Plusieurs dirigeants arabes gardent le silence sur la guerre que mène Israël à la Palestine depuis les attaques du Hamas samedi 7 octobre.
Le silence le plus intrigant est celui du roi du Maroc Mohammed VI, dont la qualité de « président du comité Al Qods » le met en principe devant l’obligation de s’exprimer, voire d’agir, face aux événements en cours.
Lorsque le royaume a franchi le pas de la normalisation avec Israël en 2020, dans le cadre des accords d’Abraham négociés sous l’égide de l’ancien président américain Donald Trump, le palais royal a tenté de faire accepter la décision à l’opinion publique marocaine en mettant en avant « l’intérêt » du pays, puisque la normalisation avec Israël a amené en retour celle de Washington de la « souveraineté marocaine » sur le Sahara occidental.
Ils ont aussi expliqué aux Marocains, très attachés à la cause palestinienne, que la normalisation ne signifie pas la fin du soutien à la Palestine en lutte.
Tout le monde savait cependant qu’allier les deux impératifs, traiter avec Israël et soutenir la Palestine, s’apparente à un dilemme et les événements de ces derniers jours en apportent la preuve irréfutable.
L’attaque du Hamas palestinien du 7 octobre, suivie d’une vengeance féroce de l’armée israélienne sur les populations civiles de la bande de Gaza, est survenue alors que le Maroc et Israël ont franchi presque toutes les étapes de la normalisation de leurs relations, intensifiant notamment leur coopération militaire et sécuritaire. Il ne reste que la nomination d’ambassadeurs respectifs à Rabat et Tel-Aviv.
Le Maroc s’est retrouvé dans la même situation que les Émirats arabes unis. Les deux pays ont signé les accords de normalisation à quelques mois d’intervalle. Si le président des Émirats, Mohammed Ben Zayd (MBZ) a assumé pleinement sa nouvelle alliance en condamnant l’attaque du 7 octobre, Mohammed VI n’a trouvé que le silence pour, espère-t-il, pouvoir tenir le bâton par le milieu.
Entre la Palestine et Israël, le roi du Maroc dans la gêne
Près de deux semaines de bombardements israéliens sur la bande de Gaza, 3.700 morts palestiniens et 1.500 côté israélien et le roi du Maroc garde toujours le silence.
Son gouvernement a réagi timidement en appelant d’abord à une réunion de la Ligue arabe puis en soulignant la responsabilité de la politique de colonisation dans ce qui arrive, mais le « président du comité Al Qods » n’a toujours rien dit.
Il s’est aussi tu ces dernières semaines lorsque les agressions et profanations se sont multipliées sur la ville d’Al Qods et sa mosquée sainte, lesquelles provocations ont mené, entre autres raisons, à l’opération du 7 octobre, baptisée d’ailleurs « Déluge d’Al Aqsa ».
Le silence de Mohammed VI est incompatible avec le titre hérité de son défunt père Hassan Il, qui l’avait porté depuis 1975, soit depuis la création du comité par l’Organisation de la coopération islamique (OIC) pour la défense de la ville d’Al Qods, troisième lieu saint de l’Islam.
Il contraste aussi avec le bruit que font les Marocains pour faire entendre leur soutien à la cause palestinienne. Dimanche dernier, ils étaient 300.000 marocains (selon les organisateurs) à marcher dans les rues de Rabat pour dénoncer à la fois les bombardements sur Gaza et la normalisation.
« Si le régime ne fait pas tomber la normalisation, c’est la normalisation qui le fera tomber », a tonné, au tout début de l’opération du Hamas, le président de l’observatoire marocain contre la normalisation, Ahmed Ouihmane.
Malade et tout le temps absent de son pays, Mohammed VI a l’habitude de s’éclipser pendant que se déroulent des événements graves.
Il lui a fallu près de 24 heures pour faire une apparition publique (sans s’exprimer) après le séisme qui a frappé le centre du royaume le 8 septembre dernier et près d’une semaine pour effectuer une sortie sur le terrain, et encore pas dans les zones sinistrées, où il ne s’est toujours pas rendu.
Son silence par rapport à la situation actuelle en Palestine ne peut toutefois être expliqué par son absence de son bureau ou son état de santé, car un discours de quelques minutes, ou même un communiqué de quelques lignes, ne constitue pas un effort insurmontable. Il ne peut être que l’expression d’une gêne vis-à-vis de la fois de l’opinion publique locale et de son nouvel allié israélien.
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