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Grève annoncée dans l’éducation : « C’est un signal d’alarme »

Grève annoncée dans l’éducation : « C’est un signal d’alarme »

Messaoud Boudiba est coordinateur national du Conseil national autonome des professeurs de l’enseignement secondaire et technique élargi (Cnapest). Dans cet entretien, il aborde le retour à la contestation dans l’éducation nationale après une « trêve » sociale qui aura duré deux ans.

Vous avez appelé à une grève de deux jours les 12 et 13 avril. Pourquoi et quelles sont vos revendications ?

Cette grève de prime abord est un débrayage d’alerte et un signal d’alarme pour dire que la trêve qu’il y a eu ne tient plus.

Il y a eu une situation politique que nous avons traversée et ensuite une crise sanitaire qui ont obligé les syndicats à observer une trêve sociale.

Mais aujourd’hui la situation sociale ressort à la surface, je parle notamment du pouvoir d’achat, et surtout des travailleurs qui ne peuvent plus patienter davantage.

C’est pourquoi, lorsque vous revenez à nos revendications, vous constaterez que nous avons mis en tête la question du pouvoir d’achat et l’employé du secteur de l’éducation et en particulier l’enseignant qui touche le fonds.

Nous remettrons au-devant de la scène notre revendication liée à la revalorisation des salaires des enseignants. Deuxièmement, nous avons posé le problème du logement qui est plus que jamais une nécessité.

L’enseignant ne peut pas bénéficier d’un logement. Il en est exclu. D’un côté, il n’ouvre pas droit à un logement social parce que son salaire dépasse de peu le SNMG (salaire minimum garanti) et de l’autre il ne peut pas bénéficier des autres formules du fait que son salaire ne lui permet ni de contracter un crédit bancaire ou qu’il lui soit ponctionné une partie de son salaire alors que sa paie est de 30 000-40 000 DA/mois. L’enseignant s’en trouve privé systématiquement de son droit à un logement en Algérie.

Quelles sont les autres revendications ?

Il y a le dossier de la retraite, celui de la médecine de travail. Dans le secteur de l’éducation, il y a une spécificité qui concerne l’enseignant. Elle vient tout d’abord des conditions de travail extrêmement pénibles, mais qui ne sont pas visibles au grand public.

Il y a une volonté d’induire les gens en erreur avec l’annonce sur un classement des métiers selon leur degré de pénibilité, alors que ça n’existe toujours pas.

En tant qu’enseignants nous revendiquons une retraite après 25 ans de service, sur la base de l’observation d’une diminution du rendement de l’enseignant après 25 ans de travail et tenant compte de son état de santé, etc.

En supprimant la retraite à 31 ans et la retraite sans condition d’âge, la situation des enseignants s’est compliquée. C’est pourquoi, nous appelons à rouvrir ce dossier des retraites de sorte que l’enseignant puisse avoir une formule différente et spécifique.

Nos revendications portent aussi sur des aspects liés aux conditions de travail comme la surcharge des classes, les volumes horaires qui engendrent une pression terrible sur l’enseignant, surtout dans la conjoncture actuelle. La charge tombe tout le temps sur l’enseignant…

Justement, dans le cadre des mesures sanitaires liées à la lutte anti-Covid, le calendrier et le volume horaire d’enseignement ont été chamboulés. Comment gérez-vous cette situation ?   

Les calendriers mis en œuvre ont été globalement en faveur de l’élève, mais d’un autre côté, ils ont désavantagé l’enseignant. Lorsqu’on nous a soumis les nouveaux volumes horaires, nous avons considéré qu’il y avait une nécessité qui nous obligeait en tant qu’enseignants à respecter les mesures sanitaires.

Cependant, nous avons prévenu que cela ne devait pas se faire au détriment de l’enseignant. Lui aussi est confronté à une situation sanitaire. Il ne peut pas être contraint à subir une grande pression.

Cette pression va peser négativement sur sa santé physique et mentale et il s’expose à la contamination au Covid-19. Et c’est d’ailleurs ce qu’il s’est passé : nous l’avons payé très cher avec des dizaines de milliers de travailleurs du secteur de l’éducation qui ont été contaminés par le Covid-19 depuis la reprise des cours en octobre dernier.

C’est une réalité. Les documents sont là pour la prouver. Par conséquent, c’est le prix à payer, car nous avons pris l’engagement et nous avons défié la maladie pour que l’école demeure ouverte.

Cependant, force est de dire que ce lourd tribut est en grande partie dû à la non-assistance en faveur de l’enseignant, en particulier l’absence de moyens de protection dans les établissements scolaires.

Les protocoles mis en place n’ont pas été respectés et les enseignants n’ont pas bénéficié des moyens pour concrétiser ces protocoles sur le terrain. En dehors des spots médiatiques et des déclarations publiques, ces protocoles n’ont pas d’existence sur le terrain faute de disponibilité des moyens.

Dans votre plateforme de revendications, vous évoquez aussi les entraves à l’exercice syndical. Comment cela se traduit-il sur le terrain ?

Le harcèlement des syndicalistes, nous le vivons sur le terrain. Nous avons nos représentants qui, en raison de leur activité syndicale, subissent des sanctions et des intimidations, jusqu’à les traduire en justice.

Lundi dans la wilaya de Béjaïa, l’ex-coordinateur de wilaya du Cnapest-E devait se présenter devant le tribunal de Béjaia à cause de son activité syndicale.

C’est la preuve claire des pressions que nous subissons dans le cadre de notre activité syndicale. Nous intégrons tout ça dans la case des restrictions contre la liberté syndicale dont la sauvegarde et la préservation font partie de nos revendications.

Nous militons pour cela depuis la création de notre syndicat en 2003, et nous continuerons à lutter en faveur des libertés syndicales par ailleurs consacrées par les lois de la République.

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