
Il aura suffi que le Hamas diffuse deux vidéos montrant les visages de deux otages israéliens retenus à Gaza depuis les attaques du 7 octobre 2023 contre Israël pour que l’Occident s’émeuve avec une rare célérité.
Relayées par les canaux du mouvement palestinien, ces images montrent deux hommes visiblement affaiblis, s’exprimant avec difficulté dans ce qui semble être un message destiné à émouvoir l’opinion publique internationale sur les conséquences de la famine imposée par Israël dans la bande de Gaza.
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Et sitôt diffusées, la réaction de nombreuses chancelleries occidentales ne s’est pas fait attendre. La cheffe de la diplomatie de l’Union européenne, Kaja Kallas, a dénoncé « des images effroyables », tandis que le président français Emmanuel Macron a fustigé une « cruauté abjecte » imputée au mouvement Hamas. Et en Allemagne, le chancelier Friedrich Merz s’est dit « horrifié », appelant néanmoins Israël à continuer de livrer de l’aide humanitaire à Gaza et à ne pas « répondre au cynisme ».
Situation à Gaza : l’émoi sélectif de l’Europe
Mais ce subit réveil moral soulève une interrogation lancinante : pourquoi cette émotion reste-t-elle absente, lorsqu’il s’agit des souffrances des Palestiniens, assiégés depuis maintenant près de deux ans. Pourquoi les images terrifiantes des enfants palestiniens affamés et cadavériques n’ont pas eu droit à une telle célérité émotionnelle de la part des dirigeants des principaux pays occidentaux ?
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Depuis octobre 2023, ce sont plus de 60 000 Palestiniens, en majorité des femmes et des enfants, qui ont été tués par Israël à Gaza, selon le ministère de la Santé local, et la famine, imposée par le gouvernement de Benyamin Netanyahu, a causé la mort d’au moins 169 personnes, dont 93 enfants.
L’aide humanitaire, bien que partiellement autorisée depuis mai, reste limitée et les volumes jugés très insuffisants par l’ONU. Une employée de l’UNRWA a même témoigné que beaucoup de gazaouis dorment le ventre vide, tandis que le comité de la « classification intégrée des phases de la sécurité alimentaire » (IPC), un outil soutenu par les Nations unies, prédit une mortalité généralisée à Gaza si des mesures immédiates ne sont pas prises.
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Au milieu du silence diplomatique entourant cette tragédie, des voix commencent toutefois à s’élever pour désigner du doigt ce qui relève du tabou chez les occidentaux : ce qui se passe à Gaza n’est ni plus, ni moins, qu’un génocide. L’accusation ne vient pas d’un quelconque citoyen ordinaire ou politique de quelque pays, choqués par la tragédie, mais de l’écrivain David Grossman, grande figure intellectuelle respectée de la gauche israélienne.
Dans un entretien accordé au quotidien italien La Repubblica, il confie : « J’ai refusé pendant des années d’utiliser ce terme (génocide). Mais maintenant je ne peux pas m’empêcher de l’utiliser, après ce que j’ai lu dans les journaux, les images que j’ai vues et les témoignages que j’ai entendus ».
Israël : ce qui se passe à Gaza est un « génocide »
L’auteur de « Quelqu’un avec qui courir » évoque une « douleur immense », et un mot « avalanche » qui « ne fait que grossir » tant l’évidence s’impose à ses yeux. « Mettre ensemble les mots « Israël » et « famine », le faire en partant de notre histoire, de notre supposée sensibilité aux souffrances de l’humanité… tout cela est dévastateur », insiste-t-il.
Grossman, qui se dit « désespérément fidèle » à l’idée de deux États, soutient l’intention d’Emmanuel Macron de reconnaître un État palestinien en septembre, une proposition qui a déclenché une violente charge du gouvernement israélien contre le président français.
Le ministère des Affaires étrangères israélien a dénoncé une « croisade » du président français, tandis que Benyamin Nétanyahou l’accusait de « récompenser la terreur ». Grossman, lui, ne comprend pas « l’hystérie » de son pays face à cette proposition qu’il juge « bonne ».
Ce décalage entre la compassion immédiate pour deux otages israéliens et l’indifférence prolongée face à des dizaines de milliers de morts palestiniens, dont une majorité de civils, a de quoi interroger.