Politique

« Gaid Salah n’a pas donné d’ordre à l’appareil judiciaire »

Le professeur Aradj Slimane, enseignant en sciences politiques et relations internationales à l’université d’Alger a donné, ce jeudi sur TSA Direct, sa lecture des derniers discours de Gaid Salah, notamment en ce qui concerne la lutte contre la corruption.

« Ce dont a parlé le général Gaid Salah est une valorisation (des poursuites entreprises par la justice), il n’a pas donné d’ordre à l’appareil judiciaire », a corrigé le Pr Aradj.

« Il n’y a pas d’ordre de l’armée »

« Il n’y a pas d’ordre de l’armée (à la justice, NDLR). […] Tout le monde sait que la corruption était partout et touchait même les institutions au sein de l’Etat algérien. Nous devons nous demander si la lutte contre la corruption est liée à une période particulière, ou si nous devons ouvrir les dossiers de la corruption à un moment et les refermer à un autre », a-t-il ajouté.

Les lectures faites par les médias des dernières interventions de Gaid Salah sont « erronées », selon l’enseignant universitaire, pour qui, « les médias ont échoué à faire la lecture d’un discours ». « Un discours ne s’interprète pas à partir d’un seul mot mais dans sa globalité », a-t-il affirmé, ajoutant que « l’absence de l’autorité de régulation de l’audiovisuel a fait que les médias travaillent à reproduire l’échec et les ont laissés otages des intérêts et de la recherche du gain ».

Le départ de Bensalah et Bedoui envisageable

Autre mauvaise interprétation du discours de Gaid Salah pointée du doigt par le Pr Aradj, l’appel de ce premier au dialogue. « Le communiqué de l’armée a été avec le dialogue comme principe et non comme une mesure prise par le gouvernement », a-t-il dit à ce sujet. Le dialogue auquel appelle l’armée n’est donc pas forcément celui auquel appelle le chef de l’Etat par intérim Abdelkader Bensalah, à en croire les explications de l’universitaires qui n’écarte pas la possibilité du départ du président.

« La question du départ de Bensalah ou du gouvernement dont le refus par le peuple a été exprimé par neuf vendredis (de manifestations) est légitime et on ne peut pas aller contre la volonté du peuple. Mais en même temps, ces questions ont besoin de solutions, ce sur quoi le commandement de l’armée a insisté en parlant d’initiatives », a-t-il affirmé. « Nous ne voulons ni de Bedoui ni de Bensalah, mais il faut des procédures, des initiatives », a-t-il poursuivi.

Appel aux initiatives

Le commandement de l’armée a également appelé à l’émergence d’initiatives politiques qui doivent être « nationales » et « non idéologiques », selon M. Aradj pour qui, « il faut un consensus et une unanimité, conserver le caractère institutionnel de l’Etat et garantir la sécurité et la stabilité » afin de « garantir la réussite ».

Le maintien du cadre constitutionnel est motivé par la crainte de la « chute » du pays, selon le Pr Aradj. « Lorsqu’on pousse à travailler en dehors de la Constitution, on travaille également à entraver le rôle de l’ANP qui tire sa force et son rôle de la Constitution dans son soutien au mouvement populaire », a-t-il affirmé. La solution est, selon lui, « de continuer avec la Constitution » mais pas forcément avec les personnes qui sont actuellement à la tête du pays ou au gouvernement. « Quant à Bensalah, il ne faut pas résumer les questions d’Etat à des personnes », a-t-il dit à ce sujet, expliquant que « le pari est de conserver les institutions de l’Etat tout en permettant que tout le reste soit sujet à discussion ».

« L’essentiel est de se mettre d’accord sur une personnalité nationale consensuelle, le gouvernement peut démissionner, partir. Il n’est pas indispensable de le maintenir mais il faut rester dans le cadre des institutions. Le reste, ce sont des détails », a-t-il insisté, expliquant que le problème ne se situe pas « dans l’orientation générale » mais « dans les détails, les façons de changer le gouvernement, le chef de l’Etat et les remplacer par des personnalités consensuelles ».

La tenue des élections le 4 juillet compromise

Quant à la tenue des élections présidentielles à la date prévue, soit le 4 juillet, le politologue pense qu’il sera difficile de tenir ce rendez-vous. « Je ne pense pas que les élections pourront se tenir le 4 juillet parce que le temps ne suffira pas. Je pense qu’elles seront reportées au mois de septembre, si on veut rester objectifs », a-t-il estimé.

Le rôle politique que joue l’armée actuellement est, selon le Pr Aradj, justifié par l’article 28 de la Constitution et le poste de vice-ministre de la Défense occupé par le chef de l’état-major de l’ANP. « Quand est-ce que l’armée joue un rôle politique ? Et là, je parle du commandement et non de l’armée en tant qu’institution. Celui-ci a une double casquette, politique et militaire car, n’oublions pas qu’il (Gaid Salah) est aussi vice-ministre de la Défense », a-t-il rappelé.

« L’ANP s’en tient à ses fonctions constitutionnelles »

« Lorsque les politiciens échouent à trouver des solutions politiques consensuelles qui servent l’orientation démocratique, le tour vient à l’armée qui remplace partiellement l’absence des politiciens », a-t-il assuré.

Malgré ce rôle assumé et justifié selon le Pr Aradja, « l’ANP n’a pas l’intention d’intervenir directement dans la politique, elle s’en tient à ses fonctions constitutionnelles ».

« L’armée a été ciblée depuis le début car c’est la dernière institution qui jouit encore du respect et de l’adhésion populaire », a affirmé le Pr Aradj qui a dénoncé « l’infiltration des réseaux sociaux » et « des tentatives d’encadrement par la diffusion de messages empoisonnés ».

Pour lui, « il n’est pas écarté qu’il y ait des plans étrangers ». « Il y a des indices sur ces tentatives d’ingérence étrangère dont le but n’est pas forcément de faire tomber l’Etat algérien, ce qui ne servirait pas les intérêts des forces régionales, mais de protéger les intérêts de ces forces étrangères en Algérie », a-t-il indiqué.

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