Économie

Gestion de l’économie : la dépréciation du dinar comme ultime levier

La monnaie nationale poursuit sa chute inexorable. Un nouveau plus bas historique a été enregistré ce dimanche 6 décembre par le dinar algérien face à la monnaie unique européenne, à 158.47 unités pour un euro. La baisse est quasi quotidienne. Le dernier record a été établi jeudi dernier à 157.64 dinars pour un euro.

Cette tendance à la dépréciation continue de la monnaie nationale confirme les prévisions de ceux qui, devant les perspectives peu prometteuses des indicateurs économiques, avaient estimé inéluctable une dévaluation significative du dinar pour éviter des déficits encore plus abyssaux dans le budget public.

La mécanique est simple : les exportations (constituées presque exclusivement d’hydrocarbures) sont exprimées en devises étrangères, en dollar précisément, tandis que les dépenses internes de fonctionnement et d’équipement le sont en dinar.

Dans la même logique, le projet de loi de finances pour 2021, en cours d’adoption, prévoit une cotation annuelle moyenne du dollar US à 142,20 dinars en 2021, à 149,31 Da en 2022 et à 156,78 Da en 2023. Ce 6 décembre, la monnaie américaine est échangée pour 130.5 dinars.

C’est un trou de bouché dans le budget de l’État, mais sans plus. Car ce recours à la dépréciation est loin d’être la panacée pour une économie en panne et rendue encore plus vulnérable par la pandémie de Covid-19 qui empêche les prix des hydrocarbures de redémarrer durablement.

Même avec un dollar à 142 dinars, le PLF 2021 prévoit un déficit budgétaire à 13,57 % du PIB, contre 10,4 % au titre de la loi de finances pour l’exercice en cours.

L’autre objectif recherché c’est de rapprocher les cours officiels du dinar de ceux du marché parallèle. Là aussi, c’est loin d’être gagné et l’euro se permet même des pics historiques sur le marché noir malgré les restrictions sur les voyages imposées par la crise sanitaire. La monnaie européenne s’échange à 203-204 dinars et pourrait s’envoler à la réouverture des frontières et la reprise des liaisons aériennes commerciales.

Les effets des contre-indications de la dépréciation sont, en revanche, déjà perceptibles et risquent de se faire ressentir encore plus douloureusement dans les mois à venir.

Même si les prévisions du PLF concernant l’inflation sont très optimistes (4.5 % en 2021), sur le terrain, les prix de nombreux produits suivent logiquement une courbe contraire à celle de la monnaie nationale. Une inflation à deux chiffres est même probable si le gouvernement déterre la solution miracle de la planche à billets. Ce qui, semble-t-il, n’est pas exclu.

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Irrésolution et immobilisme

Car si la situation demeure gérable dans l’immédiat grâce au montant encore important des réserves de change (une cinquantaine de milliard de dollars à fin 2020), elle le sera moins lorsque ce matelas aura achevé sa fonte.

Là encore, les prévisions du gouvernement pèchent par un excès d’optimisme, tablant d’abord sur une baisse des réserves en 2021 à moins de 47 milliards, puis sur une hausse légère en 2022 (47.5 Mds) et conséquente et 2023 (plus de 50 Mds).

Aucun responsable n’explique néanmoins comment des excédents de la balance commerciale pourront être dégagés avec un pétrole qui peine à remonter sur les marchés internationaux, une production d’hydrocarbures qui décline et une relance économique qui se fait désirer et pour laquelle rien de concret n’est entrepris.

Comme le montre la crise qui frappe en ce moment l’Eniem, une entreprise d’électroménager jadis fleuron de l’industrie nationale, même le tissu économique existant se bat à peine pour sa survie, à défaut de créer de la richesse et de contribuer à l’essor de l’économie.

Les déclarations du ministre de l’Industrie à propos de cette entreprise traduisent l’indécision du gouvernement quant au sort définitif à réserver aux sociétés étatiques peu performantes et qualifiées à juste titre de tonneau des danaïdes pour la bourse publique.

L’irrésolution touche en fait toute la sphère économique, induisant un immobilisme qui retarde l’ouverture du chantier des réformes véritables et trahit l’absence de cap économique chez le gouvernement. Navigation à vue ?

Le ministre des Finances le reconnaît presque en expliquant que « la conjoncture actuelle rend difficile les projections de la Banque d’Algérie » et qu’aucune note de conjoncture ne peut se projeter sur un espace temporel d’une semaine.

À défaut d’un vrai cap, de décisions fortes, d’actions concrètes et d’objectifs chiffrés et réalisables, les autorités n’ont comme ultime levier que la valeur de la monnaie et sa mécanique magique.

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