. La fiche S est un outil de police, un outil de vigilance qui permet d’accumuler du renseignement sur une personne, précisément pour lever le doute sur l’existence ou non, de lien avec le terrorisme ou l’action violente.  Elle n’est pas en elle-même un élément de preuve », a-t-il déclaré, avant de rappeler qu’en France, « on ne peut pas être privé de sa liberté sur la base d’un soupçon. »

Près de 20.000 personnes radicalisées

Mais sur quels critères se basent les autorités françaises pour estimer qu’une personne est radicalisée – ou en passe de l’être ? Alors que le FSPRT compte aujourd’hui précisément 19.745 personnes, peuvent figurer sur ce document et pendant cinq ans « aussi bien un homme signalé par son employeur parce qu’il ne veut plus serrer la main des femmes, une mineure récemment convertie à l’islam radical ou un homme en lien avec le groupe État islamique (EI) se disant prêt à passer à l’acte. Y figurent aussi ceux qui sont partis ou soupçonnés d’être en zone irako-syrienne », indique l’AFP.

Par ailleurs, le problème ne s’arrête pas au seul cas des fichés, comme le souligne justement Jean-Charles Brisard, président du Centre d’analyse du terrorisme (CAT) : « 60% des individus qui ont frappé en France depuis 2014 étaient inconnus des services de police et n’étaient pas fichés. Donc les fichiers, c’est bien, mais même les fichiers ne représentent pas l’intégralité de la menace endogène. »

De son côté, Édouard Philippe a rappelé dans l’hémicycle que « depuis 2015, 48 étrangers liés aux mouvances terroristes ou islamistes ont été expulsés. Et 361 interdictions administratives de territoire ont été prononcées. » Le locataire de Matignon a également confirmé le recrutement sur le quinquennat de 10.000 policiers et gendarmes dont 1.900 seront dédiées au renseignement.

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