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Hausse du prix du maïs : menaces sur la filière avicole algérienne

Hausse du prix du maïs : menaces sur la filière avicole algérienne

Sur le marché mondial, face à la crise ukrainienne, les prix du maïs continuent leur progression. Plus grave, elle concerne autant l’ancienne récolte que celles à venir.

À terme, cette hausse des prix menace l’approvisionnement en maïs de la filière avicole en Algérie. Quels peuvent être les palliatifs et la place de l’orge produite localement ?

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Les sites spécialisés rapportent que le maïs livrable en juin 2022 gagne 8,5 €/tonne à 312 €/t, tandis que celui livrable en novembre 2022 augmente de 2,75 €/t, à 260 €/t. Déjà élevé, le prix du poulet pourrait coûter encore plus cher en Algérie.

Grand exportateur de maïs, l’Ukraine ne peut plus approvisionner le marché mondial. À cause de la guerre, les vraquiers spécialisés dans le transport de céréales se déroutent des ports céréaliers de Marioupol et d’Odessa où les silos sont remplis de grains.

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Ukraine, des craintes sur les semis de mars

Pour Thierry Blandinières, directeur général du groupe InVivo, la situation est grave. « Nous avons 350 salariés en Ukraine et 250 en Russie. La situation impacte en particulier des activités de malterie, des activités agricoles et un bureau de trading. Toutes sont à l’arrêt et fermées. Nous avons coupé les circuits informatiques, par sécurité, les salariés français sont rentrés et nos salariés ukrainiens sont chez eux mais certains sont mobilisables. Tout le monde attend« .

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S’exprimant ces derniers jours au Salon international de l’agriculture de Paris, il se dit inquiet pour les prochains semis de tournesol et de maïs. Le mois de mars sera décisif. Sinon, sur le marché mondial restera le maïs d’Amérique du sud.

Dans ces conditions, les achats des opérateurs algériens devraient se trouver fortement impactés d’autant plus que les tourteaux de soja utilisés en aviculture connaissent également une hausse.

Le maïs constitue l’aliment énergétique par excellence, son grain concentre un maximum d’énergie facilement assimilable par les animaux et notamment les volailles. Aussi, reste-t-il, un élément de base de la ration alimentaire des élevages.

Maïs, des importations de 4 millions de tonnes

En Algérie, les besoins locaux en maïs-grain sont colossaux. Ils s’élèvent annuellement à 4 millions de tonnes. Face à ces importations croissantes, les services publics incitent les investisseurs à produire du maïs, notamment dans le grand sud sous pivot d’irrigation.

Mais, contrairement au blé et à l’orge, le maïs-grain est une culture d’été, aussi nécessite-t-il d’être fortement irrigué. Les rendements obtenus en Algérie atteignent 80 à 100 quintaux par hectare, mais les surfaces cultivées restent faibles et ne couvrent qu’une infime partie des besoins.

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Par ailleurs, la culture du maïs-grain est concurrencée par celle du maïs fourrager jugé plus rentable par les producteurs. Ce maïs est conditionné sous forme de balles enrubannées.

Face au manque de fourrage, à l’impulsion des éleveurs et des aides gouvernementales, ce type de production connaît un fort développement. On peut voir aujourd’hui des camions semi-remorques transportant ces énormes balles rondes d’une tonne remonter du sud où la production s’effectue sous pivot après la récolte du blé. Ce type de production s’étend progressivement au nord du pays.

Des palliatifs à l’utilisation du maïs

Si en élevage le maïs-grain reste une source d’énergie indispensable, il peut cependant être remplacé par d’autres céréales, notamment dans le cas des ruminants. Une première mesure d’intérêt national pourrait être de réduire la présence de maïs-grain dans les rations destinées aux ruminants afin de le réserver aux seuls élevages avicoles.

L’Institut technique des élevages de Birtouta dans l’Ouest d’Alger a réalisé des essais afin de remplacer partiellement le maïs-grain contenu dans les rations par de l’orge. Ces essais réalisés, tant sur des poulets de chair que des poules pondeuses, montrent que la part d’orge peut s’élever à 20 % des rations. En facilitant la digestion de l’orge, l’adjonction d’enzymes à la ration permet de réduire davantage la part du maïs.

Le triticale représente un autre type de céréales facilement cultivable localement puisqu’il ne demande pas d’irrigation. Son intérêt vient de ce que « l’amidon du triticale est bien digéré par le poulet » comme le reconnaît depuis 2015 Arvalis, l’Institut français du végétal.

Ce type de palliatif n’est pourtant pas encouragé. En février 2020, au Palais des nations à Alger, devant les membres du gouvernement, walis et chefs de Daïra, le président de la République avait indiqué : « Nous savons importer mais nous ne savons pas vendre« .

À cette occasion, il avait tancé l’Office algérien interprofessionnel des céréales (OAIC) et celui des aliments de bétails (ONAB), accusés de s’être habitués aux importations au dépends du développement de la production locale. Les fabricants privés d’aliments du bétail sont également tournés vers la seule importation de matière première.

Quand l’Algérie exportait de l’orge

En 2010, suite à une campagne exceptionnelle, l’OAIC a exporté 10 000 tonnes d’orge vers la Tunisie. Et cela pour la première fois depuis 1967. La campagne agricole 2009 avait permis une récolte de 62 millions de quintaux dont 24 millions de quintaux d’orge. Un exploit à réitérer …

Pour le professeur Arezki Mekliche de l’École nationale supérieure d’agronomie (ENSA), qui s’exprimait récemment sur les ondes de la Chaîne III de la Radio algérienne, la production d’orge est « beaucoup plus facile » que celle du blé dur ou tendre.

Ce chercheur qui a consacré sa carrière aux céréales est familier des programmes de recherche-action. Pour lui, il devient urgent de revoir les techniques actuelles et d’assurer des incitations financières substantielles les concernant. Ainsi, le prix d’achat des récoltes par l’OAIC devraient être « proches de ceux appliquées sur les marchés internationaux« .

40 % des terres à blé travaillées seulement une année sur deux

Un des freins à l’augmentation de la production de céréales, et notamment d’orge, reste le volant considérable de terres à céréales laissées chaque année en jachère.

Héritée de la pratique coloniale du dry-farming, cette pratique perdure et de nombreux agriculteurs en sont devenus de fervents adeptes. La recherche agronomique locale a pourtant montré que « le rôle de conservation de l’eau attribué à la jachère travaillée n’existe véritablement que pour les zones à pluviométrie suffisante et disposant de sols profonds« .

Et encore, faut-il pour cela que « les labours de printemps soient effectués suffisamment tôt« . Or, dans la pratique, ces labours sont souvent retardés par manque de matériel mais aussi par le fait que ces prairies temporaires soient utilisées pour faire pâturer le cheptel. La poursuite de la pratique de la jachère est donc contestable.

À elle seule, l’augmentation des surfaces emblavées ne peut suffire, un renouveau technique est nécessaire. La campagne agricole passée a montré combien le faible niveau technique actuel met les cultures d’orge à la merci de la moindre sécheresse.

En janvier dernier le ministre de l’Agriculture et du Développement rural, Abdelhafid Henni, a indiqué à l’Assemblée populaire nationale que, lors de la saison dernière, seuls 135 000 quintaux d’orge avaient été collectés par l’OAIC contre plusieurs millions de quintaux les autres années.

La production d’orge et de produits de substitution aux importations soulève de multiples questions. Face au renchérissement considérable du maïs, elle suppose la mobilisation de moyens matériels, humains et financiers supplémentaires. À eux seuls, les services agricoles peinent à assurer l’encadrement des producteurs. Les minoteries et les fabricants d’aliments de bétail disposent de moyens non négligeables et pourraient contribuer à l’effort national.

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