Économie

Gestion des importations : un casse-tête pour l’Algérie

La régulation des importations est un véritable casse-tête pour l’Algérie. Le gouvernement continue d’évoluer entre restrictions et ouverture à petites doses.

Tayeb Zitouni est ministre du Commerce depuis moins d’un mois. Il a remplacé Kamel Rezig à une semaine d’un mois de ramadan particulièrement redouté en Algérie à cause des pénuries et de la hausse des prix qui ont caractérisé certains produits de large consommation  ces derniers mois.

Kamel Rezig, en poste depuis  la nomination par le président Abdelmadjid Tebboune de son premier gouvernement en janvier 2020, était très critiqué et contesté pour ses décisions et son style de communication.

Il a été même désavoué publiquement par le chef de l’État pour son application « erronée » de l’orientation de rationaliser les importations.

Dans ses sorties médiatiques et de terrain, son successeur donne l’impression que s’il a été nommé au poste, c’est pour changer certaines choses.

Globalement, c’est un Ramadan calme que passent les Algériens, du moins pour ce qui est de la disponibilité des produits subventionnés, huile de table, pains, semoule, farines et lait. Néanmoins, certains autres produits ont vu leurs prix flamber, comme les fruits.

L’oignon, qui a rarement posé de problème de disponibilité ou de prix en Algérie, a atteint des sommets inimaginables, se vendant jusqu’à 350 dinars le kilogramme.

Par le passé, il se vendait à 20/25 dinars, et pendant une courte période qui précède la nouvelle récolte, à 100 dinars maximum.

La banane est aussi inaccessible pendant ce Ramadan 2023, atteignant les 800 dinars avant de baisser à 380 dinars le kilo, suite aux mesures prises par le gouvernement.

Dans sa dernière sortie lundi, Tayeb Zitouni a tenu un nouveau discours en évoquant cette situation. Il a laissé entendre que la hausse des prix des produits alimentaires en Algérie n’est pas toujours due à la spéculation.

Pour ce qui est de la banane, il a expliqué que si elle a atteint son prix actuel, c’est à cause de la rareté de l’offre, donc de l’insuffisance des quantités importées, sachant que la culture de la banane en Algérie n’est qu’à ses premiers balbutiements.

Réguler le marché de la banane en Algérie : une solution simple et à portée de main

L’ancien ministre du Commerce avait centralisé les autorisations d’importation -de tous les produits- au niveau de l’Agence algérienne de promotion des exportations (Algex).

L’idée était de ne délivrer d’autorisation que pour les marchandises non produites en Algérie ou qui le sont en quantités insuffisantes, avec la finalité de protéger et d’encourager la production nationale.

Si le ministre dit clairement que les quantités de bananes importées sont insuffisantes, c’est que ce dispositif Algex n’a pas bien fonctionné.

Soit on a mal évalué les besoins du marché national, soit des monopoles ont été créés.

Ou encore, l’obsession de se conformer à l’orientation de réduire la facture des importations dans un contexte de crise économique a pris le dessus sur les autres considérations.

Or, le président de la République lui-même a rappelé tout le monde à l’ordre, indiquant que la rationalisation des importations ne doit en aucun cas déboucher sur la privation du citoyen de ce dont il a besoin.

Le ministre Zitouni a préconisé la solution la plus simple et la plus indiquée qui soit : augmenter les quantités de bananes importées pour inonder le marché et faire baisser les prix.

Les quotas accordés aux importateurs dont on ne connait pas la quantité seront revus à la hausse, a-t-il annoncé. Une telle option est d’autant plus salutaire que la banane est le régulateur de tout le marché des fruits en Algérie.

Si les Algériens  se privent de fruits pendant ce mois de Ramadan, c’est donc à cause des restrictions sur l’importation de la banane. Ceux qui les ont décidées pouvaient-ils ignorer ce rôle régulateur du fruit jaune ?

Le nouveau ministre l’a en tout cas compris et promis d’agir en conséquence et c’est louable.

Néanmoins, la suite de la stratégie qu’il a développée à la même occasion laisse penser qu’il a lui aussi la même obsession de se défaire de l’importation. Tayeb Zitouni a révélé qu’il compte encourager les importateurs pour les orienter vers la production de la banane en Algérie.

Régulation des importations : un casse-tête pour l’Algérie

Des expériences ont été menées avec succès sur la bande littorale, mais pour quels investissements et quels  coûts de revient ?

La banane en Algérie ne pousse que sous serre et nécessite une irrigation abondante alors que le pays fait face à une grave crise de l’eau à cause de la sécheresse.

Elle ne peut être rentable que dans une conjoncture de hausse des prix.  L’incohérence, c’est que la finalité du gouvernement c’est d’arriver à baisser les prix et rendre le produit accessible à tous les citoyens.

Entreprendre d’atteindre une autosuffisance alimentaire totale, c’est faire fausse route. Aucun pays au monde ne vit en autarcie économique et se contente pour son alimentation de ce qu’il produit.

Chaque pays a des avantages comparatifs qui lui permettent de produire moins cher certaines marchandises. Le meilleur exemple est celui tout récent de la viande.

L’Algérie, qui peine à la produire à moins de 2.000 dinars le kg, est allée l’acheter au Soudan. Selon le directeur de l’entreprise publique l’Algérienne des viandes rouges (Alviar), le bœuf importé actuellement de ce pays d’Afrique a été payé, vivant, à 1,2 dollars le kilogramme, soit à peu près 160 dinars.

Cela doit se faire pour tous les produits que les agriculteurs algériens n’arrivent pas à mettre sur le marché à des prix abordables, à commencer par la pomme qui a atteint des prix indécents de plus de 1000 dinars le kilogramme pour certaines catégories.

La santé et le bien-être des Algériens doit passer avant toute autre considération, comme la protection de certaines filières, de surcroît lorsque tous les incitations et financements consentis ne donnent rien et ne font qu’enrichir ceux qui en bénéficient.

La production en interne, à tout prix, ne doit pas concerner que les produits stratégiques pour ne pas être pris au dépourvu en cas de crise mondiale majeure, comme l’Algérie a failli l’être pour les céréales après le déclenchement de la guerre en Ukraine.

L’autre grosse incohérence des autorités c’est de vouloir orienter vers la production d’un fruit très gros consommateur d’eau alors que le pays vit une situation de stress hydrique aiguë et rationne l’eau potable pour sa population.

Entre la volonté de lutter contre la hausse des prix et les pénuries et l’objectif de réduire la facture des importations afin d’encourager la production nationale, de réduire la surfacturation et de sauvegarder les réserves de change, l’équation n’est pas simple pour l’Algérie.

Le passage du statut d’importateur à celui de producteur dans de nombreux produits de consommation ne peut se faire du jour au lendemain.

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