Économie

Huile table : avec l’usine Cevital, l’Algérie va changer de statut

L’Algérie va devenir un producteur et exportateur de l’huile de table, après le déblocage de l’usine de trituration du groupe Cevital à Bejaia, l’une des plus grandes au monde.

« Ce genre de projet met du baume au cœur. Comme je l’ai dit depuis le début du mandat, j’espère que l’agriculture industrielle deviendra une réalité dans notre pays. »

Ces propos sont du président de la République, Abdelmadjid Tebboune. Il les a tenus lors de la dernière rencontre gouvernement-walis samedi 24 septembre, en allusion, sans le citer, au projet d’usine de trituration de graines oléagineuses que le groupe Cevital n’a pas pu ouvrir à Bejaïa à cause d’un blocage qui a duré plusieurs années.

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Le projet est enfin débloqué. Il entrera en production dans quelques mois, et il a fallu que ce soit le premier magistrat du pays qui l’annonce.

« Il y a un projet qui permettra à l’Algérie d’ici six à sept mois de produire seule son huile, de l’agriculteur jusqu’au consommateur. Il était gelé, sous prétexte qu’il n’avait pas d’autorisation. L’usine est construite, on ne va quand même pas la démolir », a tonné le chef de l’État qui, depuis son élection fin 2019, mène une croisade contre le blocage des investissements.

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Samedi 24 septembre, il a rencontré les walis pour la quatrième fois, et c’est autant de fois qu’il les a exhortés à lever les entraves devant les opérateurs économiques et à se défaire de la peur d’ « aller à El Harrach », pour ceux qui, échaudés par le sort de centaines de fonctionnaires depuis 2019, hésitent à signer les autorisations nécessaires pour le démarrage d’usines et autres projets d’investissement.

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Le cas de l’usine de Cevital est emblématique. Le projet du groupe privé algérien, qui produit de l’huile de table à partir d’huiles brutes importées qu’il raffine, consiste à triturer les graines dans un premier temps puis à les faire produire par les agriculteurs algériens.

L’objectif étant de gagner et de faire gagner au pays une partie puis la totalité de la valeur ajoutée.

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Le groupe a consenti tous les investissements nécessaires ; de la construction de l’usine à proximité du port de Bejaïa où il possède déjà une raffinerie d’huile, une margarinerie et la plus grande raffinerie de sucre au monde, à l’acquisition des équipements.

Mais le projet a buté en 2017 sur l’intransigeance de l’administration qui a mis en avant le statut du terrain. Les équipements sont arrivés mais la direction du port de Bejaïa a refusé d’autoriser leur débarquement. Ils ont été trimballés pendant plusieurs années entre les ports algériens et européens.

Un projet intégré et 100 000 emplois indirects

Pour un pays en quête de diversification de son économie, vulnérable aux fluctuations des prix du pétrole et qui a un taux de chômage élevé, une telle attitude est incompréhensible.

D’autant plus que le projet est à la fois structurant et stratégique. Il devrait permettre la création de 1.000 emplois directs et des milliers autres indirects, essentiellement dans l’agriculture.

Les responsables de Cevital avaient expliqué à l’époque qu’avant même le lancement de la production du colza, du soja et autres graines, la seule trituration permettra de gagner, outre la valeur ajoutée de cette activité, un autre produit très précieux : les tourteaux de soja, que l’Algérie importe comme aliment de bétail. Les prévisions étaient de couvrir les besoins du pays en tourteaux et d’exporter le surplus vers l’Europe.

Le projet est encore plus intéressant dans sa deuxième phase avec des dizaines de milliers d’emplois qui seront créés dans l’agriculture, et la garantie pour les agriculteurs d’écouler leur produit à un prix prédéterminé, alors que l’Algérie ambitionne de développer la culture du colza.

Et pas un seul hectare ne sera ôté aux autres cultures puisque ce sont les surfaces laissées en jachère pour permettre à la terre de se reposer qui serviront à la culture des oléagineux. Il s’agit, selon les spécialistes, d’une excellente technique pour la régénération des terres.

En juin dernier, le groupe Cevital a acheté la totalité de leur production (100 000 quintaux) aux agriculteurs qui se sont essayé à la culture du colza, les tirant d’une situation difficile.

Le pays compte déjà trois unités de trituration (SIM, Cofeed et Madar), et celle de Cevital, qu’on annonce comme « l’une des plus grandes au monde » (usine multigrains d’une capacité au démarrage de 1100 tonnes jour), le fera passer du statut d’importateur net d’huiles brutes à celui d’exportateur d’huile 100 % algérienne, si bien sûr l’ambitieux programme de production de graines par les agriculteurs est maintenu.

L’Algérie a failli passer à côté d’un tel projet d’une grande portée stratégique et à l’intérêt économique inestimable, comme a permis de le constater la nouvelle conjoncture mondiale née de la guerre entre la Russie et l’Ukraine, l’un des deux principaux exportateurs mondiaux de céréales et de graines oléagineuses.

La tension mondiale sur les produits alimentaires de base a montré l’intérêt de produire son alimentation, comme a tenu à le souligner le président de la République dans son discours.

Du reste, c’est sur ce genre de projet intégré qu’insiste le chef de l’Etat ces deux dernières années pour la très grande valeur ajoutée qu’ils permettent de générer à travers la transformation de la matière première locale.

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