Le 34e vendredi a été marqué par un regain de mobilisation portée par des centaines de milliers de citoyens, malgré les arrestations et les restrictions. Le Hirak confirme-t-il ainsi sa bonne santé ?
Mohamed Hennad, politologue. En fait, le hirak est devenu, de par sa régularité, son endurance et son pacifisme, un véritable phénomène sociopolitique et un fait inédit à l’échelle des nations.
D’aucuns se font, à chaque fois, des soucis à propos du nombre de manifestants enregistré chaque vendredi, mais ce nombre n’a plus guère d’importance étant donné que le Hirak est bien sorti de la phase du doute pour s’inscrire, résolument, dans une perspective d’avenir. Celle qui consiste, pour le peuple algérien, à prendre son destin en main à travers, notamment, le changement des mœurs politiques qui ont prévalu dans notre pays depuis son indépendance.
C’est d’ailleurs ce qui explique l’entêtement du pouvoir qui aura tout essayé pour faire passer sa feuille de route si bien qu’il ne lui reste, apparemment, que le recours à la force avec le risque de s’embourber davantage.
Le rejet des élections est un slogan qui revient à chaque marche du mardi et du vendredi. Le scrutin annoncé pour le 12 décembre a-t-il de la chance de se tenir ?
À vrai dire, le rejet de l’élection présidentielle date d’avant la fixation du rendez-vous du 12 décembre. Bien évidemment, ce rejet ne concerne pas l’élection en elle-même, mais plutôt les conditions générales de sa conduite. En effet, comment peut-on croire en une élection honnête, propre et transparente avec un gouvernement, un Parlement et un Conseil constitutionnel hérités du quatrième mandat et dont les membres en demandaient un cinquième ?
Quant aux chances de la tenue du scrutin, c’est difficile à dire. Car si l’on considère la force avec laquelle le Hirak rejette ce scrutin, on pourra supposer que celui-ci n’aura pas lieu. Mais si l’on considère la politique du fait accompli choisie par le haut commandement des forces armées, on dira que le scrutin aura bien lieu, même avec un taux de participation indigne !
Lors des dernières marches, un nouveau slogan a fait son apparition : le rejet du projet de loi sur les hydrocarbures. Quelle menace ce projet a-t-il sur les ressources nationales ?
Évidemment, je vais répondre sur l’aspect politique du projet en question. Et ce à travers trois remarques :
Le projet est une violation flagrante de la Constitution dont le pouvoir de fait ne cesse de se réclamer. Un tel projet ne devrait être élaboré que par un Exécutif légitime et débattu et avalisé par un parlement réellement représentatif des différents courants politiques de la société. Or, et le gouvernement et le parlement actuels datent de l’ère de la îssaba !
Au nom de conditions « attrayantes » pour l’investissement étranger, les auteurs du projet donnent l’impression de vouloir mettre l’Algérie à genoux devant les grandes compagnies internationales. En tous les cas, la manière dont le projet a été élaboré donne à penser que le pouvoir est en train de s’adonner à un mauvais jeu pour assurer sa survie, sauf qu’il est fort à parier que les compagnies étrangères, très au fait de la situation politique de notre pays, ne vont pas affluer.
Il faut prendre conscience du fait que ce projet de loi engage l’avenir du pays puisque les hydrocarbures demeurent toujours la principale source nourricière des Algériens. Pour cette raison, il doit être débattu et entériné de la façon la plus transparente et consensuelle qui soit.