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Grand port du centre : l’Algérie a-t-elle retiré le projet à la Chine ?

Grand port du centre : l’Algérie a-t-elle retiré le projet à la Chine ?

Par luzitanija / Adobe Stock

L’Algérie a-t-elle vraiment retiré le projet du grand port en eau profonde du centre d’El Hamdania à la Chine, comme l’affirment des médias français et marocains cette semaine ? Nous avons vérifié

Tout commence le mercredi 4 juin. Dans un article consacré à la visite en Algérie de Rodolphe Saadé, patron de CMA CGM, le quotidien français L’Opinion affirme que le président algérien Abdelmadjid Tebboune a enterré le projet du port d’El Hamdania qui devait être confié à la Chine.

Rapidement, la presse marocaine s’empare du sujet, d’abord en déformant l’information, puis en extrapolant sur l’avenir des relations entre la Chine et l’Algérie, avec en toile de fond un supposé désaccord sur le Sahara occidental.

« L’Algérie retire un grand projet de port à la Chine, la question du Sahara en est la raison ? », titre le site marocain Yabiladi. « Lancé pour concurrencer le complexe portuaire de Tanger-Med, le projet du port algérien d’El Hamdania connaît un virage stratégique inattendu. Alger aurait renoncé à confier sa construction à la Chine. Une décision aux fortes implications géopolitiques, sur fond de rivalité régionale et d’enjeux autour du Sahara occidental », affirme le média marocain.

Sur les réseaux sociaux, de nombreux internautes s’interrogent sur les raisons qui ont poussé l’Algérie à prendre cette décision. Qu’en est-il réellement ? TSA a interrogé des sources officielles algériennes et a vérifié pour rétablir les faits.

« Il n’y a jamais eu de contrat entre l’Algérie et la Chine pour la construction de ce projet. Il y a eu des discussions entre les deux parties au début des années 2010 pour réaliser un port en eau profonde à El Hamdania, tranche une source officielle.  Les Chinois étaient intéressés pour octroyer un financement et obtenir, en échange, le contrat de réalisation pour leurs entreprises. Ils ne voulaient s’impliquer dans la gestion et l’exploitation du port, c’est-à-dire dans la prise de risque ».

Grand port du centre d’El Hamdania 

L’Algérie et la Chine n’ont pas pu s’entendre sur ce projet estimé à 5,1 milliards de dollars. Malgré ce désaccord, l’Algérie n’a jamais abandonné le projet d’El Hamdania. « Le projet d’un grand port en eaux profondes dans la région centre n’a jamais été définitivement enterré. En plus d’El Hamdania, une autre réflexion a été engagée pour doter le pays d’une telle infrastructure », explique notre source.

Ce port est indispensable pour deux raisons. La première est d’ordre économique et stratégique. « Les gros bateaux doivent pouvoir décharger directement leurs marchandises dans les ports algériens pour éviter le passage par d’autres ports. C’est l’objectif à court terme. A moyen terme, il s’agit de faire du grand port du centre un hub portuaire pour la région », explique notre source.

« Un port en eau profonde est indispensable à l’Algérie »

La seconde raison est liée à la nécessité de déplacer l’activité commerciale du port d’Alger à un port en eaux profondes capables d’accueillir des navires de gros tonnage, afin de réduire la pression sur la capitale. Les autorités veulent limiter les activités au port d’Alger à la « pêche et à la plaisance », selon la même source.

Situé en plein centre-ville, le port d’Alger est devenu un handicap au développement de la capitale, génère une bonne partie des embouteillages, en plus des contraintes liées à son extension.

Pour se doter de ce port en eaux profondes dont a besoin l’Algérie pour le développement de son économie, la région d’El Hamdania n’est pas la seule option sur la table.

Le 16 juillet 2024, lors d’un conseil des ministres, le président de la République Abdelmadjid Tebboune a pris trois décisions importantes dans le domaine des ports.

Il a instruit le ministre des Travaux Publics et des Infrastructures de base Lakhdar Rekhroukh de « créer une société algérienne de grands travaux maritimes spécialisée dans l’aménagement des ports, de procéder à l’extension du port de Djen Djen à Jijel pour qu’il puisse jouer un rôle central en Méditerranée et d’accélérer l’extension du port d’Annaba en le reliant à la voie ferrée pour le transport et la commercialisation du phosphate de Bled El Hadba jusqu’à Annaba ».

Ces trois grands projets ont été lancés. Moins d’un mois après, un grand Groupe public de travaux maritime (GTM) a été créé, avec en perspective des investissements de 10 milliards de dollars pour la modernisation des ports algériens sur une période 10 ans.

Le ministère des Travaux publics a lancé une étude d’extension du port de Djen Djen et les travaux d’extension du port d’Annaba, la grande ville de l’est algérien.

Grand port en eau profonde en Algérie : Djen Djen, une option moins coûteuse

« L’Algérie a besoin d’un port en eaux profondes de taille moyenne dans la région centre. C’est indispensable. Les gros navires doivent venir décharger leurs marchandises directement dans les ports algériens, et cela va se faire à partir de cette année », soutient notre source.

Avec la réalisation d’une autoroute Jijel-Sétif dont la livraison est prévue pour 2027, le port de DjenDjen – qui souffre actuellement de la modestie des liaisons routières qui le relient au reste du pays – pourra jouer pleinement son rôle de véritable poumon de l’économie algérienne.

En attendant la finalisation de l’étude d’extension de ce port, l’agrandissement de Djen Djen a déjà commencé.  Des travaux d’extension ont été menés, ce qui permet à ce port de recevoir depuis octobre 2024 des navires porte-conteneurs trois fois plus grands d’une capacité de 6.000 EVP (équivalent vingt pieds), contre 2.500 EVP auparavant.

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