Économie

Gaz algérien : l’Italie conforte sa position

Une délégation du groupe énergétique italien ENI effectue une visite en Algérie à partir de ce dimanche 3 avril. Rien de plus normal pour un groupe très présent et très apprécié en Algérie.

Sauf que la particularité de cette visite est qu’elle a été annoncée par un communiqué de la présidence de la République.

| Lire aussi : Revirement de l’Espagne : la réponse de l’Algérie sera « globale »

Le président Abdelmadjid Tebboune a reçu un appel téléphonique vendredi du Premier ministre italien Mario Draghi qui l’a informé, entre autres, « de la visite, dimanche prochain en Algérie, d’une délégation représentant la société italienne ENI, entrant dans le cadre de la coopération énergétique entre les deux pays », lit-on dans le communiqué de la présidence de la République.

Le géant italien dispose d’importants investissements en Algérie mais on ne peut pas dissocier la visite en cours des tensions mondiales sur le gaz depuis le déclenchement de la guerre en Ukraine.

L’Algérie est parmi les alternatives envisagées pour le remplacement du gaz russe par l’Union européenne, grâce à ses réserves et ses gazoducs qui desservent directement les côtes sud de l’Europe. Deux pays, l’Italie et l’Espagne, sont particulièrement intéressés par l’augmentation des livraisons algériennes via ces gazoducs.

Avant même le début de la guerre en Ukraine, on a assisté à un bal diplomatique des responsables de ces deux pays pour convaincre Alger de fournir plus de quantités.

Le 28 février, le ministre italien des Affaires étrangères Luigi Di Maio s’est rendu à Alger pour le même objectif. Si les choses se sont corsées entre-temps avec l’Espagne à cause de son revirement sur la question du Sahara occidental, ça se passe nettement mieux avec l’Italie.

Le 18 mars dernier, le gouvernement espagnol a annoncé son soutien au plan d’autonomie marocain, un revirement dénoncé à Alger comme une « deuxième trahison » du peuple sahraoui.

Le 25, une source officielle algérienne a laissé entendre au journal espagnol El Confidencial que les répercussions pourraient être aussi énergétiques.

« Elle (l’Algérie, ndlr) respectera ses engagements en matière de livraison des quantités contractuelles de gaz pour honorer sa signature en relation avec les clauses contractuelles prévoyant la révision périodique des prix en fonction de l’évolution des prix du marché », a indiqué la source.

Néanmoins, le PDG de Sonatrach n’exclut plus la révision des prix du gaz livré à l’Espagne. « Depuis le début de la crise en Ukraine, les prix du gaz et du pétrole explosent. L’Algérie a décidé de maintenir, pour l’ensemble de ses clients, des prix contractuels relativement corrects. Cependant, il n’est pas exclu de procéder à un ‘recalcul’ des prix avec notre client espagnol », a déclaré Tewfik Hakkar dans un entretien à l’agence officielle APS, samedi 2 avril.

« L’Algérie modulera ses relations en direction de certains partenaires de l’Europe du sud qui ont investi en Algérie et qui entretiennent d’excellentes relations traditionnelles avec notre pays. A ce titre, l’Italie est tout à fait qualifiée pour devenir le hub gazier dans la région eu égard à la capacité du gazoduc Enrico Mattei et à la demande et la disponibilité affichées par les opérateurs de ce pays ami », avait par ailleurs fait savoir la source algérienne qui s’est exprimé dans Le Confidencial.

Relations historiques et investissements continus

Une dizaine de jours après, une délégation du groupe public italien débarque en Algérie dans le cadre du développement global de ses investissements et pour voir dans quelle mesure l’Algérie pourra satisfaire les demandes supplémentaires exprimées par l’Europe.

En Italie, on accorde beaucoup d’importance aux apports de l’Algérie, même les 29 milliards de mètres cubes que lui fournit la Russie (38% des importations italiennes de gaz) ne peuvent être remplacés par un seul pays. C’est le Premier ministre Mario Draghi qui travaille sur le dossier, rapporte le site Corriere.it

En février dernier, le PDG  de Sonatrach avait indiqué qu’il y avait des capacités inutilisées sur le Gazoduc Transmed et qui pourraient permettre de livrer à l’Italie des quantités supplémentaires.

Des spécialistes qui se sont exprimés par la suite sur la question ont expliqué que même si elle le voudrait, l’Algérie ne peut pas aller au-delà de ses capacités de production.

L’ex-ministre de l’Energie Abdelmadjid Attar expliquait début mars que l’Algérie pouvait fournir 2 à 3 milliards de mètres cubes de gaz supplémentaires au maximum, alors que la capacité inutilisée sur le Transmed est de 10 milliards.

Le problème de l’Algérie n’est pas dans ses réserves ni dans ses installations d’exportation, mais dans ses capacités de production, a confirmé dans un entretien à TSA le spécialiste en énergie Francis Perrin.

« A court terme, l’Algérie pourrait, si elle le décidait, exporter un peu plus de gaz vers l’Europe principalement à travers le Transmed, quelques milliards de mètres cubes supplémentaires sont possibles. A moyen terme, des volumes supplémentaires plus importants sont possibles, mais cela demandera un développement des capacités de production », a-t-il indiqué.

Pour remplacer le gaz russe, l’Italie a entamé des démarches avec plusieurs pays, dont l’Azerbaïdjan, avec lequel elle est reliée par un gazoduc.

« L’activité de Di Maio, de concert avec Eni, le principal acheteur de gaz, prévoit une pléthore de pays fournisseurs. Le principal est l’Algérie sur laquelle Mario Draghi s’est consacré personnellement et a eu il y a deux jours une conversation téléphonique avec le président algérien Abdelmadjid Tebboune relançant le partenariat énergétique entre les deux pays », écrit Corriere.it.

L’Italie aspire à s’affranchir de sa dépendance des livraisons russes et partage avec l’Espagne l’ambition de devenir un hub gazier pour toute l’Europe. Les Italiens peuvent compter en grande partie sur leurs bonnes et historiques relations avec Alger (le Transmed porte le nom de l’ancien PDG d’ENI, Enrico Mattei, un ami de la révolution algérienne).

Ils peuvent aussi compter sur les investissements qu’ils ont consentis. ENI est l’un des rares grands groupes à avoir continué à investir en Algérie ces dernières années.

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