Il y a plus de huit ans, le 8 janvier 2012, TSA interrogeait Ali Haddad au sujet de l’acquisition d’un palace à Barcelone en Espagne pour 68 millions d’euros. Le patron de l’ETRHB, qui n’avait pas encore pris la tête du FCE, répondait d’une façon ironique : « C’est un homonyme. J’aurais aimé acquérir un tel palace mais ce n’est pas moi ».
En fait, l’acquisition du Ritz de Barcelone, l’un des plus importants hôtels de luxe en Espagne, par un « mystérieux Ali Haddad » était la première grande opération d’envergure à l’international du sulfureux milliardaire algérien. Ali Haddad était lancé sur une voie royale pour faire partie des intouchables du système de l’ère Bouteflika.
L’information avait été révélée par le journal espagnol L’Expansion, et le journal Aginyo affirmait que cette acquisition a été faite par une société contrôlée par Ali Haddad, un investisseur « originaire d’Afrique du Nord ». Malgré ces précisions, Ali Haddad n’a pas été inquiété en Algérie. Il était en pleine ascension, à deux ans du quatrième mandat du président déchu Abdelaziz Bouteflika.
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Sa proximité avec Said Bouteflika et le cercle présidentiel commençait à sceller, et l’homme d’affaires allait devenir plus puissant que jamais durant le 4e mandat du président déchu Abdelaziz Bouteflika.
Il obtenait, sans aucun problème, tous les contrats de BTP dont il voulait en Algérie et il était dans le coup dans quasiment toutes les bonnes affaires. En 2014, il avait pris la tête du FCE, une association patronale qui comptait les plus grands patrons du pays. Haddad en a fait un instrument de pouvoir à la mesure de ses ambitions sans limites.
Huit ans et neuf mois après le mensonge du « Ritz de Barcelone », Ali Haddad a connu la gloire, puis la descente aux enfers. Après avoir gravi tous les échelons d’un homme d’affaires riche, puissant et influent, la chute a été terrible. Homme clé du 4e mandat de Bouteflika, Ali Haddad a essayé de se maintenir au sein d’un système corrompu en soutenant la candidature du président déchu au 5e mandat. Le 26 janvier 2019, moins d’un mois avant le début du hirak le 22 février 2019, Ali Haddad réaffirmait son soutien à Bouteflika et au 5e mandat. Le projet n’a pas abouti. Il a été anéanti par les millions d’Algériens sortis dans la rue pour dire non au 5e mandat et réclamer le changement. Ali Haddad a tenté de s’accrocher, mais l’inéluctable chute de Bouteflika allait entraîner la sienne. Le 31 mars 2019, il a été arrêté au poste frontalier d’Oum Tboul, alors qu’il tentait de se rendre en Tunisie. Depuis, il est incarcéré.
Accusé, avec ses frères et d’anciens hauts responsables, de malversations dans l’octroi d’importants marchés publics, dont des lignes de chemin de fer et de tramway, au groupe ETRHB, en violation de la réglementation, Ali Haddad a été condamné le 1er juillet dernier par le tribunal de Sidi M’hamed à 18 ans de prison ferme.
Le même tribunal avait prononcé des peines de 4 à 8 ans pour quatre de ses frères, 12 ans pour Sellal et Ouyahia et entre 2 et 20 ans de prison pour les anciens ministres Mahdjoub Bedda, Youcef Yousfi, Boudjemaâ Talai, Abdelkader Kadi, Abdelghani Zaâlane, Amara Benyounès, Amar Ghoul et Abdeslam Bouchouareb (en fuite). Plusieurs de ces prévenus ont par ailleurs été condamnés à de lourdes peines dans d’autres affaires.
Son procès en appel vient de s’achever à la Cour d’Alger. De la prison de Tazoult où il purge sa peine, Ali Haddad a reconnu enfin avoir acheté en 2011 un hôtel à Barcelone pour 54 millions d’euros, selon le compte rendu de l’agence officielle.
Il a également reconnu que son groupe avait obtenu 457 crédits d’investissement et bancaires au cours des 20 dernières années, d’un montant global de 2110 milliards de dinars, soit près de 14 milliards d’euros (au taux de change officiel de 2020). En plus, son groupe a bénéficié d’un allégement des taxes entre 50 et 90%, dans le cadre d’une loi favorable aux entreprises réalisatrices de projets d’investissement.